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Droit de la famille

Divorce : les conventions sur la preuve en matière de contribution aux charges du mariage

Article 214 du Code civil - Sur la notion de contribution aux charges du mariages

Liquidation et partage de régime matrimonial, Unions (mariage / pacs / concubinage), Divorce – Séparation de corps

Enseignement de l'arrêt

Malgré une doctrine mesurée, les futurs époux peuvent – en l’état de la jurisprudence – préciser la notion de contribution aux charges du mariage dans leur contrat et déterminer par exemple quelles dépenses relatives au logement familial donneront lieu à des comptes.

Le domaine de la contribution aux charges du mariage

L’article 214 du Code civil dispose que « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. ».

La notion de contribution aux charges du mariage n’est pas légalement définie et se trouve susceptible de recouvrir toutes les dépenses nécessaires à la vie de la famille : tous les frais indispensables liés au logement, à la nourriture, aux vêtements, aux transports, à l’éducation et à l’entretien des enfants intègrent cette notion.

La jurisprudence a eu l’occasion à de nombreuses reprises d’affiner cette notion de contribution aux charges du mariage et de préciser les frais devant être considérés à ce titre.

Quelques exemples :

  • le remboursement de l’emprunt relatif au domicile conjugal est considéré depuis plusieurs années par la Cour de cassation comme relevant de la contribution aux charges du mariage ;
  • même chose pour une résidence secondaire pour laquelle un arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 2018 (°17-25858) confirme que le financement d’un bien immobilier destiné à l’usage de la famille – même s’il ne constitue pas le domicile de la famille – peut-être inclus dans la contribution de l’époux aux charges du mariage, dès lors que sa participation n’a pas excédé ses facultés contributives ;
  • refus  en revanche de faire rentrer dans cette notion de contribution aux charges du mariage l’acquisition d’un appartement qui n’est pas destiné à l’usage de la famille mais à la location (Cass. 1ère civ. 5 octobre 2016 n° 15-25.944).

La clause relative à la contribution aux charges du mariage dans les contrats de mariage et la neutralisation des créances entre époux

Pendant de nombreuses années, la pratique notariale consistait à établir dans les contrats de mariage de séparation de biens, une présomption conventionnelle dans une clause quasi automatique : « Chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre ». 

Cette clause avait pour but de minimiser les sources de contentieux et de pacifier ainsi les relations entre les époux. Les époux ignoraient alors les importants enjeux cachés derrière cette clause, une fois réinterprétée par la Cour de cassation 

Considérant d’abord que les clauses relatives aux contributions aux charges du mariage instauraient une simple présomption, la Cour de cassation est venue – au fil de sa jurisprudence – renforcer le caractère de la clause, en lui reconnaissant un caractère irréfragable, c’est-à-dire rendant irrecevable juridiquement la preuve contraire.

L’impact de la réforme du droit des contrats sur les présomptions contributives des époux

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a conservé la possibilité d’aménager conventionnellement les règles de preuve, mais a supprimé la faculté des parties de conférer un caractère irréfragable à la présomption (article 1356 Code civil). 

Un débat a donc eu lieu sur la survie de la jurisprudence de la Cour de cassation au sujet du caractère irréfragable de la clause conventionnelle relative aux charges du mariage. Or, ce que le texte interdit formellement est la création d’une présomption irréfragable conventionnelle « au profit d’une seule partie ». La clause conventionnelle présente dans les contrats de mariage s’applique aux deux époux et non pas à un seul d’entre eux et se trouve dès lors validée.

Une partie de la doctrine maintient toutefois que le texte doit être interprété dans un sens où un contrat ne peut établir une présomption irréfragable quand bien même cette présomption bénéficierait à l’ensemble des parties. Elle considère ainsi que la clause habituelle des contrats de mariage serait proscrite depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016. La présomption serait ainsi seulement simple, permettant aux époux d’apporter la preuve que leurs conjoints n’ont pas contribué ou pas suffisamment. 

À ce jour, il n’existe aucune jurisprudence en ce sens tranchant spécifiquement cette question sur le fondement de l’article 1356 du Code civil.

La rédaction de la clause sur la contribution aux charges du mariage

Afin de ne pas subir une jurisprudence non désirée et encore susceptible d’évolution, les futurs époux peuvent préciser la notion de contribution aux charges du mariage dans leur contrat et déterminer par exemple quelles dépenses relatives au logement familial donneront lieu à des comptes. 

Attention : une partie de la doctrine reste mesurée sur de telles précisions apportées au contrat de mariage et s’interroge sur l’intégration de la notion de contribution aux charges dans le domaine impératif du statut primaire posé par l’article 226 du Code civil (qui dispose que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux »).

Cependant, ce texte pose le principe de l’impérativité des dispositions du statut primaire et une exception relative à la liberté conventionnelle lorsque celle-ci est prévu par les textes. Or l’article 214 du Code civil ne réserve la liberté conventionnelle qu’en ce qui concerne l’aménagement du règlement de sa contribution et non sa définition. Dès lors, la doctrine appelle à une certaine prudence sur l’usage de cette clause et des aménagements conventionnels réalisés. 

En pratique cependant, aucune jurisprudence de la Cour de cassation ne remet aujourd’hui en cause la rédaction retenue par des époux de la clause relative à la contribution aux charges du mariage. Il est évidemment nécessaire de surveiller si la Haute juridiction retiendra – lorsqu’une telle question lui sera posée –  une lecture rigoureuse des termes de l’article 214 du Code civil.

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