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Mesures provisoires relatives au statut de chef d’entreprise

Lors de l’audience d’orientation, le Juge aux affaires familiales peut fixer les mesures provisoires nécessaires pour assurer la coexistence des époux et de leurs enfants jusqu’à la fin de la procédure de divorce, en homologuant leurs éventuels accords – partiels ou non, tout en privilégiant encore à ce stade de la procédure la résolution amiable du conflit.

En savoir plus sur le divorce amiable

Parmi ces mesures provisoires, différentes mesures ont une importance et des conséquences importantes pour le chef d’entreprise ou le cadre dirigeant.

L’attribution de la gestion de l’entreprise d’un époux

Le Juge organise provisoirement la gestion des meubles, meubles ou immeubles, communs ou indivis, des époux, conformément à l’article 255, 8° du Code civil (à l’exclusion des biens propres).

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;

3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;

5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

L’attribution de la gestion des parts sociales ou des actions, qui appartient de manière indivise ou commune aux époux, peut également être envisagée (à l’exclusion des biens propres).

L’attribution des fruits ou dividendes, jusqu’au prononcé du divorce, lui bénéficie alors le plus souvent.

Dans la pratique, le Juge aux affaires familiales analyse l’implication passée de chaque époux au service de l’entreprise pour déterminer celui qui se trouve le plus compétent pour assurer la gestion de ce patrimoine indivis et assurer la pérennité de la société.

Cette gestion ne saurait toutefois empiéter sur les pouvoirs du gérant, que le Juge aux affaires familiales ne peut pas remplacer.

Les sommes perçues par l’époux attributaire de la gestion (exemple : dividendes) seront prises en compte lors des opérations de partage puisqu’il peut s’agir de sommes communes ou indivises.

L’organisation du règlement provisoire du passif du ménage

L’article 255 6° du Code civil permet également au Juge aux affaires familiales de déterminer lequel des époux devra assumer le paiement des dettes du ménage à titre provisoire.

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;

3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;

5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

En pratique, il est fréquent que le Juge aux affaires familiales fasse supporter la charge provisoire des dettes professionnelles au conjoint entrepreneur.

La désignation d’un professionnel qualifié ou d’un notaire

Alors qu’elle intervient très tôt dans la procédure, la nomination d’un notaire, son nom et la compétence de ce dernier ainsi que l’étendue de sa mission constituent la pierre angulaire du divorce du chef d’entreprise et du cadre dirigeant.

Le juge peut désigner un professionnel qualifié sur le fondement de l’article 255 9° du Code civil afin qu’il dresse un inventaire estimatif (communs, propres ou indivis) ou fasse des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux notamment en termes de prestation compensatoire. Généralement, le juge désigne un Notaire et fixe le montant de la provision que les époux devront consigner. Il peut s’agir néanmoins d’un expert-comptable lorsqu’il est nécessaire d’évaluer les droits des époux au sein d’une société.

Le Juge peut également désigner un notaire afin qu’il élabore un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. 

Sa mission se distingue de celle du professionnel qualifié (expert-comptable, avocat, etc.) puisque celle du notaire désigné sur le fondement de l’article 255 aliéna 10 ne concerne que la liquidation et le partage, alors que celle du professionnel qualifié concerne officiellement la prestation compensatoire et peut aussi porter sur un inventaire estimatif des biens.

IMPORTANT :

Le contenu exact de la mission du Notaire doit faire l’objet d’une attention très particulière de la part des avocats des époux. Ils doivent anticiper les points liquidatifs avant l’audience pour diriger la rédaction de l’Ordonnance du Juge aux affaires familiales sur les pouvoirs et la mission du Notaire.

Dans le cadre d’un divorce d’un chef d’entreprise ou d’un cadre dirigeant, une partie de la plaidoirie doit porter sur le choix d’un sapiteur aux côtés du notaire. Expert financier, directeur administratif et financier, expert-comptable, il aidera le Notaire et le Juge à comprendre l’écosystème d’entreprises du ou des époux.

Le recours au notaire et à l’expert financier, dans le cadre du divorce du chef d’entreprise, représente un mécanisme souvent nécessaire pour le Juge aux affaires familiales.

Leur charge de travail, leur éloignement culturel face au monde économique, leur méconnaissance parfois des édifices financiers et sociétaux que l’ingénierie affairiste élabore peut les empêcher d’appréhender par eux-mêmes la réalité de la situation économique des époux.

Cette partie est donc quasi intégralement dévolue au notaire et à l’expert financier qui ont tout à la fois le temps et l’expertise pour procéder à une analyse sincère et complète à remettre ensuite au Juge aux affaires familiales. Ce dernier tranche alors les désaccords sur la base de données chiffrées qu’il n’a pas élaborées. 

Paradoxalement, l’essentiel du débat portant sur la propriété, la valeur, les revenus du patrimoine professionnel des époux se fait donc devant les experts. Même s’il peut être complété ou ajusté ensuite, ce travail commence au moment de leur nomination, de l’élaboration du contenu de leur mission et des moyens à leur disposition : au stade de la fixation des mesures provisoires en somme.

Bon à savoir :

En cas d’urgence, si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le Juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts (article 220-1 alinéa 1er du Code civil). 

Il peut, par exemple, interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles (alinéa 2). 

Il peut s’agir de parts sociales ou d’actions de société.
Le Juge détermine la durée de ces mesures urgentes, sans pouvoir dépasser 3 ans.

Il peut également nommer un administrateur provisoire d’une société dont le capital appartient entièrement aux époux, et dont la gestion abusive par l’un des époux aboutit à un important déséquilibre financier (cour d’appel de Bordeaux, 9 décembre 2010 n° 10-00.000).
En savoir plus sur les mesures provisoires

Mesures du divorce relatives au statut de chef d’entreprise

Le nom marital

La faculté donnée aux époux de faire usage du nom de leur conjoint cesse à compter du prononcé du divorce (article 264 du Code civil).

« A la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ».

Cet usage peut, en premier lieu, être conservé en cas d’accord de l’autre époux.

En l’absence d’accord, l’un des époux peut demander au Juge du divorce de continuer de faire usage du nom de l’autre, en justifiant d’un intérêt particulier, en général professionnel (mais apprécié strictement) pour lui ou pour les enfants.

La Cour de cassation a déjà pu maintenir le droit à l’usage du nom marital, dans la sphère professionnelle, au profit de commerçants, d’artisans, d’artistes ou de professions libérales, lorsque l’un des époux a exercé pendant plusieurs années sous le nom de son conjoint (exemple s’agissant d’un avocat : Ccass Civ 1ère 17 oct. 2007 n° 07-10.023).

En présence d’un fonds de commerce ou d’une société, la Cour de cassation a déjà pu estimer qu’il existe un détachement entre la dénomination sociale – qui pourrait comprendre le nom marital – et le nom marital. L’ex-époux exploitant, associé ou actionnaire pourrait donc de continuer à exploiter le fonds sous nom commercial ou diriger la société sous sa dénomination sociale sans forcément obtenir une autorisation judiciaire (Ccass Civ 3ème 25 nov. 2009 n° 08-21.384). 

La Haute juridiction considère en effet que « le patronyme est devenu, en raison de son insertion (…) dans les statuts de la société (…) un signe distinctif, qui s’est détaché de la personne physique qui le porte, pour s’appliquer à la personne morale qu’il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle » (Ccass Com 12 mars 1985 n° 84-17.163 ; Ccass Com 29 janv. 2008 n° 05-20.195).

La prestation compensatoire

Le Juge du divorce doit également se prononcer sur le principe et le montant de la prestation compensatoire quel que soit le fondement du divorce (articles 270 et 271 du Code civil). 

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».

La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Il s’agit d’une somme allouée par un des époux à son conjoint dans le but d’effacer autant que possible les déséquilibres financiers causés par la rupture du mariage.

Critères d’appréciation de la prestation compensatoire

Les critères pris en compte pour fixer la prestation compensatoire sont la durée du mariage, l’âge des époux et leur état de santé, les revenus des époux, les charges des époux, le patrimoine des époux, les choix de vie des époux pendant le mariage.

Concernant le chef d’entreprise, le juge s’attardera particulièrement sur ses revenus et son patrimoine professionnel.

Le Juge aux affaires familiales procèdera à une analyse approfondie et une évaluation de tous les revenus des époux, qu’ils soient actuels ou prévisibles et quelle que soit leur forme.

Les revenus actuels
Les revenus issus de l’activité professionnelle

Le Juge du divorce analyse les revenus et les charges de chacun des époux afin d’apprécier s’il existe une disparité entre leurs situations. Il prend en compte l’intégralité des revenus des parties, quelle qu’en soit leur origine (revenus professionnels, fonciers, mobiliers, etc.) ou leur nature (indivis, commun, propre).

L’ensemble des revenus de l’époux chef d’entreprise, issus de son activité professionnelle, seront pris en considération :

  • dividendes,
  • salaire,
  • primes et intéressements financiers,
  • épargne salariale,
  • compte épargne temps (CET),
  • indemnités de licenciement et de non-concurrence,
  • clause de maintien,
  • etc.
En savoir plus sur les revenus de l'époux chef d'entreprise

Par ailleurs, ses rémunérations non-salariées peuvent être comptabilisées, telles que :

  • les indemnités de gestion et jetons de présence,
  • les rémunérations de ses missions (par exemple, en qualité de président),
  • ses stock-options.
En savoir plus sur les rémunérations non salariées du chef d'entreprise

Il conviendra de ne pas oublier les comptes courants d’associé des époux qui constituent une créance de l’époux envers la société qui rentre dans son patrimoine.

En savoir plus sur le compte courant d'associé

Enfin, les rémunérations annexes et tous avantages servant son niveau de vie et les avantages en nature du chef d’entreprise ou du cadre dirigeant, dont il bénéficie grâce à son statut professionnel, devront être prises en considération (exemple : jouissance d’un véhicule de fonction et d’une carte de péage et d’essence, bénéfice d’un abonnement téléphonique et d’un téléphone portable professionnel, etc.).

En savoir plus sur les avantages en nature
Les revenus issus du patrimoine

Les revenus du patrimoine propre ou indivis des époux doivent être pris en compte dans l’appréciation de la disparité et la détermination du montant de la prestation compensatoire.

S’agissant de l’époux associé ou actionnaires, cela concerne :

  • les dividendes,
  • et les revenus de capitaux mobiliers.
Revenus et droits prévisibles

Le Juge du divorce doit adopter une vision prospective de la situation des époux en termes de ressources, c’est-à-dire leurs perspectives de carrière et leurs droits à retraite.

Perspectives de carrière

Le Juge doit analyser la situation professionnelle des époux et évaluer le montant de leurs revenus dans les prochaines années. Il s’attachera à leur diplôme, leur qualification professionnelle, à leur secteur d’activité, leur expérience, le marché de l’emploi, à leur âge et leur état de santé, le temps qu’il conviendra de consacrer à l’éducation des enfants, leur réinsertion en cas d’arrêt ou de modulation d’activité (notamment liés à l’éducation des enfants), etc.

Droits à retraite

Les « droits prévisibles des époux », critère prévu par le Code civil, vise aussi les droits des époux en matière de retraite. 

Les parties doivent communiquer les justificatifs de leurs futurs droits à la retraite, issus de tous les régimes. L’époux chef d’entreprise ou cadre dirigeant, qui peut bénéficier d’une retraite financée par la société ou souscrire un contrat dit « Madelin » destinés à lui constituer une retraite complémentaire (les cotisations versées par l’époux sont déductibles au titre l’impôt sur le revenu), devra en justifier.

AVIS DE L’EXPERT

Si les revenus des époux font l’objet de fluctuations importantes (ce qui peut être le cas pour les chefs d’entreprise ou les cadres dirigeants), il convient d’attirer l’attention du magistrat sur ce point et lui demander de prendre en considération les revenus sur une période de temps assez large, par exemple, les cinq dernières années, en versant aux débats les avis d’imposition du couple. Le Juge pourra établir une moyenne afin que son audit soit le plus juste possible.
Le patrimoine professionnel

L’avocat du chef d’entreprise ou du cadre dirigeant et de son conjoint devront plus spécifiquement évoquer l’avenir prévisible du patrimoine professionnel, en insistant le cas échéant sur sa pérennité.

Certaines sociétés, notamment dans le secteur du digital, doivent faire face à une valabilité et une concurrence accrue et fournir ainsi un effort de modernisation sans lequel elles peuvent être amenées à disparaître rapidement. 

L’intervention d’un expert afin d’analyser la valeur, mais aussi les perspectives de la société est primordiale.

En savoir plus sur la valorisation de l’entreprise En savoir plus sur les mesures d'instruction d'ordre économique
Les choix de vie des époux pendant le mariage

Le Juge du divorce s’intéresse également aux choix que les époux ont opéré durant le mariage. L’article 271 du Code civil prévoit que « les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ». 

La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Celui des époux qui a cessé ou modulé son activité professionnelle pour l’éducation des enfants pourrait rencontrer des difficultés à retrouver un poste du même niveau d’avancement que celui de son conjoint qui a pu favoriser sa carrière dans le même temps. 

Il en est de même en cas de départ à l’étranger liée à la promotion de l’un des époux ou du développement d’une activité entrepreneuriale.

Méthodes de calcul de la prestation compensatoire

Il n’existe pas de barème de référence. Les différents acteurs du divorce utilisent des méthodes de calcul de la prestation compensatoire élaborées par des avocats, des notaires ou certains magistrats.

S’ils constituent des outils utiles dont tous les acteurs du divorce se servent comme d’une première base estimative, ils ne peuvent en aucun cas être repris intégralement et sans discernement. 

Certaines méthodes sont tout d’abord inadaptées, notamment pour le divorce du chef d’entreprise ou du cadre dirigeant. Elles doivent donc être pondérées à l’aide de méthodes plus pertinentes.

Ensuite, l’analyse de la situation concrète des époux doit toujours conduire à une modulation (à la hausse ou à la baisse), parfois conséquente pour éviter que la prestation compensatoire soit le fruit d’une formule mathématique totalement décorrélée des besoins, des possibilités et de la réalité de la situation des époux.

Formes de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire peut revêtir plusieurs formes.

Principe : le capital
Paiement en numéraire

Calendrier de versement

La prestation compensatoire prendra, le plus souvent, la forme d’un capital versé immédiatement (article 275 du Code civil). 

« Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé ».

L’époux débiteur peut également solliciter un paiement échelonné du capital dans la limite de huit années. Lorsqu’il est sollicité auprès du Juge du divorce, l’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire doit être spécialement motivé. L’avocat du demandeur doit permettre au Juge d’appréhender la situation de trésorerie réelle du débiteur chef d’entreprise et l’état de besoin à court et moyen terme du conjoint pour décider du meilleur calendrier. Cet argumentaire ne doit pas être sous-estimé car la jurisprudence a une tendance forte à fixer un capital payable intégralement et immédiatement au jour du divorce.

Cette mesure est fondamentale pour le chef d’entreprise et le cadre dirigeant qui peuvent se trouver dans l’impossibilité de payer la prestation compensatoire en une fois unique, dès lors que leur trésorerie réelle peut être très inférieure au montant de leur patrimoine professionnel.

Cette modulation dans le temps permet en outre fréquemment de trouver un accord avec le conjoint du chef d’entreprise en conjuguant disponibilité financière du débiteur et besoins à moyen terme du créancier.

Le Juge du divorce doit statuer sur sa demande, en motivant sa décision au regard de sa situation patrimoniale. 

Révision

Du fait de son caractère forfaitaire, le législateur a refusé que la prestation compensatoire versée sous la forme d’un capital immédiat puisse être modifiée. 

En présence d’un capital versé de manière échelonnée, l’époux créancier peut solliciter la révision des modalités de paiement, s’il justifie d’un changement important dans sa situation (exemple : changement structurel dans l’entreprise, perte d’un emploi, difficulté de santé, etc.), ce qui est apprécié souverainement par les juges du fond. 

À titre exceptionnel, le Juge du divorce peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à 8 ans (article 275 du Code civil).

« Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé ».

En revanche, il n’est pas possible pour l’époux débiteur de se prévaloir de l’amélioration de la situation de son ex-conjoint pour obtenir une révision des modalités de versement de sa dette. 

En tout état de cause, le montant de la prestation compensatoire ne peut pas être modifié, même si la situation de l’époux créancier s’est fortement détériorée. Seul l’échéancier peut être corrigé.

Paiement en nature

Quand l’époux débiteur ne dispose pas de liquidités suffisantes, l’attribution de biens matériels constitue une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital. 

Cette attribution à titre de prestation compensatoire peut porter sur les biens de l’époux débiteur (qu’ils soient personnels ou propres, communs ou indivis, mobiliers ou immobiliers). Il peut s’agir notamment des parts sociales de société.

L’attribution pourrait également porter sur le compte courant d’associé de l’époux débiteur, même si en pratique son paiement peut poser des difficultés eu égard aux conditions statutaires.

Cette solution peut être extrêmement intéressante pour permettre la sauvegarde de l’entreprise tout en permettant à l’ex conjoint de bénéficier de son éventuelle revalorisation.

D’autres solutions sont envisageables : création d’une catégorie spécifique de titres sociaux afin de conserver au chef d’entreprise ses pouvoirs et droits de vote au sein des assemblées générales.

L’attribution préférentielle

L’époux associé ou actionnaire peut solliciter l’attribution préférentielle des droits sociaux qui font partie de la communauté ou de l’indivision matrimoniale, aux côtés des autres éléments composant le patrimoine commun ou indivis.

En savoir plus sur l'attribution préférentielle En savoir plus sur les autres mesures du divorce non spécifiques au chef d'entreprise

Mesures liquidatives relatives au statut de chef d’entreprise

Lors du divorce, le travail liquidatif consiste à évaluer les biens des époux et les répartir entre eux.

Les biens des époux sont d’abord triés et qualifiés à la date des effets du divorce :

  • biens personnels,
  • biens propres,
  • biens communs,
  • biens indivis.
En savoir plus sur la qualification des biens des époux

Chacun des époux reprend ses biens propres ou personnels et le patrimoine commun est recensé.

La liquidation du régime matrimonial du chef d’entreprise ou du cadre dirigeant est complexifiée par la présence de titres sociaux dans son patrimoine.

Plus particulièrement, en présence d’un régime de communauté, il convient d’évaluer et d’attribuer les parts sociales dont la moitié peut avoir été revendiquée par le conjoint de l’époux entrepreneur si elles ont été souscrites à l’aide fonds communs.

En savoir plus sur la revendication de la qualité d'associé par le conjoint de l'époux entrepreneur

Si le conjoint non-entrepreneur ne peut revendiquer la qualité d’actionnaire en présence d’actions, il pourra solliciter une attribution préférentielle en sa faveur sous certaines conditions.

En savoir plus sur l'attribution préférentielle

Par ailleurs, le compte courant d’associé et les revenus de l’époux entrepreneur doivent être partagés entre les époux.

En savoir plus sur l'évaluation des revenus de l'époux entrepreneur spécifique au divorce du chef d'entreprise

Dans la phase d’indivision post-communautaire (entre la dissolution du régime matrimonial et la liquidation), les actions communes deviennent indivises et les règles de l’indivision s’appliquent, ce qui peut être source de conflit et nécessiter la nomination d’un mandataire.

En savoir plus sur les actions communes devenant indivises

L’issue de la liquidation du régime matrimonial des époux déterminera le sort de l’entreprise. La solution que l’époux chef d’entreprise privilégiera sera l’attribution des titres sociaux à son profit.

En savoir plus sur le sort de l'entreprise

Cependant, s’il n’a pas les liquidités financières pour régler la soulte ou la prestation compensatoire dont il peut être redevable, ce dernier peut être contraint de céder ses droits à un tiers ou à son futur ex-conjoint.

En savoir plus sur la cession de droits sociaux par l'époux entrepreneur à défaut de liquidités financières

En outre, la procédure de retrait d’associé peut être envisagée.

En savoir plus sur le retrait d'associé

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