Jurisprudences
Action en retranchement et clause d’attribution intégrale de la communauté universelle
Cass., 19 déc. 2018, n°18-10.244
Liquidation et partage de régime matrimonial
Enseignement de l'arrêt
L’action en retranchement de l’article 1527 du code civil ne créé pas de situation d’indivision entre les héritiers du premier lit et le conjoint survivant.
Les faits de l’arrêt
Un époux marié sous le régime de la communauté universelle décède, laissant pour lui succéder son épouse, leurs deux enfants et ses deux enfants issus d’une précédente union.
Le contrat de mariage du défunt prévoyait une clause d’attribution intégrale au profit du conjoint survivant, qui bénéficie donc à son épouse. Les deux enfants issus de la précédente union intentent une action en retranchement et assignent leurs cohéritiers en partage de la succession.
La Cour de cassation est amenée à cette occasion à se prononcer sur la possibilité pour les titulaires de l’action en retranchement, de revendiquer des droits indivis sur les biens dépendant de la communauté, à l’égard du conjoint survivant.
La clause d’attribution intégrale au conjoint survivant
Un contrat de mariage peut prévoir une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant. Il s’agit d’un avantage matrimonial, prévu à l’article 1525 du Code civil :
« La stipulation de parts inégales et la clause d’attribution intégrale ne sont point réputées des donations, ni quant au fond, ni quant à la forme, mais simplement des conventions de mariage et entre associés. »
Une telle clause permet au conjoint survivant de recueillir l’intégralité de la communauté. Au décès d’un conjoint, le conjoint survivant devient propriétaire de tous les biens dépendant de la communauté. Ces biens ne tombent donc pas en indivision successorale.
Cette clause est particulièrement efficace dans le cadre du régime de la communauté universelle, qui réduit fortement, si ce n’est à néant, les parts propres des époux. En effet, le régime de la communauté universelle, prévu à l’article 1526 du Code civil, intègre tous les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir, dans la masse commune des époux.
Les époux peuvent établir par leur contrat de mariage une communauté universelle de leurs biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir. Toutefois, sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
La communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
Seuls sont des biens propres des époux, sauf stipulation contraire dans le contrat de mariage, les biens que l’article 1404 déclare propres par nature.
Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s’il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
L’action en retranchement
Si le conjoint prédécédé a des descendants, sa part dans la communauté octroyée à son conjoint survivant peut excéder la quotité disponible. Puisqu’il s’agit d’un avantage matrimonial et non pas d’une libéralité, les mécanismes de rétablissement de la réserve applicables aux libéralités (tel que la révocabilité ou la réduction), ne s’appliquent pas.
Afin de protéger la réserve héréditaire, la loi prévoit une action en retranchement à l’article 1527 du code civil :
« Néanmoins, dans le cas où il y aurait des enfants d’un précédent mariage, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1098, au titre « Des donations entre vifs et des testaments », sera sans effet pour tout l’excédent; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d’un précédent lit. »
Cette action est réservée aux enfants issus d’une précédente union du défunt, puisqu’ils ne sont pas héritiers réservataires du conjoint survivant. Elle produit les mêmes effets qu’une action en réduction, permettant à son titulaire d’obtenir une indemnité afin de rétablir sa réserve héréditaire.
L’appréciation de la Cour de cassation
En l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui avait donné droit à l’action en partage judiciaire exercée par les enfants issus d’un premier lit. En effet, les biens communs étant directement transférés dans le patrimoine du conjoint survivant, ils ne tombent pas en indivision. La Cour considère donc que les titulaires de l’action en retranchement sont des créanciers du conjoint survivant et non pas ses cohéritiers.
Il s’ensuit que le régime de l’indivision n’est pas applicable. Les enfants issus d’un premier lit ne peuvent pas demander le partage ni obtenir une indemnité d’occupation des biens communs. L’action en retranchement leur permet simplement de faire valoir une créance à l’égard de l’époux survivant.
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