Aller au contenu

En pratique : comment faire appliquer un testament ?

Dépôt du testament et formalité d’enregistrement

Formalités de dépôt et d’enregistrement d’un testament

La rédaction d’un testament (olographe, mystique et authentique) nécessite son enregistrement au rang des minutes du notaire qui procédera ensuite à son dépôt après le décès du testateur auprès du greffe du Tribunal judiciaire territorialement compétent.

En savoir plus sur les différentes formes de testament

Cet enregistrement est distinct de celui au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV), qui permet le recensement des testaments.

En savoir plus sur la recherche des testaments et le FCDDV
Formalités de dépôt du testament
Qui dépose le testament ?

Après le décès, tout testament olographe doit être déposé entre les mains d’un notaire conformément à l’article 1007 alinéa 1er du Code civil.

« Tout testament olographe ou mystique sera, avant d’être mis à exécution, déposé entre les mains d’un notaire. Le testament sera ouvert s’il est cacheté. Le notaire dressera sur-le-champ procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, en précisant les circonstances du dépôt. Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. Le testament ainsi que le procès-verbal seront conservés au rang des minutes du dépositaire.

Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes.

Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

Cette démarche est inutile pour les testaments authentiques, qui, compte tenu de leur forme, figurent d’ores et déjà aux minutes du notaire.

Ce dépôt entre les mains du notaire en charge de la succession est effectué par toute personne trouvant ou ayant en sa possession un testament olographe.

Si le défunt avait, de son vivant, déposé un testament olographe chez un notaire sans demander à le faire enregistrer auprès du fichier central de dernière volonté, l’officier ministériel devra, une fois informé par la famille, établir le procès-verbal de dépôt. 

En savoir plus sur la recherche des testaments et le FCDDV
Procès-verbal de dépôt et de description

Il s’agit de l’acte décrivant le testament : il indique les circonstances du dépôt, le nom du déposant et décrit matériellement le testament (qualité du support, nombre de feuilles, matériau d’écriture, ratures, renvois, surcharges, signature). 

Le notaire n’a pas à prendre position sur la valeur du testament dans ce document.

Dépôt au greffe du tribunal judiciaire

Dans le mois suivant la réalisation du procès-verbal de dépôt, le Notaire doit en envoyer une expédition au greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession ainsi qu’une copie du testament

Le tribunal remet en contrepartie au Notaire un certificat de dépôt qui servira par la suite à demander l’envoi en possession, le cas échéant.

Enregistrement du testament

Une fois le procès-verbal de dépôt réalisé, le Notaire doit l’enregistrer, ainsi que le testament, auprès de l’administration fiscale dans un délai de trois mois après le décès du testateur, conformément à l’article 636 du Code général des impôts, sous peine d’intérêt de retard.

« Les testaments déposés chez les notaires ou reçus par eux doivent être enregistrés, à la diligence des héritiers, donataires, légataires ou exécuteurs testamentaires, dans un délai de trois mois à compter du décès du testateur.

Les testaments-partages déposés chez les notaires ou reçus par eux doivent être enregistrés au plus tard lors de l’enregistrement de l’acte constatant le partage de la succession. »

Cet enregistrement est soumis à un droit fixe, actuellement de 125 €.

Prescription du dépôt et de l’enregistrement d’un testament

Il n’existe pas de délai de prescription au dépôt d’un testament

S’il n’y pas de délai pour déposer un testament chez un notaire postérieurement au décès du testateur, en revanche, dès lors que l’acte de partage a été réalisé, celui-ci ne peut être remis en cause que dans un délai de 5 ans.

Présence des héritiers lors de l’ouverture du testament

La présence des héritiers n’est obligatoire ni lors de l’ouverture du testament ni lors de la rédaction du procès-verbal d’ouverture et de l’état du testament par le Notaire.

Il est simplement tenu d’aviser les légataires de l’existence et du contenu des dispositions du testament en leur faveur, soit en les convoquant, soit en leur en adressant une copie du document.

En savoir plus sur l’accès au testament

Les héritiers réservataires doivent aussi être informés de l’existence et du contenu du testament pour, le cas échéant, le contester s’il porte atteinte à leur réserve héréditaire ou si une condition de validité de l’acte n’est pas respectée.

En savoir plus sur la réserve héréditaire En savoir plus sur les conditions de validité du testament

Ainsi, bien que le principe de liberté testamentaire impose le respect de la volonté du testateur d’organiser sa succession en rédigeant un testament, les héritiers ne sont pas totalement démunis face à ces dernières volontés.

En bref, il leur est possible de contester le testament après son ouverture et de s’opposer à son exécution sous certaines conditions.

En savoir plus sur la contestation du testament

Délivrance de legs et envoi en possession

Nature du legs Le défunt laisse-t-il des héritiers réservataires Quelle est la nature du testament À qui s’adresser ? Fondement (code civil)
Legs universel OUI Peu importe Aux héritiers réservataires Art. 1004
NON Testament authentique Le légataire universel n’a pas à solliciter la délivrance de son legs et est saisi de plein droit de la succession Art. 1006
NON Testament olographe ou mystique Procédure spécifique développée au « 1.2.1.2.2. Si le testament est olographe ou mystique » Art. 1007
Art. 1378 du code de procédure civile
Legs à titre universel OUI Peu importe Aux héritiers réservataires Art. 1011
NON En premier lieu, au légataire universel, à défaut aux héritiers non réservataires
Legs à titre particulier OUI Aux héritiers réservataires Art. 1014
NON En premier lieu, au légataire universel, à défaut aux héritiers non réservataires

« Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. »

« Lorsqu’au décès du testateur il n’y aura pas d’héritiers auxquels une quotité de ses biens soit réservée par la loi, le légataire universel sera saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance. »

« Tout testament olographe ou mystique sera, avant d’être mis à exécution, déposé entre les mains d’un notaire. Le testament sera ouvert s’il est cacheté. Le notaire dressera sur-le-champ procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, en précisant les circonstances du dépôt. Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. Le testament ainsi que le procès-verbal seront conservés au rang des minutes du dépositaire.

Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes.

Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

« Dans les quinze jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament mentionné à l’article 1007 du code civil, le notaire fait procéder à l’insertion d’un avis, qui comporte le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession, ainsi que l’existence d’un legs universel, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent. Cette publicité peut être faite par voie électronique. Les frais de publicité sont à la charge du légataire universel ».

« Les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels et, à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l’ordre établi au titre  » Des successions « . » 

« Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause. 

Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. »

Définition

La délivrance d’un legs est l’opération qui consiste à mettre le légataire en possession du bien qui lui a été légué au terme du testament.

La transmission du droit juridique sur la chose s’opère dès le décès du défunt mais elle est virtuelle. La mise en possession matérielle, physique, de la chose est opérée par la délivrance du legs

Pour cela, selon l’article 1004 du Code civil, contrairement aux héritiers réservataires – qui appréhendent les biens dès le décès – les légataires doivent solliciter l’envoi en possession de la chose objet du legs.

« Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. »

À qui demander la délivrance du legs ?

Délivrance d’un legs universel
S’il existe un ou plusieurs héritiers réservataires

Le légataire universel doit s’adresser aux héritiers réservataires, qui sont au décès du défunt, saisis de l’ensemble des biens de la succession (article 1004 du Code civil).

En savoir plus sur les héritiers réservataires

« Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. »

S’il existe un ou plusieurs héritiers réservataires
  • Si le testament est authentique

Conformément à l’article 1006 du Code civil, en l’absence d’héritiers réservataires et si le testament instituant le legs universel est rédigé par testament authentique, le légataire universel n’a pas à solliciter la délivrance de son legs et est saisi de plein droit de la succession.

« Lorsqu’au décès du testateur il n’y aura pas d’héritiers auxquels une quotité de ses biens soit réservée par la loi, le légataire universel sera saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance. »

  • Si le testament est olographe ou mystique

Si le testament instituant le legs universel est mystique ou olographe, l’article 1007 du code civil prévoit une procédure un peu plus longue.  

« Tout testament olographe ou mystique sera, avant d’être mis à exécution, déposé entre les mains d’un notaire. Le testament sera ouvert s’il est cacheté. Le notaire dressera sur-le-champ procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, en précisant les circonstances du dépôt. Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. Le testament ainsi que le procès-verbal seront conservés au rang des minutes du dépositaire.

Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes.

Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

Etape 1 : le testament est ouvert par le Notaire qui dresse un procès-verbal, aux termes duquel il s’assure : 

  • de l’absence d’héritier réservataire ;
  • du caractère universel du legs.

Etape 2 : dans un délai de quinze jours à compter du procès-verbal d’ouverture du testament, le Notaire fait procéder à l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales aux frais du légataire universel (article 1378-1 du Code de procédure civile).

« Dans les quinze jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament mentionné à l’article 1007 du code civil, le notaire fait procéder à l’insertion d’un avis, qui comporte le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession, ainsi que l’existence d’un legs universel, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent. Cette publicité peut être faite par voie électronique. Les frais de publicité sont à la charge du légataire universel ».

Etape 3 : un mois après l’établissement du procès-verbal d’ouverture du testament, le Notaire transmet au Tribunal judiciaire du lieu du dernier domicile du défunt le procès-verbal ainsi qu’une copie du testament.

  • en l’absence d’opposition par un tiers : si dans le mois qui suit la réception des documents testamentaires au greffe du Tribunal, aucun tiers intéressé ne s’est opposé à l’exercice de la saisine, le légataire échappe aux contraintes du contrôle judiciaire et pourra alors appréhender les biens successoraux. 
  • en cas d’opposition par un tiers : l’opposition doit être faite entre les mains du Notaire chargé du règlement de la succession, dans le délai d’un mois à compter de la réception par la juridiction des documents. Le légataire doit alors solliciter par requête auprès du Président du Tribunal judiciaire l’envoi en possession de son legs. L’acte d’opposition doit être joint à la requête
Délivrance d’un legs à titre universel ou à titre particulier

L’article 1011 du code civil impose un ordre à respecter par les légataires à titre universel et les légataires à titre particulier (par renvoi de l’article 1014 du même code) : 

En savoir plus sur les différents types de legs, notamment les legs à titre universel et à titre particulier
  • le légataire à titre universel ou à titre particulier doit demander la délivrance de son legs aux héritiers réservataires,
En savoir plus sur les héritiers réservataires
  • à défaut de tels héritiers, il doit en demander la délivrance au légataire universel,
  • à défaut d’un tel légataire, il doit demander la délivrance aux héritiers non réservataires.

« Les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels et, à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l’ordre établi au titre  » Des successions « . » 

« Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause. 

Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. »

Sous quelle forme demander la délivrance du legs ?

Aucune exigence de forme n’est requise pour la demande de délivrance du legs. Cependant, la transmission d’une lettre recommandée avec accusé réception (LRAR) est fortement recommandée afin de conserver la preuve d’une telle demande et de la dater.

De même, aucun formalisme n’est requis pour la mise en possession. Ainsi, elle peut simplement résulter de la mise en possession du légataire sans opposition de l’héritier légitime.

La désignation d’un exécuteur testamentaire

L’exécution testamentaire appartient en principe aux héritiers.

Par exception et s’il estime que cela peut participer à la bonne exécution du testament, le défunt a la faculté de nommer un tiers en qualité d’exécuteur testamentaire. 

Il s’agit d’une personne de confiance nommée pour veiller ou procéder à l’exécution des dispositions patrimoniales et extrapatrimoniales du testament du défunt.

L’exécuteur est désigné (et révoqué) par un testament, olographe, authentique ou mystique, valable en la forme.

En savoir plus sur les différentes formes de testament

Comment concilier plusieurs testaments entre eux ou avec une donation ?

Articulations entre plusieurs testaments

Conflit entre testaments simples

Principe : primauté du dernier testament

Le plus souvent, le nouveau testament « révoque et annule » ceux qui auront pu être réalisés précédemment. 

A défaut d’une telle mention emportant révocation des dispositions antérieures, la loi prévoit que les dispositions antérieures contradictoires sont implicitement révoquées (Article 1036 du Code civil).

« Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires. »

Le testament valable sera donc généralement le plus récent. 

Toutefois, cette règle sera écartée si le testament le plus récent est affecté d’une cause de nullité (règles de forme non respectées, capacité du testateur altérée, etc.).

La révocation tacite

Les dispositions antérieures sont implicitement révoquées par le nouveau testament, à moins qu’il ne s’agisse de dispositions complétant celles précédemment établies. 

Dans un arrêt du 8 juillet 2015, la Première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que la révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de la rédaction d’un nouveau testament incompatible, de l’aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l’altération volontaire du testament.

En savoir plus sur les conditions de validité du testament

Conflit entre testaments-partage

Le testament-partage n’est pas une forme de testament à proprement parlé. Sa spécificité tient à son contenu : il est un acte répartiteur. Le testateur décide à l’avance de la répartition de ses biens entre ses héritiers.

La Cour de cassation a précisé le traitement de plusieurs testaments-partage concurrents dans le règlement d’une succession (Ccass Civ 1ère 5 décembre 2018 n° 17-17.493). 

En savoir plus sur le testament partage
Rappel des faits

Des époux, mariés sous le régime de la communauté de biens, sont décédés et laissent pour leur succéder leurs quatre enfants. De leur vivant, ils ont rédigé plusieurs testaments : 4 testaments pour la mère et 3 testaments pour le père, étant précisé que les 3 derniers testaments des deux parents ont un contenu identique.

Dans les premiers testaments, les parents ont partagé leurs biens et attribué expressément tel bien à tel ou tel de leurs enfants.

Au contraire, dans le dernier testament, les parents ont ajouté une mention aux termes de laquelle ils lèguent à deux de leurs enfants la quotité disponible en toute propriété de leur patrimoine.

Dans ce contexte, les derniers testaments avantagent certains des héritiers au détriment des autres.

Les deux enfants désignés légataires universels ont assigné leurs cohéritiers en délivrance des legs contenus dans le dernier testament des parents. 

Positions de la Cour de Cassation
Thématiques abordées

Les juges du fond ont déclaré nuls les derniers testaments émis par les deux parents et a donc débouté les deux enfants de leur demande de délivrance des legs

Les deux héritiers ont décidé de former un pourvoi en cassation. 

La Cour de cassation a dû répondre à trois questions :

  • une question relative à la détermination de la volonté des testateurs : fallait-il se référer au seul dernier testament de chacun des époux comme révoquant les précédents ? Ou fallait-il retenir une lecture globale de l’ensemble des testaments ?
  • une seconde question sur la qualification même de ces actes : est-ce que la volonté d’avantager un ou plusieurs héritiers est de nature à écarter la qualification de testaments-partages ?
  • une troisième question relative à la validité d’un testament-partage qui porte sur des biens communs.
Solutions
  • Sur la détermination des dernières volontés des testateurs

La Cour de cassation vise les articles 1035 et 1036 du Code civil, estimant que la cour d’appel avait légitimement, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation de la volonté des testateurs, apprécié celle-ci à l’aune de l’ensemble des actes en présence.

« Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté »

« Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires. »

En l’espèce, les juges du fond ont bien opéré un contrôle de compatibilité des différents testaments en présence et mis en lumière les seules dispositions que les nouveaux actes avaient eu pour conséquence de rendre inefficaces. La majorité des dispositions testamentaires confirmant celles de précédents actes ou étant compatibles avec elles, il y avait lieu à apprécier la volonté des testateurs relativement à l’ensemble des testaments en présence.

Par conséquent, la Haute juridiction rappelle qu’en présence de testaments multiples, il appartient aux juges du fond d’apprécier la volonté des testateurs, en procédant à une appréciation globale. 

Ainsi, les dispositions des différents testaments successifs n’étant pas contradictoires, tous demeurent sauf pour les dispositions qu’ils ont expressément remises en cause. Les juges du fond n’avaient donc pas à se référer aux seuls testaments les plus récents. 

  • La qualification des testaments-partage

Pour mémoire, le testament-partage est l’acte par lequel une personne procède, de son vivant, au partage de sa succession entre ses héritiers présomptifs au moyen d’un testament

En savoir plus sur le testament partage

Les deux héritiers contestaient la qualification de testaments-partages des derniers testaments de leurs parents au motif que ceux-ci ne procédaient pas à une répartition et à la distribution globale de leur patrimoine, condition essentielle pour retenir cette qualification. 

Les deux héritiers soulignent que leurs parents, dans le testament de 2003, avaient entendu les avantager par un legs de la quotité disponible nécessairement préciputaire excluant, ipso facto, la qualification de testament-partage. 

L’enjeu était donc de savoir si les testateurs avaient entendu faire un testament ordinaire comportant des legs préciputaires ou s’ils avaient entendu faire un testament-partage. 

En faisant une lecture globale, les juges du fond, suivis par la Cour de cassation, ont clairement identifié que le règlement successoral, par son étendue et ses modalités répondait à une volonté de répartir la succession entre les héritiers plus que de celle d’avantager les deux requérants. 

Dans cette perspective, l’argument selon lequel la rupture d’égalité entre les héritiers serait à même de permettre d’écarter la qualification de testament-partage est un échec. En effet, l’auteur du testament-partage n’est pas tenu de respecter l’égalité entre les héritiers, ni en nature des lots ni en valeur, dès lors qu’il ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire, laquelle est d’ordre public

En savoir plus sur la réserve héréditaire

Les juges du fond pouvaient donc considérer que les testateurs souhaitaient procéder à un partage de l’ensemble de leurs biens, tant propres que communs, entre leurs héritiers présomptifs (article 1075 du Code civil). 

« Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits.

Cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage. Il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second ».

Ce faisant, les défunts ayant opéré, entre les différents testaments, un partage d’ascendants sur l’ensemble de leur patrimoine propre et commun, les juges pouvaient retenir la qualification de testaments-partages même en présence de legs en faveur d’une partie seulement des héritiers.

  • Le testament partage portant sur des biens communs

L’ultime question posée à la Cour de cassation était de savoir si les testaments-partages en présence étaient valides alors qu’ils comprenaient l’attribution de biens relevant de la communauté, non encore dissoute ? 

Les biens communs peuvent-ils être répartis par le truchement du testament-partage ou doivent-ils être considérés comme étant la chose d’autrui, ce qui les exclut de facto du projet répartiteur ?

C’est cette dernière solution que la Cour de cassation retient en l’espèce. 

En effet, le testateur ne peut, par le testament-partage, répartir que les biens dont il a la propriété et la libre disposition. Ainsi sont exclus de cette répartition les biens d’autrui mais aussi ceux dépendant de la communauté dissoute mais non encore partagée ayant existé entre lui et son conjoint décédé, qui sont indivis entre lui et leurs héritiers. Le testament-partage ne peut donc porter que sur les biens appartenant au testateur et, éventuellement, ceux dont il acquerra la propriété avant son décès.

La sanction ne se fait donc pas attendre et, aux termes de l’article 1423 du Code civil, la Cour de cassation a retenu la nullité des actes car le partage par anticipation de sa succession doit être limité aux biens sur lesquels ils ont la propriété et la libre disposition.

« Le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté. Si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu’autant que l’effet, par l’événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l’effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l’effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l’époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier ».

Or la première chambre civile relève que les deux époux ont intégré des biens communs et que le mari, qui n’avait aucun bien propre, a visé non seulement des biens relevant de la communauté mais également des biens appartenant en propre à son épouse. 

En savoir plus sur les legs de biens communs

L’appréciation du patrimoine successoral et de la part héréditaire de chacun se faisant au moment du décès, on ne doit intégrer que les biens qui répondront à ces exigences. Ainsi, les biens communs ne sauraient y trouver place dès lors que leur attribution est subordonnée au partage, lequel a un résultat incertain et s’opérera ultérieurement. 

Conflit entre un testament et une donation

Quel sort réserver au testament portant sur un bien ayant fait l’objet d’une donation entre le jour de rédaction du testament et le décès ?

Dans son attendu de principe et au visa des articles 1035, 1036 et 1038 du code civil, la Cour de cassation a énoncé le 8 juillet 2015 (Ccass Civ 1ère 8 juillet 2015, n° 14-18.875) que :

« la révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de la rédaction d’un nouveau testament incompatible, de l’aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l’altération volontaire du testament ; »

« Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté »

« Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires. »

« Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l’aliénation postérieure soit nulle, et que l’objet soit rentré dans la main du testateur. »

Rappel des faits

Dans cette espèce, Alain X avait rédigé un testament olographe, en date du 5 décembre 2003, par lequel il léguait à M. F une rente viagère mensuelle de 4.580 € à prélever sur les revenus d’une société civile immobilière (SCI).
Puis, par acte authentique du 28 décembre 2007, Alain X a fait donation à sa fille de la nue-propriété des cent vingt parts de la SCI, avec réserve d’usufruit à son profit, sa vie durant, puis, après son décès, au profit de M. F.  Quelques jours plus tard, le 2 janvier 2008, il est décédé en laissant sa fille pour lui succéder. 

La fille du défunt refusant de délivrer le legs institué par le testament olographe du 5 décembre 2003, le légataire l’a assigné en délivrance de son legs.

Solution retenue par les juges du fond

La Cour d’appel a débouté Monsieur F, estimant qu’il résultait de la correspondance échangée entre Alain X… et son notaire que la volonté du de cujus était de lui constituer une rente de 60 000 euros par an et non pas que celui-ci bénéficie de la rente prévue dans son testament olographe et de la réserve d’usufruit des parts de la SCI, le second devait se substituer au premier. L’acte authentique du 28 décembre 2007 devait alors remplacer le testament olographe qui était fiscalement plus avantageux tout en permettant de maintenir sa volonté.

La Cour d’appel ajoute que l’absence de révocation expresse du testament résultait, soit d’une omission dans l’acte de donation, soit, plus vraisemblablement, de la volonté de procéder à cette révocation par acte séparé, le décès d’Alain X., étant survenu quelques jours à peine après l’en ayant empêché.  

La Cour en a déduit que la donation du 28 décembre 2007 a nécessairement entraîné la révocation des dispositions relatives au legs de la rente mensuelle de 4 580 €, incompatibles avec la constitution d’une réserve d’usufruit portant sur plus de cent-vingt parts de la SCI de Charenton.

En savoir plus sur la révocation du testament

Position de la Cour de cassation

Monsieur F formant un pourvoi en cassation, la Haute Juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel en rappelant au visa des articles 1035, 10366 et 1038 du Code civil, les causes de révocation d’un testament dont ne fait pas partie l’acte de donation, même authentique, portant sur le bien objet du legs.

« Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté »

« Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires. »

« Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l’aliénation postérieure soit nulle, et que l’objet soit rentré dans la main du testateur. »

Quelle est la loi applicable au testament et quelles conséquences ?

Détermination de la loi applicable au testament

Principe de la loi applicable au testament à défaut de choix de loi par le testateur

Le règlement européen sur les successions (n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’une certificat successoral européen) a été adopté afin de simplifier les successions présentant un élément d’extranéité notamment si le lieu de décès du défunt ou une partie de ses biens se situent à l’étranger. Le règlement européen permet alors de déterminer la compétence nationale et la loi applicable à la succession. Il a également introduit le certificat successoral européen délivré par l’autorité chargée de la succession, permettant aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession de prouver leur qualité et exercer leurs droits ou pouvoirs dans un autre pays de l’Union.

Ce règlement, qui harmonise les règles de droit international privé dans l’Union européenne, s’applique à la succession des personnes décédées à compter du 17 août 2015. 

Les successions ouvertes avant le 17 août 2015

Lorsque le testateur est décédé avant le 17 août 2015, le règlement européen (n°650/2012 du 4 juillet 2012) n’est pas applicable. Il faut donc rechercher au cas par cas l’existence d’une convention bilatérale en matière de succession entre la France et le pays dans lequel résidait le testateur à son décès. 

A défaut de convention bilatérale, il convient de se référer aux règles de droit commun du droit international privé français pour désigner la loi applicable à la succession, et donc au testament.

Loi applicable aux meubles

Les successions mobilières sont régies par la loi du dernier domicile du défunt. 

Loi applicable aux immeubles

De l’article 3 alinéa 2 du Code civil, il résulte que les immeubles situés en France même possédés par des étrangers ou des français résidants à l’étranger sont régis par la loi française. Appliqué aux successions internationales, ce texte conduit à poser le principe selon lequel la loi du lieu de situation des biens régit les successions immobilières. 

« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.

Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.

Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »

Loi applicable au testament

Depuis l’entrée en vigueur, le 19 novembre 1967, de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, relative à la loi applicable à la forme des testaments, plusieurs lois peuvent être applicables à la validité formelle du testament (article 1er de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961).

« Une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne :

  1. a) du lieu où le testateur a disposé, ou
  2. b) d’une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  3. c) d’un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou d) du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  4. e) pour les immeubles, du lieu de leur situation.

Aux fins de la présente Convention, si la loi nationale consiste en un système non unifié, la loi applicable est déterminée par les règles en vigueur dans ce système et, à défaut de telles règles, par le lien le plus effectif qu’avait le testateur avec l’une des législations composant ce système.

La question de savoir si le testateur avait un domicile dans un lieu déterminé est régie par la loi de ce même lieu. »

Bien qu’elle ne soit pas visée en tant que telle, la loi successorale (c’est-à-dire la loi du dernier domicile du défunt) est implicitement englobée dans l’énumération.

La loi applicable au fond du testament, c’est-à-dire les dispositions qui sont prises dans le testament, peut être différente de celle applicable à la forme puisque celles-ci devront être conformes à la loi successorale.

Les successions ouvertes après le 17 août 2015

Un objectif essentiel du règlement européen (n°650/2012 du 4 juillet 2012) est d’unifier le traitement d’une succession comportant des biens dans plusieurs pays par les autorités d’un seul pays afin d’éviter l’ouverture de procédures parallèles dans plusieurs pays aboutissant à des décisions de justice éventuellement contradictoires. 

Les règles de compétence énoncées par le règlement européen
  • Article 4 : compétence générale

L’article 4 du règlement prévoit que la dernière résidence habituelle du défunt est le critère d’attribution de compétence générale.

« Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. ».

  • Article 10 : compétence subsidiaire

L’article 10 prévoit une règle de compétence subsidiaire, permettant à un État de l’Union européenne de se déclarer compétent si la dernière résidence du défunt se situe dans un État qui ne fait pas partie de l’Union européenne. Dans ce cas, les juridictions de l’État membre dans lequel se situent ses biens successoraux peuvent se déclarer compétentes sous certaines conditions énoncées par l’article :

« Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dans la mesure où :

le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès; ou, à défaut,

le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle.

Lorsque aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens. »

L’appréciation du critère déterminant : la dernière résidence habituelle du défunt

Le règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012 prévoit, dans ses considérants 23 et 24, la façon de déterminer dans quel État se trouve la « résidence habituelle ».

  • Considérant 23 : identification grâce à un faisceau d’indices

Le considérant 23 prévoit que la dernière résidence habituelle du défunt s’apprécie par le biais d’un faisceau d’indices. Le texte parle d’une :

« Évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès prenant en compte tous les éléments de fait pertinents. ».

Il énumère également une liste non exhaustive d’éléments constitutifs du faisceau d’indices. Sont pris en compte à la fois des indices objectifs, comme la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné, que des indices subjectifs comme les conditions et les raisons de cette présence.

« (23) Compte tenu de la mobilité croissante des citoyens et afin d’assurer une bonne administration de la justice au sein de l’Union et de veiller à ce qu’un lien de rattachement réel existe entre la succession et l’État membre dans lequel la compétence est exercée, le présent règlement devrait prévoir que le facteur général de rattachement aux fins de la détermination, tant de la compétence que de la loi applicable, est la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement. »

  • Considérant 24 : cas complexes

Le législateur européen était soucieux d’assurer qu’un lien de rattachement réel existe entre la succession et l’État membre compétent pour en connaître. C’est pour cette raison qu’il a prévu une disposition spéciale pour les cas où « il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt ».

Le texte cite notamment les cas où le défunt, qui vivait à l’étranger pour des raisons professionnelles, avait toutefois gardé un « lien étroit et stable avec son État d’origine ». Il faudrait alors considérer que sa dernière résidence habituelle se situait dans l’État dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale.

« (24) Dans certains cas, il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d’origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale. D’autres cas complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État. Si le défunt était ressortissant de l’un de ces États ou y avait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait. »

En conclusion, concernant le testament

Si le testateur résidait à titre habituel en France au moment de son décès, la loi française a vocation à s’appliquer au règlement de sa succession, dans son intégralité. 

Si le testateur, de nationalité française, résidait depuis plusieurs années à l’étranger, le règlement européen sur les successions internationales entré en vigueur le 4 juillet 2012 – applicable aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015 – a vocation à s’appliquer et la loi applicable à son testament peut donc ne pas être la loi française. Il faut donc rechercher le lieu de sa « résidence habituelle » au moment de son décès.

Choix de la loi applicable par le testateur

La législation européenne permet au testateur de choisir lui-même dans son testament la loi applicable (Article 22 du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012). Il s’agit d’un autre moyen d’unifier la manière dont les biens seront distribués.

« Choix de loi 

  1. Une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. Une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. 
  2. Le choix est formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulte des termes d’une telle disposition. 
  3. La validité au fond de l’acte en vertu duquel le choix de loi est effectué est régie par la loi choisie. 
  4. La modification ou la révocation du choix de loi satisfait aux exigences de forme applicables à la modification ou à la révocation d’une disposition à cause de mort. »

Ainsi, si le testateur de nationalité française réside à l’étranger, il peut faire le choix de la loi successorale française afin d’éviter l’application du régime de son pays de résidence. 

En définitive, choisir la loi applicable à la dévolution de sa succession revient à choisir la marge de liberté de disposer, en prenant en considération la composition de son patrimoine, le lieu de situation de ses biens immobiliers successoraux et les personnes dont le testateur souhaite en faire bénéficier.  

La loi applicable par le juge français

Le règlement européen sur les successions internationales (n°650/2012 du 4 juillet 2012) pose les règles permettant, d’une part, de définir la loi applicable à la succession et, d’autre part, de déterminer quel juge sera compétent pour statuer sur le litige. 

Par souci de cohérence, le règlement européen tend vers une uniformité des critères de détermination de loi applicable et de juridiction compétente, de sorte que le juge compétent soit amené à appliquer sa propre loi, ce qui est gage de meilleure justice.

« Compétence en cas de choix de loi 

Les juridictions d’un État membre dont la loi avait été choisie par le défunt en vertu de l’article 22 sont compétentes pour statuer sur la succession, à condition :

a) qu’une juridiction préalablement saisie ait décliné sa compétence dans la même affaire, en vertu de l’article 6; 

b) que les parties à la procédure soient convenues, conformément à l’article 5, de conférer la compétence à la ou aux juridictions de cet État membre; ou 

c) que les parties à la procédure aient expressément accepté la compétence de la juridiction saisie. »

Cependant, malgré cette tendance, il est toujours possible qu’un juge soit amené à appliquer une loi étrangère. 

En pareil cas, le rôle des avocats est primordial car il leur appartient de présenter la loi étrangère au juge français, qui, par hypothèse, ne la connaît pas ou peu et dont le rôle n’est pas d’en rechercher le contenu.

L’exhérédation d’un enfant par l’application de loi étrangère

Si la loi applicable à la succession du défunt ne connaît pas le système de la réserve héréditaire ou un mécanisme semblable, alors les enfants du défunt pourraient être déshérités par ce dernier, notamment s’il lègue tous ses biens à un tiers. 

En savoir plus sur la réserve héréditaire

La Cour de cassation a été interrogée sur le point de savoir si un défunt (de nationalité française) pouvait déshériter ses enfants, comme le lui permettait la loi de son dernier domicile. La réponse est sans appel : 

« une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels »

(1ère Civ., 27 septembre 2017, n°16-17.198, Bull. I n°199)

La Cour de cassation relève ensuite que les enfants ne soutenaient pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin, de sorte qu’il n’y a pas lieu à écarter la loi étrangère.

Ainsi, si la loi applicable à la succession le permet, il est possible de déshériter ses enfants. Il appartiendra alors à ces derniers de démontrer qu’ils sont dans une situation de précarité économique ou de besoin. Une telle exception ne s’est toutefois pas encore présentée en jurisprudence. 

En savoir plus sur la possibilité de déshériter ses enfants

Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants

Guide des successions

01

Gérer la succession : les mandataires successoraux

jurisprudences et lois commentées

Droit des successions
Publié le 17 Août 2022

jurisprudences et lois commentées

Droit des successions
Publié le 12 Oct 2022