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En cas de désaccord, est-il possible de refuser de signer la déclaration de succession ? 

Le Notaire chargé de la succession cherche toujours à déposer une déclaration de succession unique, signée par tous les héritiers. 

En plus de la simplicité administrative escomptée, cette déclaration unique présente deux avantages : 

  • l’attention de l’administration fiscale n’est pas attirée sur d’éventuelles divergences entre héritiers sur une valeur ou l’intégration d’un bien, 
  • elle constitue un document unique et fondateur pour envisager le partage de la succession.

Pour autant, ces avantages sont moins importants qu’il n’y paraît et ne doivent pas contraindre un héritier à signer une déclaration de succession qu’il estime erronée, mensongère ou incomplète.

Dans ce cas de figure, l’héritier concerné peut : 

  • demander à insérer des observations personnelles ou des réserves avant de signer,
  • refuser de signer et souscrire une déclaration de succession exposant sa vision de la succession
  • payer une provision sur les droits de succession en dehors de toute déclaration de succession en attendant d’être mieux informé pour limiter les intérêts et majorations de retard (tout en surveillant les délais impératifs).
En savoir plus sur les délais pour établir une déclaration de succession

En cas d’erreur ou d’omission, le dépôt d’une déclaration de succession rectificative est-il possible ? 

La possibilité de déposer une déclaration de succession rectificative

Il est possible de souscrire une déclaration de succession rectificative auprès de l’administration fiscale. Sa recevabilité est toutefois subordonnée à l’acquittement des droits de succession complémentaires y afférent, aux termes de l’article 1703 alinéa 1 du code général des impôts.

« Les comptables publics compétents ne peuvent, sous aucun prétexte, lors même qu’il y aurait lieu à l’expertise, différer l’enregistrement des actes et mutations dont les droits ont été payés aux taux réglés par la présente codification.

Ils ne peuvent, non plus, suspendre ou arrêter le cours des procédures en retenant des actes ou significations ; cependant, si un acte dont il n’y a pas de minute ou une signification contient des renseignements dont la trace puisse être utile pour la découverte des droits dus, l’agent a la faculté d’en tirer copie, et de la faire certifier conforme à l’original par l’officier qui l’a présenté. En cas de refus, il peut réserver l’acte pendant vingt-quatre heures seulement, pour s’en procurer une collation en forme, à ses frais, sauf répétition, s’il y a lieu.

Cette disposition est applicable aux actes sous signature privée qui sont présentés à l’enregistrement. »

Si la déclaration rectificative augmente le montant des droits dus

Si la déclaration rectificative a pour effet d’augmenter le montant des droits dus, le surplus doit être réglé au moment du dépôt de la déclaration rectificative. 

Cette possibilité ne doit pas être utilisée avec trop de légèreté puisque les sanctions prévues à l’article 1729 du code général des impôts (majorations) peuvent être prononcées contre l’héritier qui a volontairement choisi de souscrire une déclaration incomplète ou inexacte pour étaler le paiement des droits de succession, ou pour opérer un arbitrage entre les droits de succession et l’impôt sur la plus-value.

« Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de :

a.40 % en cas de manquement délibéré ;

b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; 

c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l’article 792 bis. »

Si la déclaration rectificative réduit le montant des droits dus

Si la déclaration rectificative a pour effet de réduire les droits dus, le comptable public qui enregistre la déclaration rectificative ne procède pas au remboursement des droits trop payés. L’enregistrement de la déclaration rectificative vaut réclamation contentieuse. Le déclarant doit alors prouver que la première déclaration était surévaluée, s’il souhaite obtenir le remboursement des droits trop payés.

La déclaration rectificative suite à un contrôle de l’administration fiscale

Dans le cadre d’un contrôle fiscal de la succession, si l’administration constate une omission ou une sous-évaluation dans la déclaration, elle procède à des rectifications. La procédure est alors contradictoire et débute par l’envoi, au redevable, d’une proposition de rectification qui fait l’objet d’un débat avec les héritiers concernés. La rectification qui en découle complète la déclaration de succession initialement déposée.

Les héritiers ont la possibilité de contester judiciairement la rectification opérée en démontrant par exemple :

  • leur bonne foi au moment du dépôt de la déclaration de succession
  • que la valeur des biens a augmenté depuis la déclaration de succession qui n’était donc pas sous-estimée.

La modification de la déclaration de succession postérieure à une modification judiciaire de la dévolution successorale

Il est également possible que, postérieurement à la souscription de la déclaration de succession, une action judiciaire aboutisse et modifie la dévolution successorale (nullité d’un testament, d’un legs, indignité successorale prononcée, pétition d’hérédité, etc.) ou simplement que les droits successoraux aient été modifiés par la renonciation d’un héritier

En savoir plus sur la renonciation à une succession

En pareil cas, il convient de souscrire une déclaration de succession rectificative, si les droits des héritiers ont été modifiés, ou une déclaration complémentaire, si un actif a réintégré le patrimoine successoral. 

Le délai pour souscrire une telle déclaration commence à courir au jour de l’événement qui modifie les déclarations précédentes : 

  • en cas de renonciation d’un héritier : au jour de celle-ci ;
  • en cas d’action judiciaire : lorsque la décision tranchant le litige est passée en force de chose jugée (lorsque la décision n’est plus susceptible de recours suspensif d’exécution – soit dès la décision d’appel ou lorsque le délai pour interjeter appel de la décision de première instance est expiré).

Le délai ouvert aux déclarant pour souscrire la déclaration rectificative demeure le même que pour le dépôt de la première déclaration : seul le point de départ du délai est différent. 

En savoir plus sur les délais pour établir une déclaration de succession

La déclaration de succession engage-t-elle les héritiers pour la suite ?

Quant à la validité des actes visés dans la déclaration de succession

La mention d’un testament, d’un legs ou d’un changement de régime matrimonial, dans la déclaration de succession n’empêche les héritiers de contester ces actes a posteriori, même après avoir signé la déclaration de succession

La signature apposée par un héritier sur la déclaration de succession ne constitue pas une fin de non-recevoir dans le cadre d’une action judiciaire postérieure. Pour autant, l’héritier qui hésite sur l’existence ou la validité d’un testament, l’existence ou la valorisation d’une donation ou d’un bien omis, l’intégration d’une assurance-vie etc. pourra utilement dans certaines configurations émettre des réserves dans la déclaration de succession.

Quant à la véracité des qualités héréditaires des héritiers

La déclaration de succession décline l’identité et la qualité (enfant, conjoint survivant) de chaque héritier. L’héritier qui signe, ou cosigne, une déclaration de succession portant une telle mention demeure recevable à contester, a posteriori, la qualité héréditaire de ses cohéritiers (nullité du mariage, contestation de la filiation, sous réserve du respect des conditions spécifiques de recevabilité de ces actions). 

En savoir plus sur les héritiers de la succession

La signature apposée par un héritier sur la déclaration de succession ne constitue pas une fin de non-recevoir dans le cadre d’une action judiciaire postérieure.

Alerte sur le risque de recel d’actif ou d’héritier

La possibilité de compléter ou corriger une déclaration de succession ne doit pas cacher le risque que constituerait pour un ou plusieurs héritiers l’omission volontaire d’un actif de la succession ou d’un héritier

La déclaration de succession est la première étape déclarative totale. Dit autrement, les héritiers, contraints par l’affirmation de sincérité prévue par l’article 802 du code général des impôts, doivent à ce stade porter à la connaissance des autres héritiers et du notaire toutes les informations susceptibles d’influer la dévolution successorale dont ils disposent.

« Toute déclaration de mutation par décès, souscrite par les héritiers, donataires et légataires, leurs tuteurs, curateurs ou administrateurs légaux est terminée par une mention ainsi conçue :

« … Le déclarant affirme sincère et véritable la présente déclaration ; il affirme, en outre, sous les peines édictées par l’article 1837 du code général des impôts, que cette déclaration comprend l’argent comptant, les créances et toutes autres valeurs mobilières françaises ou étrangères qui, à sa connaissance, appartenaient au défunt, soit en totalité, soit en partie « .

Lorsque le déclarant affirme ne savoir ou ne pouvoir signer, lecture de la mention prescrite au premier alinéa lui est donnée, ainsi que de l’article 1837 précité et des articles L. 230 et L. 231 du livre des procédures fiscales relatifs à l’exercice des poursuites pénales en cas d’affirmation frauduleuse. Certification est faite, au pied de la déclaration, que cette formalité a été accomplie et que le déclarant a affirmé l’exactitude complète de sa déclaration. »

En savoir plus sur l'affirmation de sincérité

A défaut, s’il est établi qu’ils avaient à cette date connaissance de l’information manquante, ils encourent la sanction du recel d’héritier et/ou du recel de succession.

En savoir plus sur le recel de succession

Quant à la valeur des biens 

La valeur des biens retenue dans la déclaration de succession n’engage aucunement les héritiers à maintenir ces valeurs dans le cadre du partage, ni dans le cadre d’une éventuelle demande judiciaire

L’article 829 du code civil précise que les biens partagés sont estimés pour leur valeur à la date de jouissance divise, précision étant donné que celle-ci doit être la plus proche possible du partage. 

Ainsi, la valeur retenue dans la déclaration ne vaut que pour celle-ci (notamment à l’égard de l’administration fiscale pour le calcul des droits de succession) et ne fixe pas de manière définitive et irrévocable la valeur du bien. 

« En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant.

Cette date est la plus proche possible du partage.

Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité. »

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