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Date des effets du divorce

Effets

Le Juge du divorce fixe la date des effets du divorce dans les relations entre époux. 

A compter de cette date, le régime matrimonial des époux est dissous. Dans le cadre des régimes communautaires, c’est à partir de cette date que la communauté n’existe plus. Elle laisse la place à une indivision post-communautaire.

En savoir plus sur les régimes matrimoniaux
NE PAS CONFONDRE

Si la composition du patrimoine commun et propre des époux doit être déterminé à la date de dissolution du régime matrimonial (qui est celle du divorce), les biens seront évalués à la date de jouissance divise c’est-à-dire à la date la plus proche du partage.

Date retenue

En principe, la date des effets du divorce est la date de la demande en divorce (article 262-1 du Code civil). Antérieurement à la réforme du divorce, dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier2021, il convenait de retenir la date de l’Ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires (OOMP).

« La convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

-lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;

-lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;

-lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de la demande en divorce.

A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu’à la demande en divorce, sauf décision contraire du juge ».

Cependant, par exception, l’un des époux peut demander au Juge du divorce de retenir une date antérieure, le plus souvent celle à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer (conditions cumulatives).

Il s’agit d’un débat sensible devant le Juge aux affaires familiales, puisque le report de la date des effets du divorce, qui marque la dissolution du régime matrimonial, est susceptible de modifier les droits des époux dans le cadre de la liquidation.

En savoir plus sur la liquidation du régime matrimonial

La fin de la cohabitation physique des époux est souvent aisée à déterminer. 

La notion de collaboration est plus souvent sujette à débat. Le Juge apprécie souverainement cette notion complexe qui consiste, selon la Cour de cassation, en « l’existence de relations patrimoniales entre les époux résultant d’une volonté commune allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial » (Ccass Civ 1ère 4 janv. 2017 n° 14-19.978).La cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration (Ccass Civ 1ère 4 janv. 2017 n° 16.11.054). Cette présomption peut être renversée si l’un des époux apporte la preuve contraire. Ainsi, un époux qui prétend avoir maintenu un lien de collaboration, postérieurement à la séparation physique, avec son conjoint, devra le prouver.

EN PRATIQUE

La Cour de cassation a pu estimer que, pris individuellement, le fait de continuer à alimenter un compte joint, d’effectuer une déclaration de revenus commune, de régler des dettes communes (exemple : mensualités d’un emprunt) ou les charges des enfants, de gérer la résidence secondaire, de bénéficier du statut de conjoint collaborateur ou de se porter caution de son conjoint peuvent ne pas caractériser la poursuite de la collaboration entre époux (Ccass Civ 1ère 28 février 2006 n° 04-13.603 et 05-14.476 ; Ccass Civ 1ère 8 juillet 2010 n° 09-12-238 ; Ccass Civ 1ère 16 juin 2011 n° 10-21.438 ; Ccass Civ 1ère 4 janvier 2017 n° 14-19.978).

La Haute juridiction a également pu considérer que le fait pour un époux, après la séparation, de continuer à entretenir son conjoint au domicile conjugal, lui laisser une procuration sur son compte bancaire, régler toutes les dépenses de la communauté (remboursement des prêts, paiement des impôts, règlement des assurances, règlement des employés de maison), dépenses relatives notamment à l’acquisition, la conservation ou l’entretien d’acquêts appelés à être partagés, ne constituaient pas des faits de collaboration (Ccass Civ 2ème 10 octobre 2002 n° 00-19729).

En revanche, a pu caractériser un maintien de la collaboration entre époux postérieurement à leur séparation physique, le fait d’acquérir plusieurs biens immobiliers et de souscrire des emprunts immobiliers ensemble (Ccass Civ 1ère 24 octobre 2012 n° 11-30. 522).
L’AVIS DE L’EXPERT

Il peut être judicieux pour un des époux de faire remonter la date des effets du divorce afin qu’un évènement (exemple : l’achat d’un bien immobilier, le débouclage d’une opération financière, le versement d’une prime importante, levée d’option) ne soit pas pris en considération dans la liquidation de son régime matrimonial.

Le demandeur peut également rechercher à obtenir une créance contre l’indivision post communautaire pour des sommes payées avant le divorce.

Le rôle de l’avocat dans le divorce consiste à comparer et chiffrer les différents scénarios de liquidation afin de déterminer la situation la plus avantageuse pour son client.
En savoir plus sur le rôle de l'avocat

Le nom marital

La faculté donnée aux époux de faire usage du nom de leur conjoint cesse à compter du prononcé du divorce. 

Cet usage peut en premier lieu être conservé en cas d’accord de l’autre époux.

En l’absence d’accord, l’un des époux peut demander au Juge du divorce de continuer de faire usage du nom de l’autre, en justifiant d’un intérêt particulier, en général professionnel (mais apprécié strictement) pour lui ou pour les enfants.

« A la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ».

La Cour de cassation a déjà pu maintenir le droit à l’usage du nom marital, dans la sphère professionnelle, au profit de commerçants, d’artisans, d’artistes ou de professions libérales, lorsque l’un des époux a exercé pendant plusieurs années sous le nom de son conjoint (exemple s’agissant d’un avocat : Ccass Civ 1ère 17 oct. 2007 n° 07-10.023).

En présence d’un fonds de commerce ou d’une société, la Cour de cassation a déjà pu estimer qu’il existe un détachement entre la dénomination sociale – qui pourrait comprendre le nom marital – et le nom marital. L’ex-époux exploitant, associé ou actionnaire pourrait donc de continuer à exploiter le fonds sous nom commercial ou diriger la société sous sa dénomination sociale sans forcément obtenir une autorisation judiciaire (Ccass Civ 3ème 25 nov. 2009 n° 08-21.384).

La Haute juridiction considère en effet que « le patronyme est devenu, en raison de son insertion (…) dans les statuts de la société (…) un signe distinctif, qui s’est détaché de la personne physique qui le porte, pour s’appliquer à la personne morale qu’il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle » (Ccass Com 12 mars 1985 n° 84-17.163 ; Ccass Com 29 janv. 2008 n° 05-20.195).

La prestation compensatoire

Le Juge du divorce doit également se prononcer sur le principe et le montant de la prestation compensatoire quel que soit le fondement du divorce (articles 270 et 271 du Code civil). 

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».

La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Il s’agit d’une somme allouée par un des époux à son conjoint dans le but d’effacer autant que possible les déséquilibres financiers causés par la rupture du mariage.

La demande de prestation compensatoire doit être formulée au moment du divorce. Le Juge doit statuer sur ce point au moment où il statue sur le divorce. 

Il peut cependant ordonner une expertise si aucun expert n’a été désigné sur le fondement de l’article 255 10° du Code civil, afin d’apprécier la disparité en prévoyant une prestation compensatoire provisionnelle.

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;

3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;

5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

En savoir plus sur le rôle de l'expert judiciaire
 ATTENTION

La demande de prestation compensatoire doit être formée pendant la procédure de divorce, c’est-à-dire avant que le divorce soit définitivement prononcé. 

Dans le cadre d’un divorce contentieux, il est possible de formuler cette demande pour la première fois au stade de l’appel, tant que le divorce n’a pas acquis force de chose jugée. Il faut que l’appel porte sur le principe du divorce (si l’appel ne concerne que les conséquences du divorce, la demande est irrecevable).

Objectifs de la prestation compensatoire

Objectifs recherchés et principes fondateurs

La prestation compensatoire est destinée à compenser autant que possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Elle a pour objet de réparer le préjudice matériel causé par le divorce.

Elle a un caractère à la fois alimentaire et indemnitaire et prend le relais du devoir de secours qui existait pendant le mariage.

Elle est insaisissable.

Son caractère d’ordre public rend impossible toute renonciation ou toute transaction sur la prestation compensatoire avant l’introduction de la procédure de divorce. En revanche, les accords passés au sujet de la prestation compensatoire en cours d’instance sont parfaitement valables, sous réserve de leur homologation par le Juge du divorce (article 268 du Code civil).

« Les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre à l’homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce. Le juge, après avoir vérifié que les intérêts de chacun des époux et des enfants sont préservés, homologue les conventions en prononçant le divorce ».

Objectifs exclus

La prestation compensatoire n’a pas pour objectif d’égaliser les patrimoines des époux ou pour finalité de contourner les règles du régime matrimonial choisi par les époux.

L’époux créancier ne peut donc pas aspirer à récupérer la moitié du patrimoine de son conjoint au titre de la prestation compensatoire.

Critères d’appréciation de la prestation compensatoire

En cas de désaccord des époux, le Juge aux affaires familiales fixe le principe et le montant de la prestation compensatoire.

Il s’appuie le cas échéant sur les travaux du Notaire et / ou de l’expert.

Il doit également se projeter dans l’avenir si les évolutions prévisibles de la situation des époux sont suffisamment certaines.

La durée du mariage

Plus le mariage aura duré, plus la disparité risque d’être importante et plus les époux auront pu construire leurs besoins et capacités financières autour de leur conjoint. La prestation compensatoire en sera augmentée.

La Cour de cassation a précisé que les juges du fond ne devaient pas prendre en compte la vie commune antérieure au mariage (Ccass civ 1ère 13 janvier 2016 n° 15-13.602). En revanche, le Juge du divorce peut ne prendre en considération que la durée entre la célébration du mariage et la séparation physique des époux (Ccass Civ 1ère 24 septembre 2014 n° 13-20.695).

L’âge des époux

Le Juge prend en compte l’âge et l’état de santé des époux, puisque ces deux éléments influeront sur leurs conditions de vie futures et leurs revenus. Ils permettent également au Juge d’évaluer le temps et la capacité des époux à poursuivre ou modifier favorablement leur carrière professionnelle.

Les revenus des époux

Le Juge aux affaires familiales va procéder à une analyse approfondie et une évaluation de tous les revenus des époux, qu’ils soient actuels ou prévisibles et quelle que soit leur forme.

Revenus actuels
Revenus issus de l’activité professionnelle

Le Juge du divorce analyse les revenus et les charges de chacun des époux afin d’apprécier s’il existe une disparité entre leurs situations. Il prend en compte l’intégralité des revenus des parties, quel qu’en soit leur origine (revenus professionnels, fonciers, mobiliers, etc.) ou leur nature (indivis, commun, propre), sans oublier les avantages en nature qui participent au niveau de vie.

ATTENTION

Il convient de traiter différemment les revenus procurés par les biens qui composent la communauté ou l’indivision post-communautaire (Ccass Civ 1ère 15 février 2012 n° 10-20.018) voués à être partagés.
Revenus issus du patrimoine

Les revenus du patrimoine propre ou indivis des époux doivent être pris en compte dans l’appréciation de la disparité et la détermination du montant de la prestation compensatoire.

S’agissant de l’époux associé ou actionnaire, les dividendes, les revenus de capitaux mobiliers.

Revenus exclus

Certaines sommes doivent cependant être exclues : 

  • les sommes perçues par l’un des époux au titre du devoir de secours, dans la mesure où, par définition, elles disparaissent au moment du prononcé de la prestation compensatoire (Ccass Civ 1ère 29 févr. 2012 n° 11-14.872),
  • les allocations familiales (Ccass civ 1ère 23 septembre 2015 n° 14-18.959), allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) allocation de soutien familial (ASF), complément familial, allocation de rentrée scolaire,
  • la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (Ccass civ 1ère 13 avril 2016 n° 15-18.649) et l’allocation versée en raison de la situation de handicap d’un enfant (Ccass civ 1ère 7 déc. 2016 n° 15-28.990) : cette somme est en effet destinée à régler les dépenses générées par les enfants ou à compenser la perte d’autonomie de l’enfant.
En savoir plus sur l'organisation de la prise en charge des dépenses générées par les enfants
Revenus prévisibles

Le Juge du divorce doit adopter une vision prospective de la situation des époux en termes de ressources, c’est-à-dire leurs perspectives de carrière et leurs droits à retraite.

Perspectives de carrière

Le Juge doit analyser la situation professionnelle des époux et évaluer le montant de leurs revenus dans les prochaines années. Il s’attachera à leur diplôme, leur qualification professionnelle, à leur secteur d’activité, leur expérience, le marché de l’emploi, à leur âge et leur état de santé, le temps qu’il conviendra de consacrer à l’éducation des enfants, leur réinsertion en cas d’arrêt ou de modulation d’activité (notamment liés à l’éducation des enfants), etc.

Droits prévisibles
  • Droits à la retraite

Les « droits prévisibles des époux », critère prévu par le Code civil, vise aussi les droits des époux en matière de retraite. 

Les parties doivent communiquer les justificatifs de leurs futurs droits à la retraite, issus de tous les régimes.

 Bon à savoir :

Il peut être opportun de verser aux débats un relevé de carrière afin d’obtenir une vision plus globale de la situation des époux.

Le Juge tient compte de la période d’inactivité professionnelle de l’un des époux durant l’union puisque cette situation a pour conséquence de réduire, parfois très fortement, les sommes qu’il recevra au titre de sa retraite. 

  • Droits successoraux

En revanche, la vocation successorale d’un des époux ne constitue pas un droit prévisible et ne sera pas prise en compte par le Juge dans la détermination du principe de la prestation compensatoire et la fixation de son montant (Ccass civ 1ère 6 octobre 2010 n° 09-10.989).

En savoir plus sur les droits successoraux

De même, les perspectives de versement d’une pension de réversion ne sont pas prises en compte.

Bon à savoir :

La détention de droits en nue-propriété, en usufruit ou en indivision doit être considérée dans leur juste mesure : ils ont bien intégré le patrimoine de l’époux sans être cependant aisément appréhendables.
L’AVIS DE L’EXPERT

Si les revenus des époux font l’objet de fluctuations importantes, il convient d’attirer l’attention du Jugesur ce point et lui demander de prendre en considération les revenus par exemple des cinq dernières années, en versant aux débats les avis d’imposition du couple. Le Juge pourra établir une moyenne afin que son audit soit le plus juste possible.

Les charges des époux

Les charges principalement prises en considération sont les suivantes : 

  • les loyers, 
  • le coût de la mutuelle, 
  • les échéances de prêt (immobilier ou à la consommation), 
  • l’impôt sur le revenu et l’IFI, 
  • les charges d’habitation (taxe foncière, taxe d’habitation, charges de copropriété, électricité, gaz, etc.), 
  • les assurances (voiture, habitation, prêt), 
  • etc.

Concernant l’époux débiteur de la prestation compensatoire, il convient également de prendre en considération les sommes qu’il verse au titre des pensions des enfants (contrairement aux revenus du conjoint créancier puisque ce dernier utilise ces sommes pour régler les dépenses générées par les enfants). 

Il est aussi tenu compte de la situation de concubinage des époux, qui conduit à un partage des charges (Ccass Civ 1ère 1er avril 2015 n° 14-13.500). Il ne peut l’écarter par un motif d’ordre général tiré de la précarité du concubinage (Ccass Civ 1ère 25 avril 2006 n° 05-15.706).

Les frais de relogement des époux postérieurement au divorce devront également être appréciés par le Juge du divorce.

 EN PRATIQUE

Le Juge aux affaires familiales est vigilant au train de vie réel des époux s’il est en décalage avec les revenus déclarés révélant ainsi l’existence de revenus non-déclarés (Cour d’appel de Lyon, 14 févr. 2011 n° 09/05.187 : « la cour ne peut en l’état que considérer que le train de vie affiché par Bruno X est absolument sans aucun rapport avec ses ressources avouées »).

Patrimoine des époux

Étendue

Le Juge prend en considération tous les biens meubles et immeubles, que les époux en soient propriétaires de manière personnelle ou indivise, qu’ils soient nus-propriétaires ou usufruitiers. 

Ces différents modes de détention donnent cependant lieu à des pondérations en fonction de l’indisponibilité dont ils affectent le bien.

L’épargne des époux est considérée quelle que soit son affectation (Ccass Civ 1ère 31 mars 2016 n° 15-18.421) et qu’elle soit disponible ou non. Dans ce dernier cas, elle doit être pondérée par une analyse du degré et de la durée du blocage.

L’origine des biens est indifférente et les biens issus d’une succession ou d’une donation doivent être pris en compte.

Chronologie

La prise en considération du patrimoine des époux suppose normalement que les époux aient liquidé leur régime matrimonial pour déterminer leurs parts respectives. 

En présence d’un régime de communauté, le résultat de la liquidation est par définition plus neutre puisqu’il est par principe égalitaire, sauf circonstances particulières. 

A ce titre, il relève du rôle de l’avocat d’attirer l’attention du magistrat sur l’existence de récompenses (c’est-à-dire de mouvements de valeur entre la masse commune et les masses propres) ou de créances entre époux conduisant à une disparité entre eux dans la liquidation.

En savoir plus sur les récompenses et les créances entre époux

A cette fin, la désignation d’un notaire ou d’un expert, sur le fondement de l’article 255 9 ° et 10° du Code civil, au stade de la fixation des mesures provisoires permet au Juge de prononcer dans le même temps le divorce, la liquidation du régime matrimonial des époux et la prestation compensatoire.

En savoir plus sur les mesures provisoires

En l’absence de telles expertises, la procédure de divorce s’allonge puisque le Juge prononcera le divorce et fixera la prestation compensatoire avant qu’une autre procédure liquide le régime matrimonial des époux.

Dans cette configuration, le Juge aux affaires familiales se trouve devoir fixer une prestation compensatoire sans avoir connaissance du patrimoine précis des époux et notamment des liquidités en leur possession.

En savoir plus sur la liquidation du régime matrimonial

Les choix de vie des époux durant le mariage

Le Juge du divorce s’intéresse également aux choix que les époux ont opéré durant le mariage. L’article 271 du Code civil prévoit que :

« les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ». 

Celui des époux qui a cessé ou modulé son activité professionnelle pour l’éducation des enfants pourrait rencontrer des difficultés à retrouver un poste du même niveau d’avancement que celui de son conjoint qui a pu favoriser sa carrière dans le même temps. 

Il en est de même en cas de départ à l’étranger liée à la promotion de l’un des époux ou du développement d’une activité entrepreneuriale. 

Cependant, le choix volontaire d’un des époux d’arrêter de travailler ne peut considérer comme un tel sacrifice et ne sera pas pris en considération (Ccass Civ 1ère 6 mars 2007 n° 06-11.364 : refus d’octroyer une prestation compensatoire car l’arrêt de travail de l’épouse est le résultat de choix personnels). En pratique, l’inactivité est fréquemment présumée reposer sur une décision commune des époux.

Cette analyse rétrospective est très importante dans le débat relatif à la prestation compensatoire.

Bon à savoir :

Si la prestation compensatoire est normalement indépendante des torts des époux, le Juge du divorce peut refuser d’accorder une telle prestation compensatoire si l’équité le commande :

– soit en considération des critères précédemment listés,

– soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui en demande le bénéfice au regard des circonstances particulières de la rupture (article 270 alinéa 3 du Code civil).

Méthodes de calcul de la prestation compensatoire

Il n’existe pas de barème de référence. Les différents acteurs du divorce utilisent des méthodes de calcul de la prestation compensatoire, élaborées par des avocats, des notaires ou certains magistrats.

S’ils constituent des outils utiles dont tous les acteurs du divorce se servent comme d’une première base estimative, ils ne peuvent en aucun cas être repris intégralement et sans discernement. 

Certaines méthodes sont tout d’abord inadaptées et doivent donc être pondérées à l’aide de méthodes plus pertinentes.

Ensuite, l’analyse de la situation concrète des époux doit toujours conduire à une modulation (à la hausse ou à la baisse), parfois conséquente pour éviter qu’un jour la prestation compensatoire soit le seul fruit d’une formule mathématique totalement décorrélée des besoins, des possibilités, de la réalité de la situation des époux.

Formes de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire peut revêtir plusieurs formes.

Principe : le capital

Paiement en numéraire
Calendrier de versement

La prestation compensatoire prendra le plus souvent la forme d’un capital versé immédiatement (article 275 du Code civil). 

« Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé ».

L’époux débiteur peut également solliciter un paiement échelonné du capital dans la limite de huit années

Lorsqu’il est sollicité auprès du Juge du divorce, l’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire doit être spécialement motivé. L’avocat du demandeur doit permettre au Juge d’appréhender la situation de trésorerie réelle de l’époux débiteur et l’état de besoin à court et moyen terme du conjoint pour décider du meilleur calendrier.

Révision

Du fait de son caractère forfaitaire, le législateur a refusé que la prestation compensatoire versée sous la forme d’un capital immédiat puisse être modifiée. 

En présence d’un capital versé de manière échelonnée, l’époux créancier peut solliciter la révision des modalités de paiement, s’il justifie d’un changement important dans sa situation (exemple : changement structurel dans l’entreprise, perte d’un emploi, difficulté de santé, etc.), ce qui est apprécié souverainement par les juges du fond. 

A titre exceptionnel, le Juge du divorce peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à 8 ans (article 275 du Code civil).

« Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé.

Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d’une demande en paiement du solde du capital indexé ».

Il n’est pas possible en revanche pour l’époux débiteur de se prévaloir de l’amélioration de la situation de son ex-conjoint pour obtenir une révision des modalités de versement de sa dette. 

En tout état de cause, le montant de la prestation compensatoire ne peut pas être modifié, même si la situation de l’époux créancier s’est fortement détériorée. Seul l’échéancier peut être corrigé.

Paiement en nature

Quand l’époux débiteur ne dispose pas de liquidités suffisantes, l’attribution de biens matériels constitue une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital. 

Selon le Conseil constitutionnel, ce paiement en nature ne constitue qu’une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital et que par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où au regard des circonstances de l’espèce, le paiement en capital n’apparaît pas suffisant pour garantir le versement de cette prestation compensatoire (Conseil Const. 13 juillet 2011 n° 2011-151 QPC – Ccass Civ 1ère 8 juin 2016 n° 14-29.630).

La prestation compensatoire peut être versée en nature, par l’abandon de bien en pleine propriété ou sous la forme d’un droit démembré de propriété (usufruit, droit d’usage et d’habitation), qui doit en tout état de cause être valorisé.

Cette attribution à titre de prestation compensatoire peut porter sur les biens de l’époux débiteur (qu’ils soient personnels ou propres, communs ou indivis, mobiliers ou immobiliers).  

L’accord de l’époux est exigé quand l’attribution porte sur des biens qu’il a reçus à titre gratuit, par succession ou donation (article 274 du Code civil).

« Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation ».

Le jugement qui prévoit un versement de la prestation compensatoire par l’attribution d’un bien vaut cession forcée dudit bien et peut être directement appréhendé par son bénéficiaire.

Toujours de manière subsidiaire vis-à-vis du capital en numéraire, le Juge du divorce peut prévoir le versement d’un capital mixte au titre de la prestation compensatoire (article 275-1 du Code civil), en combinant le versement d’un capital en numéraire ou échelonné et l’attribution d’un bien.

« Les modalités de versement prévues au premier alinéa de l’article 275 ne sont pas exclusives du versement d’une partie du capital dans les formes prévues par l’article 274 ».

Exception : la rente viagère

A titre exceptionnel, la prestation compensatoire peut également prendre la forme d’une rente viagère (article 276 du Code civil). 

« A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271. Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l’imposent, par l’attribution d’une fraction en capital parmi les formes prévues à l’article 274 ».

Le législateur a souhaité réserver le bénéfice de la rente viagère, au titre de la prestation compensatoire, à l’époux qui « ne peut plus subvenir à ses besoins » du fait de son âge ou de son état de santé, ce qui vise principalement les situations de handicap ou d’invalidité ou l’absence d’autonomie financière ou professionnelle. La disparité entre les conditions de vie des époux doit être irréversible.

Le Juge du divorce doit spécialement motiver sa décision d’octroyer une rente viagère au titre de la prestation compensatoire. Cette motivation spéciale n’est pas nécessaire quand il refuse le versement viager.

Attention : elle ne peut plus être octroyée pour une durée déterminée, il ne peut s’agir que d’une rente viagère.

La rente viagère doit obligatoirement être indexée et le Juge du divorce a la faculté de la faire varier par périodes successives suivant l’évolution probable des ressources et des besoins des parties. 

Il est possible de mixer le règlement de la prestation compensatoire en prévoyant à la fois le versement d’un capital et d’une rente viagère (article 276-1 du Code civil).

« La rente est indexée ; l’indice est déterminé comme en matière de pension alimentaire.

Le montant de la rente avant indexation est fixé de façon uniforme pour toute sa durée ou peut varier par périodes successives suivant l’évolution probable des ressources et des besoins ».

La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée à la hausse ou à la baisse, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties (article 276-3 du Code civil).

« La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge ».

Bon à savoir :

Contrairement à ce qui peut être prévu en matière de pension alimentaire et de devoir de secours (entre époux ou contribution pour les enfants), la prestation compensatoire ne peut pas prendre la forme d’une jouissance gratuite d’un logement familial en indivision (Ccass Civ 2ème 28 novembre 2002, pourvoi n° 00-20577). 

Fiscalité de la prestation compensatoire

Versement en moins de douze mois

Si l’époux débiteur verse le capital dont il est redevable au titre de la prestation compensatoire en une seule fois ou par versements successifs dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, il peut bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu équivalente à 25 % du montant de la prestation compensatoire, dans la limite d’un plafond de 30.500 €, ce qui correspond à une réduction d’impôt maximum d’un montant de 7.625 €.

Attention : l’époux débiteur doit être domicilié en France.

Cette réduction s’applique que le versement ait lieu en numéraire ou par l’attribution d’un bien en nature.

Versement en plus de douze mois

La prestation compensatoire versée au-delà d’un délai d’un an ou sous la forme d’une rente viagère est soumise au même régime fiscal que les pensions alimentaires. Les sommes versées sont déductibles du revenu imposable de l’époux débiteur et imposables au titre de l’impôt sur le revenu pour l’époux créancier.

Cette modalité fiscale est indépendante de la question de la résidence fiscale des enfants (quotient familial).

Attribution préférentielle

Les époux peuvent également solliciter l’attribution préférentielle de biens composant leur patrimoine commun ou indivis (articles 1542 et 831 du Code civil).

« Après la dissolution du mariage par le décès de l’un des conjoints, le partage des biens indivis entre époux séparés de biens, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l’indivision et l’attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre  » Des successions  » pour les partages entre cohéritiers.

Les mêmes règles s’appliquent après divorce ou séparation de corps. Toutefois, l’attribution préférentielle n’est jamais de droit. Il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant ».

« Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.

S’il y a lieu, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers ».

L’attribution préférentielle est un mécanisme dérogatoire aux règles classiques du partage qui permet à un copartageant de se voir attribuer un bien, par préférence aux autres, à charge pour lui d’indemniser, si nécessaire, les autres copartageants en leur versant une contrepartie financière nommée « soulte ».

Il est applicable au divorce sous certaines conditions.

Quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux, l’attribution préférentielle n’est jamais de droit.

Elle doit faire l’objet d’un accord entre époux ou résulter d’une décision de justice, spécialement motivée.

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Publié le 11 Oct 2022

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