Aller au contenu

Succession

Le cantonnement

Liquidation et partage de successions

Enseignement n°1 : le cantonnement peut être exercé par un légataire ou un conjoint survivant au profit duquel le défunt avait disposé. Il permet au gratifié de diminuer l’assiette de sa libéralité, au bénéfice des successibles.

Enseignement n°2 : le cantonnement est inaccessible à l’héritier légal.

Présentée comme une dérogation au principe d’indivisibilité de l’option successorale, la faculté de cantonnement permet à tout légataire de cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été expressément disposé en sa faveur. En d’autres termes, le cantonnement n’est autre qu’une réduction de l’émolument libéral dans le cadre d’une succession.

L’article 1002-1 du code civil dispose que « Sauf volonté contraire du disposant, lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier désigné par la loi, le légataire peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Ce cantonnement ne constitue pas une libéralité faite par le légataire aux autres successibles. ».

L’article 1094-1 du code civil dispose que « Pour le cas où l’époux laisserait des enfants ou descendants, «soit légitimes,» issus ou non du mariage,  «soit naturels,» il pourra disposer en faveur de l’autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d’un étranger, soit d’un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. 

Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles. »

Sur les auteurs du cantonnement

Qualité unique du bénéficiaire

Il résulte de l’article 1002-1 du code civil que la faculté de cantonnement est réservée aux légataires, peu importe la nature du legs : universel, à titre universel ou à titre particulier. Rien ne paraît s’opposer à ce que le légataire qui est en même temps héritier, cantonne son legs.

Elle est également ouverte, aux termes de l’article 1094-1 du code civil au conjoint survivant gratifié au moyen d’un legs ou d’une donation entre époux.

Le cantonnement et donc la faculté de sélection de biens paraît ainsi inaccessible à l’héritier légal ; c’est-à-dire à celui qui reçoit des droits dans la succession dans le silence du défunt.

En effet, l’indivisibilité de l’option successorale s’impose à l’héritier par l’effet de la loi : soit il renonce entièrement à la succession, soit il l’accepte intégralement. 

Toutefois, il existe, une situation intermédiaire : l’acceptation à concurrence de l’actif net.

En savoir plus sur la possibilité d'accepter à concurrence de l'actif net

Qualité mixte du bénéficiaire

Le gratifié peut avoir la double qualité de bénéficiaire d’une libéralité à cause de mort et de successeur légal : ce sera souvent le cas du conjoint survivant ou d’un enfant.

Comme la succession légale n’est pas « cantonnable », l’héritier légal (c’est-à-dire héritier même en cas de silence du défunt), par ailleurs gratifié expressément dans la succession, peut donc avoir intérêt à opter pour la libéralité s’il entend user du cantonnement. Ainsi, par exemple, lorsque le conjoint survivant bénéficie d’un cumul de vocations héréditaires, contractuelle (donation au dernier vivant), testamentaire (legs) et successorale (vocation légale), il aura donc intérêt à opter pour l’une des deux premières, s’il entend se prévaloir de la faculté de cantonnement.

Condition du cantonnement

❶ Le cantonnement implique préalablement que la vocation successorale ait été acceptée et que cette acceptation soit accompagnée ou suivie du choix de n’en profiter qu’en partie.

❷ Afin d’éviter des hypothèses de vacances partielle de la succession et des actes des cantonnement destinés à nuire aux droits des créanciers, la faculté de cantonnement n’est ouverte qu’en présence d’une succession qui :

  • pour le légataire, comprend au moins un héritier désigné par la loi et ayant accepté la succession ;
  • et, pour le conjoint survivant, comprend au moins un enfant ou un descendant, issu ou non du mariage.

Comme l’option successorale, le cantonnement est un acte unilatéral du gratifié dans la succession. Le consentement du gratifié est nécessaire et suffisant à la validité de l’acte. L’héritier bénéficiaire n’a pas à accepter le cantonnement. L’exercice du cantonnement n’a pas à être notifié aux héritiers, même si en pratique le Notaire de la succession en assurera l’information auprès des autres héritiers.

❸ La faculté de cantonnement est ouverte uniquement si le disposant n’a pas expressément prévu de priver le légataire ou le conjoint survivant de cette faculté.

Les conséquences du cantonnement

Les conséquences civiles

En cantonnant, le gratifié diminue l’assiette de sa libéralité, mais conserve son titre de légataire ou de conjoint survivant

À l’égard des tiers créanciers de la succession, le gratifié répondra des dettes successorales à la mesure de son titre.

Ce n’est qu’au stade de la contribution, dans ses rapports avec les autres légataires ou héritiers, qu’il disposera d’un recours contre eux s’il a trop payé (article 870 du code civil).

« Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend. »

Les conséquences fiscales

L’article 1002-1 du code civil précise que le cantonnement ne constitue pas une libéralité faite par le légataire ou le conjoint survivant aux autres successibles. Sur le plan fiscal, le cantonnement n’est donc pas taxable aux droits de mutation à titre gratuit (aussi appelés « droits de succession »). 

L’article 788 bis du CGI dispose, en effet, que les biens recueillis par un héritier ou un légataire, suite à l’exercice du cantonnement des libéralités, sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt lui-même. Ils ne sont donc pas considérés comme une libéralité faite aux autres successibles par le gratifié qui a cantonné.

Le légataire qui cantonne son émolument n’est imposable que sur la part qu’il prend effectivement dans le legs qui lui est consenti (BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 20). 

Les biens recueillis par le bénéficiaire indirect du cantonnement sont réputés lui être transmis à titre gratuit par le défunt (article 788 bis du CGI) et sont donc imposables aux droits de succession au tarif fixé en fonction de son lien de parenté avec ce dernier (BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 30).

« Les biens recueillis par un héritier ou un légataire en application de l’article 1002-1 ou du deuxième alinéa de l’article 1094-1 du code civil sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt. »

Par ailleurs, le cantonnement ne constitue pas non plus une opération de partage de la succession soumise au droit de 1,10 %.

Par Sophie Rieussec et Capucine Bohuon

Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants

jurisprudences et lois commentées

Droit des successions

Réserve héréditaire et ordre public international

Rép. Min. n°7936, JOAN 21 nov. 2023

Publié le 08 Déc 2023

jurisprudences et lois commentées

Droit des successions
Publié le 08 Mar 2023