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Anticipation de successions

Définition et validité de la donation-partage cumulative

Anticipations de successions

Focus sur le régime et les avantages de la donation-partage cumulative :

  • Une donation-partage cumulative permet, dans le même temps, de régler la succession du parent prédécédé et d’anticiper la succession du parent survivant.
  • Le régime civil d’une donation-partage cumulative est hybride et son régime fiscal est avantageux.

Définition

La donation-partage cumulative est l’acte unique aux termes duquel le parent survivant fait une masse de ses propres biens et de ceux dont il devient propriétaire dans le cadre de la succession du parent prédécédé pour effectuer un unique partage. Cet acte procède donc dans le même temps à une donation et à un partage de succession.

Il ne doit pas être confondu avec la donation-partage conjonctive, réalisé par les deux parents de leurs vivants à tous les deux.

Aucun article du code civil ne prévoit une telle donation-partage, qui est toutefois reconnue selon une jurisprudence constante en la matière.

La Cour de cassation a ainsi pu la définir comme étant celle « qui réalise par un même acte un partage amiable des biens de la succession ouverte et une donation-partage des biens du parent survivant à la condition que tous les enfants majeurs et capables acceptent ce partage » (Civ 1re, 22 novembre 2005, n°02-17708) ou encore comme celle qui « réalise par un même acte un partage amiable de biens de la succession ouverte et une donation-partage de biens de ce parent » (Civ. 1re, 11 juin 2008, n° 07-14.795).

L’objectif de cette forme de donation-partage au milieu de deux successions est de prévoir le partage des biens des parents entre leurs héritiers, partage à propos duquel il n’y aura donc de débat ni au première décès ni au second.

La donation-partage cumulative a également pour but de permettre le partage de biens qui auraient fait l’objet d’une indivision (exemple du bien commun qui tombe pour moitié dans la succession et qui revient pour moitié au conjoint survivant).

Un régime juridique spécial

Une nature hybride

En raison de sa nature hybride, la donation-partage cumulative emprunte à la fois aux conditions des donations-partages et des partages simples. Elle n’est ainsi pas susceptible d’être remise en cause par une action en complément de part, mais peut être annulée en cas d’omission d’un héritier, outre les autres règles de nullité de donation-partage ou de contestation de donation-partage.

Le régime de la donation-partage cumulative continue toutefois à faire l’objet d’interrogations puisqu’il n’est, pas plus que sa définition, fixé dans le code civil.

En savoir plus sur la donation-partage

L’action en réduction

L’un de sujets d’interrogation est le point de départ du délai de prescription de l’action en réduction à l’encontre d’une donation-partage cumulative. Rappelons que selon l’article 921 du code civil, ce dernier est en principe « fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ». Dans le cadre d’une donation-partage cumulative, la question se pose donc de savoir si le délai de prescription court à compter du premier ou du second décès.

« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. 

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

La jurisprudence et la doctrine n’ont pas encore tranché cette question mais la logique et la pratique voudraient que deux situations soient différenciées : 

  • soit l’action en réduction n’était pas prescrite au moment de la donation-partage cumulative et le point de départ de sa prescription doit donc être le décès du deuxième parent (ce qui rejoint la lettre de l’article 1077-2 du code civil, concernant les donations-partages consenties par un parent, selon lequel « l’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du disposant qui a fait le partage »

« Les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l’imputation, le calcul de la réserve et la réduction.

L’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du disposant qui a fait le partage. En cas de donation-partage faite conjointement par les deux époux, l’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du survivant des disposants, sauf pour l’enfant non commun qui peut agir dès le décès de son auteur. L’action se prescrit par cinq ans à compter de ce décès.

L’héritier présomptif non encore conçu au moment de la donation-partage dispose d’une semblable action pour composer ou compléter sa part héréditaire. »

  • soit l’action en réduction était déjà prescrite et elle n’est alors plus envisageable au décès du deuxième parent. Cette dernière position semble devoir être prise avec précaution car des arguments inverses pourraient lui être opposés quant à l’effectivité de la possibilité de recours.

La valeur pour la réunion fictive

Selon l’article 1078 du code civil, dans le cadre d’une donation-partage classique, « les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve […]». C’est d’ailleurs souvent le principal recherché par les signataires.

« Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent. »

Ainsi, lorsque l’acte de donation-partage cumulative n’exclut pas l’application de cet article, il faudrait considérer que pour déterminer s’il existe une atteinte à la réserve des héritiers au jour du décès du conjoint survivant, les biens doivent être réunis selon leur valeur au jour de l’acte.

Attention toutefois, seuls les biens objets de la donation-partage cumulative qui dépendaient du patrimoine du conjoint survivant et non les biens qui dépendaient de la succession du parent prédécédé doivent être réunis à la succession du deuxième parent. 

En revanche, lorsque l’acte de donation-partage cumulative exclut l’application de l’article 1078 du code civil, il faut revenir à l’article 922 du code civil selon lequel « Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession ».

« La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation. S’il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu’il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer ».

Les objectifs de la donation-partage cumulative

La donation-partage cumulative a pour intérêt premier de partager l’intégralité du patrimoine familial (existant entre le parent prédécédé et le parent survivant) en un seul acte. 

Elle présente d’autres avantages dont : 

  • l’évitement des situations d’indivision et, par conséquent, de futures licitations,
  • une fiscalité favorable puisque les donations-partages cumulatives sont soumises aux mêmes règles que celles régissant le partage des ascendants : les biens donnés sont assujettis aux droits de donation (y compris les abattements entre ascendants et descendants) et les biens qui dépendaient du patrimoine du parent prédécédé sont assujettis au droit de partage de 2,50%.

Par Anne-Laure Sardaby et Capucine Bohuon

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