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Droit des successions

Succession : conditions du présent d’usage

Cass. civ. 1ère, 11 mai 2023, n°21-18.616

Liquidation et partage de successions, Anticipations de successions

Enseignement de l'arrêt

La Cour de cassation rappelle que les conditions d’usage et de proportionnalité sont cumulatives à la qualification de présent d’usage.

Les présents d’usage sont définis par la jurisprudence comme « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cass. 1re civ., 6 déc. 1988, n° 87-15083).

Cette qualification est appréciée par les juges du fond selon les circonstances de fait, au regard de deux critères que sont l’usage et l’importance du cadeau par rapport à la fortune du donateur.

Les deux conditions nécessaires au présent d’usage

Ainsi, un présent d’usage doit répondre à deux conditions cumulatives pour être ainsi qualifié.

L’usage

Pour qu’un cadeau soit qualifié de présent d’usage, il doit avoir été offert à l’occasion de certains évènements de la vie familiale et sociale. La notion d’usage relève ainsi de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Il doit s’agir d’un événement particulier conformément à un usage : anniversaire, fiançailles, mariage, naissance, fêtes de fin d’année, fête religieuse, obtention d’un diplôme, etc.

Constituent par exemple un présent d’usage :

  • les sommes d’argent versées par une mère à ses enfants pour Noël (CA Paris, 11 avr. 2002, ch. 1, B, nº 01/03791) ;
  • les sommes d’argent données par un mari à son épouse à l’occasion de son anniversaire (Cass. 1re civ.,15 mai 2008, nº 07-13.947) ;
  • un ensemble d’aquarelles offert par un père à sa fille pour son mariage (Cass. 1re civ., 10 mai 1995, nº 93-15.187) ;
  • les sommes versées par des parents sur un plan d’épargne logement ouvert au nom de leur enfant (Rép. min. à QE nº 63526, JOAN Q. 17 janv. 2006, p. 504).

Ne constituent pas un présent d’usage :

  • la somme reçue à l’occasion d’un déménagement (Cass. com., 29 janv. 2002, nº 98-14.252) ;
  • les bijoux offerts, qualifiés de souvenir de famille (CA Rennes, ch. 6, 29 juin 1998, nº 9703195) ;
  • la remise de 16 chèques s’étalant sur 16 mois (TGI Strasbourg, 22 oct. 2009, nº 08-3878).

La modicité du présent

L’alinéa 2 de l’article 852 du Code civil prévoit que « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. »

Le présent doit donc être proportionné à la fortune du disposant.

Cette condition est appréciée au cas par cas, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond.

Une jurisprudence est venue retenir une valeur comprise entre 2 % et 2,5 % du patrimoine du donateur comme frontière entre présent d’usage et donation (CA Paris, ch. 1, B, 11 avr. 2002, nº 01-3791 ; CA Orléans, 11 oct. 2007, nº 06-3246).

Il n’existe toutefois pas de seuil prédéterminé (montant fixe ou pourcentage de la fortune du donateur) en-deçà duquel il y aurait lieu de retenir systématiquement la qualification de présent d’usage (Rép. min. à QE nº 22066, Le Meur, JOAN Q. 31 déc. 2019, p. 11532).

Le critère de proportionnalité est donc au cœur de la définition du présent d’usage.

Il convient également de préciser que le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la situation financière du donateur. 

Les juges doivent ainsi vérifier le cumul de ce double critère pour retenir la qualification de présent d’usage.

Appréciation des faits de l’arrêt

En l’espèce, la première chambre civile refuse de retenir la qualification de présents d’usage aux sommes versées à un héritier à travers des chèques et remise d’espèce pour un montant total de 23 697 euros. La cour d’appel retient que ces sommes étaient compatibles avec les capacités financières de la donatrice mais que l’usage n’était pas satisfaisant (l’occasion présentée par le donateur comme justifiant un usage n’est pas précisée).

Cette décision s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence antérieure (Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, nº 12-17.556).

Conséquences de la qualification

La qualification de don d’usage (ou présent d’usage) permet de déroger au droit commun des donations tant sur le plan civil que fiscal. 

Plan civil

L’article 843 du code civil dispose « Tout héritier (…) venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs (…) ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale » 

La présomption de rapport des libéralités reçues par un héritier telle qu’elle est posée par l’article 843 du code civil est exclue pour le présent d’usage.

En effet, l’article 852 du code civil dispose « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant ».

Le présent d’usage n’est donc pas considéré comme une donation rapportable.

Plan fiscal

Les présents d’usage ne sont pas taxables aux droits de succession ni soumis au mécanisme du rappel fiscal (également appelé « Rapport fiscal)

Dans le cas d’espèce les virements ayant bénéficiés à un héritier n’étant pas des présents d’usage, ils font l’objet d’une imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit.

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