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Partie 8 - Assurance-vie

La contestation de l’assurance-vie

Grâce à son contrat d’assurance-vie, un défunt peut donner à une personne, héritière ou non, une somme d’argent importante, qui est alors, sauf exceptions, exclue de son patrimoine successoral, de sorte que ses héritiers perdent tout droit sur cette somme. 

Les héritiers lésés peuvent contester l’assurance-vie de plusieurs manières.

Qui peut contester une assurance-vie et quand faut-il le faire ? 

Qualité et intérêt à agir 

Intérêt à agir contre l’assurance-vie

Selon le droit commun, les actions en justice sont ouvertes à ceux qui ont un « intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention » (article 31 du Code de procédure civile). 

« L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Seules les personnes qui s’estimeraient lésées par l’existence d’une assurance-vie peuvent donc la contester. 

Qualité à agir contre l’assurance-vie

Les héritiers

Sauf exceptions, le capital versé au dénouement d’un contrat d’assurance-vie est exclu de la succession du défunt, ce qui pénalise les héritiers puisque leurs droits sont alors calculés sans tenir compte des sommes que le défunt avait placées sur son contrat d’assurance-vie.

Puisqu’ils sont potentiellement lésés, les héritiers ont qualité pour contester une assurance-vie.

Ils n’ont cependant pas tous les mêmes possibilités.

Ainsi :  

  • tous les héritiers, même non réservataires peuvent : 
    • démontrer qu’en réalité, le défunt voulait réintégrer l’assurance-vie à sa succession
    • solliciter la nullité du contrat d’assurance-vie (et par conséquent la réintégration des fonds à la succession), 
    • démontrer l’insanité d’esprit du souscripteur au moment de souscrire le contrat ou verser les primes, 
    • prouver l’existence d’un vice du consentement, 
    • établir que le contrat est un faux, par exemple lorsque, en réalité, il n’a pas été signé par le souscripteur.
  • seuls les héritiers réservataires ont la possibilité de : 
    • demander la requalification du contrat d’assurance-vie en donation (et par conséquent obtenir son rapport à la succession), 
    • démontrer que les primes versées étaient manifestement excessives (et par conséquent obtenir sa réintégration au patrimoine successoral).
En savoir plus sur la notion d'héritier réservataire
Les bénéficiaires des contrats d’assurances-vie

Les bénéficiaires des contrats d’assurance-vie peuvent avoir intérêt à remettre en cause un contrat d’assurance-vie, une modification ou une interprétation erronée de la clause bénéficiaire lorsque le souscripteur a désigné d’autres bénéficiaires à leur place ou leur a adjoint des bénéficiaires.

Ils disposent de plusieurs possibilités pour contester la désignation d’un (autre) bénéficiaire :

  • remettre en cause l’interprétation de la clause bénéficiaire pour expliquer que la personne qui a perçu les fonds n’était en réalité pas le bénéficiaire du contrat. Ce contentieux, très fourni, rappelle l’importance de rédiger correctement la clause bénéficiaire.
En savoir plus sur l'indispensable précision de la clause bénéficiaire
  • contester le changement d’une clause bénéficiaire, en expliquant qu’au moment du changement, le souscripteur du contrat d’assurance-vie n’était pas en état de consentir à cette modification ou qu’il a été victime d’un vice du consentement.
En savoir plus sur la substitution du bénéficiaire par avenant
  • remettre en cause la validité de la désignation du bénéficiaire en démontrant que le formalisme afférent à la rédaction d’une clause bénéficiaire (qu’elle soit incluse dans le contrat d’assurance-vie ou dans un testament) n’a pas été respecté ou que l’avenant par lequel un bénéficiaire a été substitué à un autre n’est pas valable. 
En savoir plus sur la désignation par la rédaction d'une clause bénéficiaire
Les créanciers

Dans l’hypothèse où le défunt aurait versé des primes sur son contrat d’assurance-vie en fraude des droits de son créancier, ce dernier aurait également intérêt à agir et pourrait alors tenter de démontrer le caractère manifestement exagéré des primes pour solliciter leur remboursement et, par conséquent, leur réintégration à la succession (article L132-14 du Code des assurances, L132-13 du Code des assurances et 1167 du Code civil). 

« Le capital ou la rente garantis au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes, dans le cas indiqué par l’article L. 132-13, deuxième alinéa, en vertu soit de l’article 1167 du code civil, soit des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce. »

« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

« Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre « Des successions » et au titre « Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux », se conformer aux règles qui y sont prescrites. »

Le moment pour contester une assurance-vie

La contestation d’une assurance-vie ne peut se faire que dans certains délais et les intéressés doivent donc être vigilants pour éviter que leur action se prescrive. 

En effet, selon l’article 921 du Code civil, la remise en cause d’une assurance-vie par la démonstration que le défunt, souscripteur de l’assurance-vie, a versé des primes manifestement exagérées ou par la requalification de ladite assurance-vie en donation, est enfermée dans un délai de : 

  • cinq ans à compter de l’ouverture de la succession,
  • deux ans à compter du jour où les héritiers constatent l’atteinte à leurs droits, 
  • sans qu’ils ne puissent intenter d’action en justice plus de dix ans à compter du décès de l’assuré.

« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. 

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

Comment contester le changement de clause bénéficiaire d’une assurance-vie ? 

Invoquer une absence ou un vice du consentement

Sauf certaines configurations, le souscripteur d’une assurance-vie peut désigner et changer le bénéficiaire de son assurance-vie en toute liberté et ce jusqu’à son décès. 

En savoir plus sur la façon et les possibilités de désigner le bénéficiaire d'une assurance-vie

Lorsque l’assuré a désigné son bénéficiaire en fin de vie, ses héritiers peuvent néanmoins se demander si son consentement était libre et éclairé, et remettre en cause la désignation du bénéficiaire de l’assurance-vie dans le cas contraire. 

Définitions et conditions

L’absence de consentement

Selon le droit commun, « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit » (article 414-1 du Code civil). 

Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

Lorsqu’il désigne ou modifie le bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie, l’assuré doit donc être en pleine possession de ses facultés intellectuelles, conscient de ce qu’il fait. 

A défaut, ses héritiers peuvent chercher à démontrer qu’il n’a pas pu consentir à cette désignation ou à cette modification. 

Cette preuve peut toutefois être difficile à apporter car, la clause bénéficiaire n’est pas constitutive d’une donation et ne peut donc être attaquée par les héritiers pour insanité d’esprit que si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental, qu’il a été fait alors que le défunt était placé sous le régime de protection de sauvegarde de justice ou si une action avait été introduite avant son décès pour le placer sous tutelle ou curatelle (article 414-2 du Code civil).

« De son vivant, l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé.

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;

2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L’action en nullité s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 2224. »

Stratégiquement, il est possible de contourner cette difficulté en cherchant à requalifier l’assurance-vie en donation. Le droit applicable est alors différent et permet la prise en compte d’éléments extrinsèque au contrat pour démontrer l’insanité d’esprit du souscripteur.

Le vice du consentement

S’ils souhaitent faire annuler la désignation du bénéficiaire d’une assurance-vie, les héritiers peuvent invoquer un vice du consentement dont le défunt aurait été victime. Le vice du consentement ne nécessite pas que le souscripteur ait été âgé, malade ou ne dispose pas de ses facultés intellectuelles ou cognitives.  

Le consentement du souscripteur peut avoir été vicié en raison d’une erreur, d’un dol ou d’une violence (article 1130 du Code civil).

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »

Dans la pratique du cabinet, s’agissant de vices du consentement, les litiges après le décès de l’assuré concernent le plus souvent :

  • le dol, c’est-à-dire le fait d’obtenir un consentement par des manœuvres ou des mensonges (article 1137 du Code civil),
  • la violence, c’est-à-dire le fait, pour l’assuré, d’avoir désigné un bénéficiaire sous la pression d’une contrainte (article 1140 du Code civil).

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. »

« Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

La charge de la preuve du vice du consentement pèse sur les demandeurs, qui ne pourront pas se contenter de démontrer un état de santé vacillant du défunt et devront prouver les manœuvres dolosives ou les contraintes qui l’ont incité à désigner un bénéficiaire. 

Tout comme l’absence de consentement, le dol ou la violence peuvent être prouvés grâce à des documents médicaux ou des attestations de proches, que l’avocat aidera à réunir.

Conséquences d’une absence ou d’un vice du consentement

Si les héritiers parviennent à prouver un défaut ou un vice de consentement du souscripteur lors de la désignation ou de la modification du bénéficiaire de son assurance-vie, ladite désignation ou modification sera annulée par le juge. 

Par conséquent, dans le cas d’une première désignation de bénéficiaire, le contrat d’assurance-vie sera considéré comme n’ayant pas de bénéficiaire et le capital dû par l’assureur sera intégré à la succession

En revanche, si l’annulation porte sur la modification du bénéficiaire, elle sera réputée ne jamais avoir eu lieu et le bénéficiaire précédent du contrat d’assurance-vie pourra donc prétendre au versement du capital.

La requalification en donation

La souscription du contrat, la rédaction ou le changement d’une clause bénéficiaire peut faire l’objet d’une requalification du contrat d’assurance-vie en donation

Conditions

La requalification d’un contrat d’assurance-vie en donation peut être sollicitée « si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable » (Cass. ch. mixte, 21 décembre 2007, n°06-12769).

Pour que la demande de requalification aboutisse, il faut que les héritiers réservataires démontrent que le défunt n’avait, en réalité, pas l’intention de désigner le bénéficiaire de son assurance-vie, mais de lui donner son patrimoine. 

Tel est notamment le cas pour un homme qui se savait atteint d’un cancer et qui avait souscrit des contrats d’assurance-vie dont les primes représentaient 82% de son patrimoine, en désignant le bénéficiaire desdits contrats, qui était par ailleurs sa légataire universelle, trois jours avant son décès (Cass. ch. mixte, 21 décembre 2007, n°06-12769).

Il n’existait dans ce cas pas d’aléa quant au décès de l’assuré, qui avait donc bien l’intention de se dessaisir irrévocablement de son patrimoine au profit du bénéficiaire de son assurance-vie

Le changement d’une clause bénéficiaire peut être requalifié en donation sous d’autres circonstances variées, dépendantes toutes de l’analyse factuelle et patrimoniale au jour de la modification de la clause bénéficiaire. 

Conséquences

La requalification du contrat d’assurance-vie en donation, notamment grâce à l’analyse des conditions de désignation du bénéfice de l’assurance-vie a des conséquences civiles et fiscales. 

D’un point de vue civil, l’assurance-vie est réintégrée à l’actif de la succession et puisqu’il s’agit d’une donation, deux autres sous-conséquences sont à envisager : 

  • la possibilité du rapport de la donation : un débat judiciaire s’ouvre généralement après la requalification pour déterminer la nature de la donation (en avance de part successorale, anciennement appelé « avancement d’hoirie », ou hors part successorale, anciennement appelé « préciput » ;
  • la possibilité d’une réduction.

Le capital perçu ne bénéficie pas, par ailleurs, des exonérations d’impôt applicables aux assurances-vie. 

Comment réintégrer une assurance-vie à la succession ?

En principe, les fonds versés sur un contrat d’assurance-vie par le défunt n’intègrent pas sa succession.

Il existe néanmoins des exceptions à cette exclusion, qui ont notamment pour objectif d’interdire au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie d’utiliser ce contrat comme un moyen d’exhéréder ses héritiers ou de diminuer dans une trop grande mesure leur héritage.

Prouver l’intention du défunt d’intégrer son assurance-vie à sa succession 

En souscrivant à un contrat d’assurance-vie et en désignant le bénéficiaire de ce contrat, l’assuré fait, en principe, échapper une partie de son patrimoine à sa succession

En savoir plus sur l'exclusion de l'assurance-vie du patrimoine successoral

Les héritiers peuvent néanmoins démontrer qu’en réalité, le défunt souhaitait que son assurance-vie soit intégrée à sa succession

Si leur demande est accueillie, les héritiers auront des droits sur le capital issu de cette assurance-vie

Pour ce faire, ils doivent démontrer au juge, qui apprécie souverainement la volonté du défunt, qu’au vu de ses dispositions testamentaires, le souscripteur du contrat d’assurance-vie avait l’intention d’intégrer cette assurance-vie à sa succession

Tel est notamment le cas si le défunt a déclaré dans son testament qu’il « léguait » le capital du contrat d’assurance-vie à l’une de ses filles et aux enfants de celle-ci (Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, n°11-17891). 

Il s’agit donc en premier lieu d’interpréter la volonté du souscripteur, le plus souvent pas une analyse de la sémantique employée, ce que l’avocat aidera à mettre en évidence.

En savoir plus sur la volonté du souscripteur d'intégrer l'assurance-vie à sa succession

Démontrer le caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt

Les critères d’appréciation d’une prime manifestement exagérée : théorie et jurisprudence

Cadre légal

Pour obtenir la réintégration d’une assurance-vie à la succession, les héritiers peuvent saisir le juge et démontrer que les primes versées par le défunt sur ce contrat étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés (article L132-13 du Code des assurances). 

« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

Le caractère manifestement exagéré des primes est apprécié au moment de leur versement et non au jour du décès de l’assuré (Cass. civ. 1ère, 12 novembre 2009, n°08-20.443).

La preuve de ce caractère manifestement exagéré suppose donc non seulement que les héritiers aient connaissance du contrat d’assurance-vie mais également qu’ils connaissent la consistance du patrimoine de l’assuré et ses revenus au moment du versement des primes. 

En savoir plus sur la manière de connaître les informations nécessaires à l'analyse de l'assurance-vie

L’article L132-13 du Code des assurances fonde et définit une prime manifestement excessive au regard des facultés du souscripteur. Il ne détermine aucun autre critère n’est présent dans ce texte que la jurisprudence s’est chargée de compléter.

Jurisprudence

La jurisprudence a en effet précisé les critères de détermination des primes manifestement excessives en ajoutant plusieurs éléments d’analyse, notamment dans quatre arrêts rendus par la Chambre mixte de la Cour de cassation le 23 novembre 2004 (n°01-13592 ; n°02-11352 ; n°02-17507 ; n°03-13673).

Critères liés au souscripteur

Il s’agit de :  

  • l’âge de l’assuré : si le souscripteur est encore jeune, il peut s’agir d’une opération d’épargne. En revanche, plus le souscripteur est âgé, plus la suspicion de gratification du bénéficiaire est élevée, dans la mesure où l’aléa lié au contrat d’assurance devient illusoire, l’opération peut alors être considérée comme ayant pour unique objectif de transmettre un patrimoine au bénéficiaire désigné et de « diminuer » l’actif successoral ;
  • l’état de santé du souscripteur : si, au moment du versement des primes, l’assuré sait qu’il va mourir prochainement, il n’existe pas d’aléa quant à la possibilité de rachat de son assurance-vie et les juges peuvent donc en déduire que les primes versées ont un caractère manifestement exagéré.
Critères liés aux revenus et patrimoine du souscripteur

Les héritiers doivent également démontrer le caractère excessif des primes versées au regard des facultés financières du souscripteur : 

  • situation patrimoniale du souscripteur : s’il dispose d’un patrimoine significatif en parallèle de l’assurance-vie (biens immobiliers, épargne…), le caractère exagéré des primes versées est plus difficilement caractérisé et inversement,
  • revenus du souscripteur : il convient de vérifier que le montant des primes versées est en cohérence avec ses revenus, son train de vie. Si le montant est trop important par rapport aux revenus du souscripteur, le juge peut considérer que ce dernier a voulu se dépouiller et priver ses héritiers de la succession à venir.

Certaines juridictions et une partie de la doctrine ont tendance à considérer les critères financiers comme uniquement autonomes, c’est-à-dire comme des critères en soi à analyser séparément des autres éléments d’appréciation. Il s’agit d’une erreur préjudiciable, révélatrice du peu de culture financière et économique, qui touche certains acteurs du droit. La pertinence d’un contrat d’assurance-vie (qui est un critère sous-utilisé de la contestation possible des assurances-vie) nécessite d’analyser l’articulation raisonnable dudit contrat avec une stratégie patrimoniale globale. 

L’analyse des revenus, des charges et du patrimoine du souscripteur est donc d’autant plus fondamentale qu’il sert un double objectif : 

  • la proportionnalité des versements périodiques et ponctuels sur un contrat d’assurance-vie
  • l’analyse de la pertinence patrimoniale et fiscale du contrat souscrit.
Critères liés au contrat d’assurance-vie

Le caractère manifestement exagéré des primes doit également être analysé à l’aune de la nature et de la vie du contrat d’assurance-vie : 

  • l’utilité de l’opération : les juges doivent vérifier que la souscription du contrat d’assurance-vie par l’assuré s’intègre dans une démarche de gestion de patrimoine, ce contrat lui permettant de diversifier son épargne financière et les supports financiers de celle-ci ; 
  • le rythme des versements et des rachats : cet aspect, trop souvent délaissé par les héritiers qui y auraient pourtant intérêt, nécessite une étude scrupuleuse des mouvements financiers intervenus sur le contrat tant au crédit qu’en débit. Mis en parallèle de la vie personnelle et financière du souscripteur, cette analyse permet de rechercher l’intention du souscripteur et de déterminer avec plus de pertinence le rapport raisonnable ou excessif des primes versées.
En pratique, ont ainsi pu être considérées comme exagérées : 
– une prime de 54.000 € versée par un assuré de 91 ans, dont les revenus s’élevaient à 2.000 € par mois (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2007, n°06-16382) ;
– une prime de 106.114 €, représentant 60 % du prix de vente d’un immeuble, versée par un assuré de 63 ans, dont les revenus s’élevaient à 20.000 € par an (Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, n°11-14018) ;
– une prime de 46.000 € qui représentait plus de 50 % du prix de vente d’un immeuble alors que les revenus de l’assuré, qui s’élevaient à 800 € par mois, ne lui permettaient pas de faire face à ses charges et, notamment, au coût de sa maison de retraite (Cass. civ. 2ème, 1er juillet 2010, n°09-67770).

Il s’agit donc d’un contentieux très casuistique, pour lequel l’assistance d’un avocat est indispensable. 

Notons que, lorsque l’assuré est une personne protégée, le versement de primes a été autorisé par le juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles), n’interdit pas aux héritiers et aux créanciers qui y auraient intérêt de demander la reconnaissance du caractère manifestement exagéré de ces primes (Cass. civ. 1ère, 7 février 2018, n°17-10818).

Les conséquences du caractère manifestement exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance-vie

L’application des règles du rapport et de la réduction

En principe, les sommes versées au titre d’un contrat d’assurance-vie sont exclues du patrimoine successoral et n’entrent donc pas dans la succession

En savoir plus sur l'exclusion de l'assurance-vie du patrimoine successoral

Toutefois, selon l’article L132-13 du code des assurances, les règles du rapport à succession et les règles de la réduction sont applicables si les primes versées sur le contrat ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur. 

« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

Ainsi, lorsque des primes sont manifestement exagérées, elles doivent être réintégrées à l’actif successoral en vue de reconstituer la masse de calcul, permettant de calculer la réserve héréditaire et la quotité disponible.

En savoir plus sur le calcul de la réserve des héritiers et de la quotité disponible En savoir plus sur le rapport

S’il s’avère qu’en raison de leur montant, ces primes ont porté atteinte à la réserve héréditaire, elles peuvent faire l’objet d’une réduction.

Cette réduction contraint les bénéficiaires des libéralités excédant la quotité disponible à restituer le trop-perçu aux héritiers réservataires, elle ne joue donc que dans la mesure nécessaire au rétablissement de la réserve héréditaire.

La réduction suppose donc que le défunt ait avantagé le bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie au-delà de ce qui lui était permis par la loi.

En savoir plus sur la réduction
Les difficultés liées à l’assiette du rapport ou de la réduction

L’assiette du rapport ou de la réduction pose certaines difficultés en ce qui concerne les primes qualifiées de manifestement exagérées. Quelles sommes doivent être prises en compte et réintégrées à l’actif successoral ?

La jurisprudence n’est pas unanime. Certains arrêts ont estimé que l’intégralité des capitaux versés au bénéficiaire devait être réintégrée à la succession (Cass. 2ème civ, 8 mars 2006, n°04-19177) alors que d’autres arrêts ont jugé que le rapport ou la réduction ne concernaient que la partie excessive des primes d’assurance-vie

S’agissant des intérêts afférents aux primes qualifiées de manifestement excessives, il a été admis qu’ils pouvaient être conservés par le bénéficiaire qui devait alors seulement rendre la somme reçue nette d’intérêts. 

Comment requalifier une assurance-vie en donation ?

Le principe de la requalification en donation

La requalification d’un contrat d’assurance-vie en donation permet aux héritiers d’obtenir son intégration à la succession

Cette requalification est une construction purement jurisprudentielle, issue du contentieux judiciaire

La Cour de cassation a résumé ce mécanisme dans un arrêt de décembre 2007 considérant que l’assurance-vie pouvait être constitutive d’une donation « si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable » (Cass. ch. mixte, 21 décembre 2007, n°06-12769).

Elle a également été reconnue par la jurisprudence administrative. Le Conseil d’Etat a ainsi affirmé dans deux arrêts du 6 février 2006 qu’« un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme s’étant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération de l’aide sociale ». (CE, 1ère et 6ème ss-sect., 6 février 2006, n° 262312 et n° 259385)

Pour que la demande de requalification aboutisse, il faut donc que les héritiers démontrent le dessaisissement irrévocable de l’assuré, provoquant son appauvrissement, et son intention libérale.

Les critères de la requalification en donation

Le dessaisissement irrévocable du souscripteur

Pour obtenir la requalification d’un contrat d’assurance-vie en donation, les héritiers doivent tout d’abord démontrer que le souscripteur s’est dessaisi irrévocablement de son patrimoine. 

Les juges se fondent sur différents critères pour déterminer s’ils sont en présence du dessaisissement évoqué.

L’âge du souscripteur au jour de l’ouverture des contrats d’assurance-vie

Plus la souscription d’un contrat d’assurance-vie ou le versement de primes sont tardifs plus la suspicion d’une volonté de dessaisissement paraît importante. 

Avec l’âge diminue la possibilité que le souscripteur récupère finalement les fonds placés sur son contrat. C’est l’aléa qui diminue et avec lui la révocabilité du dessaisissement.

Avec l’âge, le contrat perd de son utilité patrimoniale, augmentant le rôle conféré à l’aspect dévolutif de l’assurance-vie.

Un premier palier peut être recherché à 70 ans, âge après lequel l’intérêt fiscal lié à l’assurance-vie est plus limité. 

En savoir plus sur les avantages fiscaux du contrat d'assurance-vie

Pourtant, l’expérience judiciaire montre que l’âge n’est le plus souvent pas un critère suffisant. La jurisprudence déborde d’exemples de rejet de demandes seulement basées sur l’âge -même très avancé- du souscripteur.

Il faut donc rechercher d’autres éléments démontrant que les démarches du souscripteur défunt emportent dessaisissement et donc donation.

L’état de santé du souscripteur de l’assurance-vie

L’état de santé du souscripteur au moment d’ouvrir un contrat ou de verser une somme substantielle sur une assurance-vie guide sa volonté. S’il se sait très atteint voire mourant, les démarches qu’il réalise porteront un caractère plus définitif.

Le contrat concerné pourrait alors être considéré comme une donation indirecte.

L’accès au dossier médical est donc potentiellement un élément fondamental de la remise en cause des assurances-vie (rappelons qu’on ne parle pas de « nullité » des assurances-vie).

La forme des contrats d’assurance-vie

La forme du contrat choisi par le défunt est un élément supplémentaire pour démontrer sa volonté de se dessaisir irrévocablement de son patrimoine. 

Elle nécessite une bonne connaissance des produits bancaires et actuaires proposés par les différentes compagnies d’assurance-vie qui doit s’accompagner d’une lecture consciencieuse des conditions générales et particulières de ces contrats. 

Par exemple, un contrat à durée déterminée brève même reconductible tacitement marque un aléa plutôt défavorable à une requalification de l’assurance-vie en donation.

A l’inverse, les contrats d’assurance-vie sous forme viagère sans possibilité de rachats souscrits pour une durée indéterminée démontrent une volonté plus marquée du défunt de se dépouiller irrévocablement.

L’intention libérale du souscripteur

Pour obtenir la requalification d’un contrat d’assurance-vie en donation, les héritiers doivent faire la preuve, non seulement de la volonté de l’assuré de se dessaisir irrévocablement des fonds placés mais également, mais également de son intention libérale. 

Il faut effectivement prouver que les manœuvres de l’assuré pour sortir de son patrimoine une partie de ses biens doit être motivée par son désir de déshériter ses héritiers ou de rompre l’égalité entre eux. 

La différence avec l’intention de se dépouiller irrévocablement ne doit pas être sous-estimé : l’intention libérale envers le gratifié ne passe pas par l’analyse du support financier mais par une appréciation concrète, factuelle, des relations entre souscripteur et bénéficiaire et de l’intention de ce premier.

Les conséquences de la requalification en donation

Concrètement, la requalification d’une assurance-vie en donation permet aux héritiers de l’assuré d’avoir des droits plus importants dans sa succession grâce à la réintégration du capital de l’assurance-vie à l’actif successoral et à sa possible réduction. 

La réintégration du capital de l’assurance-vie à l’actif successoral

Pour déterminer les droits de chacun des héritiers, il y a lieu, au moment du règlement de la succession du défunt, de reconstituer la masse successorale, en réintégrant à l’actif net existant au jour du décès l’intégralité des donations consenties par le défunt. 

C’est sur cette assiette, appelée, « masse de calcul », qu’il y a lieu de vérifier si la réserve héréditaire des héritiers a été atteinte et s’il y a lieu à réduction.

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En principe, les assurances-vie sont exclues de cette masse de calcul. Ce n’est plus le cas dès lors qu’elles sont requalifiées en donation. Elles sont alors réintégrées à l’actif successoral et incluses dans cette masse de calcul permettant de calculer la réserve héréditaire des héritiers sur une assiette plus importante. 

Si les héritiers ont été lésés par un empiètement de leur réserve, ils peuvent solliciter une réduction de la donation et, par conséquent, une restitution de tout ou partie des sommes perçues par le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie

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L’éventuelle réduction de la donation

L’impérative connaissance de la quotité disponible en présence d’un héritier réservataire

La quotité disponible est la quote-part de la succession dont le défunt peut disposer librement et qu’il peut donc léguer à l’un de ses héritiers ou à toute autre personne de son choix.

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L’étendue de cette quotité disponible dépend du nombre d’enfants du défunt : elle correspondant à la moitié des biens du défunt en présence d’un enfant, au tiers en présence de deux enfants et au quart en présence de trois enfants ou plus (article 913 du Code civil). 

« Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre.

L’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845. »

Lorsqu’une assurance-vie est requalifiée en donation, il est donc indispensable de vérifier que cette donation n’est pas supérieure à la quotité disponible dont le défunt pouvait librement disposer. 

La réduction de la donation en cas d’atteinte à la quotité disponible

Pour que les héritiers sachent si l’assurance-vie, requalifiée en donation, excède ou non la quotité disponible, il faut procéder à l’imputation des différentes libéralités (legs et donations) consenties par le défunt selon un ordre précis et en application de règles techniques, maîtrisées par les avocats et les notaires.

Ces imputations sont effectuées dans l’ordre chronologique et l’imputation de la donation consentie au moyen de l’assurance-vie dépend donc du moment auquel cette donation est devenue irrévocable, c’est-à-dire soit au jour de l’acceptation de sa désignation par le bénéficiaire de l’assurance-vie (donc du vivant de l’assuré), soit au jour du décès de l’assuré.

Si, après avoir procédé à l’imputation de toutes les libéralités consenties par le défunt, les héritiers s’aperçoivent que les sommes perçues par le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie excèdent la quotité disponible et que cela porte atteinte à leur réserve héréditaire, ils pourront solliciter la réduction de la donation et, par conséquent, la restitution à la succession de tout ou partie des sommes perçues par le bénéficiaire de l’assurance-vie (articles 919-2 et 920 du Code civil). 

« La libéralité faite hors part successorale s’impute sur la quotité disponible. L’excédent est sujet à réduction. ».

« Les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession. »

A titre d’exemple simplifié : un père, non marié, de 2 enfants, décède sans avoir consenti la moindre libéralité. Au jour de son décès, la valeur nette de son patrimoine s’élève à 100.000 €. Il a, par ailleurs, désigné son voisin en qualité de bénéficiaire de son assurance-vie, d’une valeur de 80.000 €. Les héritiers sollicitent et obtiennent la requalification de cette assurance-vie en donation, qui réintègre ainsi la succession. La « masse de calcul » s’élève donc à 180.000 €, de sorte que la quotité disponible s’élève à 60.000 € (un tiers du patrimoine en présence de deux enfants). Le défunt n’ayant consenti aucune autre libéralité que son assurance-vie, seule cette dernière doit être imputée sur la quotité disponible. Elle l’excède de 20.000 € (80.000 -60.000) et les héritiers pourront donc solliciter la réduction de cette donation et le remboursement, par le bénéficiaire de l’assurance-vie, de la somme de 20.000 €.  
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Comment qualifier une assurance-vie de bien commun entre les époux ? 

La question du caractère commun d’une assurance-vie se pose lorsque ce n’est pas le souscripteur du contrat qui décède mais son conjoint marié sous le régime de la communauté, de sorte que le contrat n’est pas dénoué et qu’il continue à exister.

Les héritiers du conjoint prédécédé ont alors intérêt à faire qualifier le contrat d’assurance-vie du conjoint survivant de bien commun, pour que la moitié de la valeur de ce dernier intègre la succession du conjoint prédécédé.

Les critères de qualification d’une assurance-vie en bien commun

Dans le cadre du régime légal de la communauté (régime matrimonial des époux lorsqu’ils n’ont pas souhaité de contrat de mariage), ladite communauté se compose de tous les revenus perçus et achats effectués par chacun des époux pendant le mariage (article 1401 du Code civil).

« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».

La jurisprudence est assez homogène sur ce thème : tout contrat d’assurance-vie abondé par des fonds communs (par exemple les revenus de l’époux souscripteur) tombe en communauté. Le contrat d’assurance vie, qui se poursuit avec un époux en qualité de seul souscripteur, n’est pas dénoué par le décès de l’autre époux même s’il était bénéficiaire et sa valeur constitue un actif commun (Cass. civ. 1ère, 26 juin 2019, n° 18-21.383).

Pour faire qualifier un contrat d’assurance-vie de bien commun, les héritiers de l’époux prédécédé non souscripteur du contrat doivent donc démontrer que les primes versées sur ce contrat l’ont été grâce à des fonds communs et que ce contrat se poursuit avec le conjoint survivant

Les conséquences de la qualification d’une assurance-vie en bien commun

Si les héritiers parviennent à faire qualifier un contrat d’assurance-vie de bien commun, la moitié de la valeur de ce contrat doit être réintégrée à la succession du conjoint non souscripteur prédécédé (chacun des époux ayant droit, dans le cadre du régime légal de la communauté, à la moitié de cette communauté). 

De sorte que les héritiers du conjoint non souscripteur prédécédé auront des droits plus importants dans sa succession

La qualification d’une assurance-vie en bien commun est donc une façon de la remettre en cause et d’éviter que le conjoint survivant souscripteur ne se serve de cet outil pour faire échapper une partie de son patrimoine à la communauté et, par conséquent, à la succession de son conjoint prédécédé. 

Sur un plan fiscal, précisons que, pour les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2016, la valeur du contrat d’assurance-vie n’a pas à être réintégrée à l’actif de la communauté et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé (Rép. Min. n° 78192 : JOAN 23 févr. 2016, p. 1648, Ciot). 

Comment la communauté peut-elle obtenir une récompense au titre de l’assurance-vie souscrite par le défunt ? 

L’ouverture du droit à récompense pour la communauté

A défaut de contrat de mariage, les époux sont mariés sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts

Dans le cadre de ce régime, la communauté a droit à récompense lorsque des fonds communs (par exemple, des revenus) ont permis de financer un bien propre (par exemple, le paiement de droits de succession des parents de l’ époux ou des travaux réalisés sur un bien propre, familial de l’un des conjoints). Autrement dit, l’époux qui a utilisé des fonds communs à des fins purement personnelles en doit le remboursement. 

Lorsqu’un époux détenait par exemple un contrat d’assurance-vie avant le mariage, la question se pose de savoir si la communauté peut obtenir une récompense au titre des fonds qu’il a investis dans ce contrat. 

La réponse dépend de la qualité du bénéficiaire de ladite assurance-vie

Lorsque le bénéficiaire de l’assurance-vie est le conjoint, aucune récompense n’est due à la communauté (article L132-16 du Code des assurances), sauf si les primes versées sont manifestement exagérées.

« Le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint, constitue un propre pour celui-ci.

Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle, sauf dans les cas spécifiés dans l’article L. 132-13, deuxième alinéa. »

En revanche et a contrario, lorsque l’époux marié sous le régime légal de la communauté n’a pas désigné son conjoint en qualité de bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie, une récompense est due à la communauté au titre des sommes versées sur ce contrat pendant le mariage

Le règlement de la récompense due à la communauté

Pour déterminer le montant de la récompense due à la communauté par l’époux souscripteur, seules les sommes investies dans le contrat d’assurance-vie doivent être prises en considération. 

La récompense ne doit donc pas être calculée au « profit subsistant », c’est-à-dire selon la valeur du contrat au jour de son dénouement.

Autrement dit, l’époux souscripteur doit à la communauté une récompense équivalente à la somme des primes versées sur son contrat d’assurance-vie et non pas une récompense équivalente au capital versé par l’assureur. 

Par définition, cette question se pose au jour du dénouement du contrat d’assurance-vie et donc postérieurement au décès du souscripteur. 

En pratique, c’est donc la succession de l’assuré qui doit une récompense à la communauté. 

Démontrer que la succession de l’assuré doit une récompense à la communauté présente un réel intérêt pour le conjoint survivant qui ne serait pas bénéficiaire du contrat d’assurance-vie du défunt et qui voudrait donc remettre en cause pour recevoir, par l’intermédiaire de la communauté, une partie des sommes qui auraient dû revenir au bénéficiaire. 

Que faire dans l’attente d’une procédure aux fins de contestation d’un contrat d’assurance-vie ?

Les procédures visant la remise en cause de la validité d’un contrat d’assurance-vie, son fonctionnement, son financement, sa modification etc. peuvent être longues. 

Or, une fois le capital versé au bénéficiaire, il peut être utilisé, dépensé voire détourné créant un risque potentiellement important de non-recouvrement. Ce risque est encore augmenté par la nécessité pour le bénéficiaire de payer les impôts afférents aux fonds reçus puisque dans ce cas, une partie des fonds est presque irrémédiablement dépensée avant même sa perception par ce dernier. 

Pour éviter ces écueils, la contestation de l’assurance-vie doit parfois s’accompagner du blocage ou séquestre des fonds avant ou après versement des fonds au bénéficiaire.

L’un des recours consiste à saisir le Tribunal judiciaire pour solliciter l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur le fondement des articles L511-1 et L521-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du Juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire ».

« La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. Elle les rend indisponible ».

Pour obtenir une telle autorisation, il convient de démontrer que :

  • le capital versé au titre de l’assurance-vie ou que les primes versées par le souscripteur pourraient être réintégrés à la succession (parce qu’il s’agit en réalité d’une donation, de primes manifestement excessives ou que le souscripteur n’était pas en mesure de souscrire un contrat d’assurance-vie) ;
  • il existe un péril dans le recouvrement des fonds à percevoir par le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie.

Le demandeur est alors autorisé à contraindre la compagnie d’assurance à bloquer les fonds ou à saisir les comptes bancaires du bénéficiaire si celui-ci a déjà perçu les fonds. Il faut alors agir vite.

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