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Droit des successions

Reconnaissance judiciaire et fiscalité du don manuel et de la donation rémunératoire

CA Montpellier, 16 juin 2022, n°16/05.794

Patrimoine - Fiscalité, Liquidation et partage de successions, Anticipations de successions

Enseignement de l'arrêt

Le critère de la reconnaissance judiciaire du don manuel est la reconnaissance sans ambiguïté  dans son dispositif ou dans ses motifs de sa qualité de don manuel.

Rappel et particularités des dons manuels et des donations rémunératoires

Les dons manuels

Le don manuel est une donation qui se réalise par la remise d’une chose mobilière qui peut être transmise sans formalisme légal. Le don n’est pas nécessairement transmis de main en main mais peut consister en un virement, une inscription en compte…

L’acceptation du don manuel échappe à tout formalisme et ne peut qu’être tacite. La bonne réception sans contestation permet ainsi le plus souvent de caractériser le don manuel

Fiscalement, le don manuel reste une mutation à titre gratuit, soumise à l’impôt afférent.

Pourtant, l’absence de formalisme civile a parfois persuadé le contribuable de ne pas déclarer la donation évitant ainsi sa fiscalité. 

Conscient de la manne financière ainsi perdue, le législateur a mis en place l’article 757 du Code général des impôts permettant de taxer les dons manuels dès lors qu’ils font l’objet d’une reconnaissance judiciaire.

Celui-ci dispose : 

« Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit. (…) ».

Les donations rémunératoires

La donation rémunératoire emporte le même principe que le don manuel, à l’exception près que l’intention libérale est exclue :  cette donation est justifiée par la volonté de récompenser des services rendus. Elles ne sont alors pas taxables par l’administration fiscale.

Attention cependant, si les services rendus ne sont pas appréciables en argent ou que la donation est supérieure à ce qu’aurait pu espérer le donataire, il est possible qu’elle soit considérée comme un don manuel qui pourrait faire l’objet d’une taxation en cas de reconnaissance judiciaire

Précisons alors que seul l’excédent de la valeur sera soumis aux droits de mutation.

Précisions apportées sur la reconnaissance judiciaire des dons manuels

La Cour d’Appel de Montpellier est venue apporter des précisions dans le cadre d’un arrêt récent du 12 octobre 2022 n°20/21016, notamment sur le critère permettant de caractériser de la reconnaissance judiciaire

Dans son raisonnement, la Cour d’appel précise dans un premier temps que pour que le don manuel soit taxé, la décision de justice rendue relative au don litigieux doit déclarer ou reconnaître sans ambiguïté dans son dispositif ou dans ses motifs, une qualification de don manuel ou une transmission de la propriété à titre de libéralité. 

Dès lors, la simple mention dans une décision de justice de la somme constituant le don manuel, comme c’était le cas en l’espèce, ne suffit pas à permettre à l’administration fiscale de taxer la somme perçue par le donataire.

Ce nouveau critère vient s’opposer quelque peu à la portée de l’article 757 du CGI telle qu’élargie par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 février 2012 par la chambre commerciale : 

« l’article 757 du CGI donne pour base à la perception du droit le fait seul que le don manuel a été déclaré ou reconnu par le juge dans une décision qui, sans produire les effets légaux d’un titre valable, suffit cependant pour établir, au point de vue de la loi fiscale et à l’égard du donataire, la transmission de la propriété mobilière»   

Dans la suite de l’arrêt étudié, la Cour d’appel ne fait que rappeler le droit positif relatif aux donations rémunératoires, confirmant la lignée jurisprudentielle établie par la Cour de cassation : une donation rémunératoire est caractérisée dès lors qu’elle repose sur la rémunération des services rendus au défunt. Les juges ont dès lors contrôlé la proportionnalité des sommes perçus par rapport aux services rendus afin de reconnaître la qualification de donation rémunératoire à la somme assez conséquente qui a été remise au donataire. 

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