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Enfants

Le rôle du juge des enfants en matière financière

Enfants – Filiation et adoption

Observations pratiques sur les dispositions financières des décisions rendues en matière de protection de l’enfance.

Le juge des enfants est un magistrat en charge de la protection de l’enfance.

Les mesures qu’il ordonne sont, pour l’essentiel, d’ordre extra-patrimonial : assistance éducative en milieu ouvert simple, renforcée ou avec hébergement, maintien à domicile sous conditions ou encore placement.

Néanmoins, le juge des enfants peut également prendre une série de mesures de nature financière, relativement méconnues en pratique.

Ces mesures peuvent être prononcées à titre autonome ou, le plus souvent, à titre accessoire aux mesures en assistance éducative.

L’aide à la gestion du budget familial

En cas de défaillance des parents ou de détournement des prestations familiales, l’article 375-9-1 du code civil prévoit un mécanisme de délégation aux prestations familiales :

« Lorsque les prestations familiales ou le revenu de solidarité active servi aux personnes isolées mentionnées à l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas employés pour les besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants et qu’une des prestations d’aide à domicile prévue à l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles n’apparaît pas suffisante, le juge des enfants peut ordonner qu’ils soient, en tout ou partie, versés à une personne physique ou morale qualifiée, dite  » délégué aux prestations familiales « .

Ce délégué prend toutes décisions, en s’efforçant de recueillir l’adhésion des bénéficiaires des prestations familiales ou de l’allocation mentionnée au premier alinéa et de répondre aux besoins liés à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants ; il exerce auprès de la famille une action éducative visant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations.

La liste des personnes habilitées à saisir le juge aux fins d’ordonner cette mesure d’aide est fixée par décret.

La décision fixe la durée de la mesure. Celle-ci ne peut excéder deux ans. Elle peut être renouvelée par décision motivée. »

Cet article a été introduit par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007.

Il remplace l’ancienne « tutelle aux prestations familiales », qui se présentait comme une mesure coercitive vis-à-vis des parents défaillants dans leur rôle éducatif. L’esprit de la loi de 2007 est différent : l’idée n’est plus de stigmatiser mais de soutenir les parents dans l’exercice de leur parentalité.

L’objectif du dispositif est avant tout éducatif : le rôle des délégués est d’accompagner les familles dans la gestion de leurs prestations familiales et de leur budget (notamment concernant les enfants : alimentation équilibrée et économique, gestion des frais de scolarité, activités périscolaires…) et de les aider à recouvrer une autonomie sociale et financière. 

Néanmoins, pour l’instant les praticiens de la protection de l’enfance relèvent une certaine inefficacité de la mesure, les parents se laissant souvent « porter » par le travail du délégué.

La contribution aux frais de placement

Article 375-8 du code civil :

« Les frais d’entretien et d’éducation de l’enfant qui a fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative continuent d’incomber à ses père et mère ainsi qu’aux ascendants auxquels des aliments peuvent être réclamés, sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou en partie. »

Article 2 de la loi n° 58-1301 du 23 décembre 1958 :

« Le juge des enfants détermine, dans des conditions fixées par décret, le montant de la participation des parents du mineur, aux frais résultant de l’application des articles 375 à 382 du Code civil, compte tenu des prestations de sécurité sociale. Sauf exception motivée, cette participation ne peut être inférieure au montant des allocations familiales auxquelles le mineur ouvre droit. Celles-ci sont versées directement au service départemental de l’aide sociale par les organismes payeurs. »

L’obligation de contribution aux frais de placement apparaît comme un corollaire de l’obligation alimentaire de l’article 203 du code civil, étant précisé que la décision de placement ne fait pas disparaître le versement de la contribution alimentaire. En pratique, le parent débiteur doit saisir le Juge aux affaires familiales pour voir réviser la contribution alimentaire, l’enfant placé n’étant plus à la charge effective du parent créancier.

« L’obligation de contribution aux frais de placement apparaît comme un corollaire de l’obligation alimentaire de l’article 203 du code civil, étant précisé que la décision de placement ne fait pas disparaître le versement de la contribution alimentaire. En pratique, le parent débiteur doit saisir le Juge aux affaires familiales pour voir réviser la contribution alimentaire, l’enfant placé n’étant plus à la charge effective du parent créancier. »

C’est le département qui finance l’ensemble des mesures de protection et notamment les mesures de placement (coût mensuel en moyenne du placement d’un mineur à l’ASE : 45 000 euros).

La contribution aux frais de placement peut s’effectuer en numéraire ou en nature (par exemple, participation aux frais de transport en cas d’exercice d’un droit de visite).

Néanmoins, en pratique, cette disposition est peu appliquée.

En effet, les juges des enfants statuent rarement sur la contribution aux frais de placement (soit la question n’est pas abordée à l’audience, soit le juge n’a pas interrogé les parents sur leur situation financière, soit le service gardien n’a fait aucune préconisation en ce sens).

Or, si le juge ne statue pas expressément sur cette question, les parents sont dispensés de contribuer au placement.

La destination des allocations familiales

Article 521-2 du Code de la sécurité sociale :

« Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant.

Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, les allocations familiales continuent d’être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service. Toutefois, le juge peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d’une mesure prise en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil ou à l’article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer. »

Au sens de la loi, le versement des allocations familiales aux services de l’ASE est de droit : seul le juge des enfants peut décider qu’elles seront versées à la famille de l’enfant placé.

Néanmoins, en pratique, le versement au service gardien est relativement rare, même lorsque les jugements de placement ne contiennent aucune disposition relative au maintien des prestations familiales dans la famille.

En réalité, les conseils départementaux, probablement par méconnaissance des dispositions de l’article L. 521-2 du Code de la sécurité sociale, omettent d’informer la CAF des décisions des juges des enfants.

« Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant.

En cas de résidence alternée de l’enfant au domicile de chacun des parents telle que prévue à l’article 373-2-9 du code civil, mise en oeuvre de manière effective, les parents désignent l’allocataire. Cependant, la charge de l’enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l’allocataire. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent alinéa.

Lorsque la personne qui assume la charge effective et permanente de l’enfant ne remplit pas les conditions prévues au titre I du présent livre pour l’ouverture du droit aux allocations familiales, ce droit s’ouvre du chef du père ou, à défaut, du chef de la mère.

Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, les allocations familiales continuent d’être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service. Toutefois, le juge peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d’une mesure prise en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil ou à l’article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article, notamment dans les cas énumérés ci-dessous :

a) retrait total de l’autorité parentale des parents ou de l’un d’eux ;

b) indignité des parents ou de l’un d’eux ;

c) divorce, séparation de corps ou de fait des parents ;

d) enfants confiés à un service public, à une institution privée, à un particulier.

NOTA :

Se reporter aux conditions d’application prévues à l’article 10 de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019.

Conformément à l’article 25 de la loi n°2020-734, l’ordonnance n°2019-950 entre en vigueur le 31 mars 2021. Cette date a été reportée au 30 septembre 2021 par l’article 2 de la loi n° 2021-218 du 26 février 2021. »

En outre, la Cour de cassation a reconnu que la CAF détenait un pouvoir souverain d’appréciation des critères de versement des allocations familiales : la CAF n’étant pas partie à la cause, les décisions du juge des enfants ne lui sont pas opposables. Certaines CAF font aussi prévaloir des critères non prévus par les textes, notamment l’existence de liens affectifs avec le mineur.

Par Julie Carretero et Capucine Bohuon

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