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Droit des successions

Avance successorale / partage par provision : quels rapport et intérêts ?

Cass. civ. 1ère, 12 oct. 2022, n°21-11.223

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

  • Tout héritier doit rapporter à la succession les sommes dont il est débiteur, y compris les avances successorales accordées par le Président du Tribunal judiciaire.
  • Les avances reçues par un héritier et dont il est débiteur à l’égard de la succession portent intérêts.

Faits de l’espèce

1- Deux époux décèdent respectivement les 2 décembre 1993 et 3 mars 1997. Ils laissent pour leur succéder leurs trois enfants M U et X et deux petits-enfants N et T venant en représentation de leur père prédécédé. 

Par ordonnance du 17 octobre 2000, le président d’un tribunal de grande instance, saisi sur le fondement de l’article 815-11, alinéa 4, du code civil, autorise le Notaire chargé du règlement amiable des successions à remettre à N et T (petits-enfants venant en représentation de leur père décédé) une somme de 400 000 francs (60 979,61 €) chacun, à valoir sur leurs droits dans la succession de leurs grands-parents.

« Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

A défaut d’autre titre, l’étendue des droits de chacun dans l’indivision résulte de l’acte de notoriété ou de l’intitulé d’inventaire établi par le notaire.

En cas de contestation, le président du tribunal de grande instance peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive.

A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l’indivisaire dans le partage à intervenir ».

L’un des enfants – X – décède le 10 juillet 2013, sans héritier réservataire.

En parallèle, une procédure en comptes liquidation et partage pour le règlement des successions est initiée. Dans ce cadre, le Notaire commis pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage dresse un procès-verbal de difficultés le 18 décembre 2015.

2- L’un des enfants des défunts – M – critique le traitement de l’avance successorale consentie aux deux petits enfants. 

L’ordonnance précisait que les sommes attribuées à titre de provision produiraient intérêts au taux légal au profit de la masse successorale à compter du partage. 

L’héritier M critique la décision en considérant que :

  • l’héritier qui se fait accorder une avance à valoir sur ses droits dans le partage – sur le fondement de l’article 815-11 du Code civil – contracte envers ses coïndivisaires une dette dont il doit le rapport ;
  • les intérêts des choses sujettes à rapport sont dus de plein droit à compter du jour de l’ouverture de la succession.

La Cour d’appel considère que l’avance attribuée par le Président du tribunal de grande instance d’Annecy (dans son ordonnance du 17 octobre 2000) ne constituait pas une chose sujette à rapport et qu’il avait pu faire courir les intérêts au taux légal sur celle-ci à la date du partage.

L’héritier en tirait une violation des articles 815-11 du Code civil et 856 (ancien) du même code. 

« Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

A défaut d’autre titre, l’étendue des droits de chacun dans l’indivision résulte de l’acte de notoriété ou de l’intitulé d’inventaire établi par le notaire.

En cas de contestation, le président du tribunal de grande instance peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive.

A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l’indivisaire dans le partage à intervenir ».

« Les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu’à compter du jour de l’ouverture de la succession ».

Réponse de la Cour de cassation

Avance successorale : dette de l’héritier bénéficiaire sujette à rapport

Au regard des articles 829 et 856 du Code civil (dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006), la Cour de cassation rappelle que :

  • tout héritier doit rapporter à la succession les sommes dont il est débiteur ;
  • toute dette sujette à rapport porte de plein droit intérêt à compter, soit de l’ouverture de la succession, soit, lorsque la dette est née postérieurement, de la date de sa naissance.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et précise que l’héritier qui se voit consentir une avance successorale sur le fondement de l’article 815-11 du Code civil contracte une dette sujette à rapport. 

« Chaque cohéritier fait rapport à la masse, suivant les règles qui seront ci-après établies, des dons qui lui ont été faits, et des sommes dont il est débiteur. »

Depuis la loi du 23 juin 2006, l’article 856 du Code civil a été modifié : il est désormais précisé que les intérêts ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est déterminé.

« Les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l’ouverture de la succession.

Les intérêts ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est déterminé ».

Intérêts produits par les avances en capital et rappel de la règle procédurale applicable

La Cour de cassation ne tranche pas sur le fond la question des intérêts produits par les avances en capital, puisque l’héritier contestataire n’avait pas évoqué ce point dans le cadre du procès-verbal de difficultés établi par le Notaire. 

En revanche, elle rappelle à cette occasion une règle procédurale importante : les sujets non évoqués dans le procès-verbal de difficultés qui aurait fait l’objet d’un rapport du juge commis ne peuvent être évoqués ensuite devant le Tribunal et doivent être considérés comme irrecevables.

La demande formée (tendant à ce qu’il soit dit que les deux sommes de 60 976,61 € encaissées par les petits-enfants à titre d’avance successorale produiront intérêts au taux légal au profit de la masse successorale) est donc déclarée irrecevable. 

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