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Forme juridique de l’entreprise

Participation aux bénéfices, exposition aux risques, cogestion, séparation de l’exercice professionnel, fiscalité de l’entreprise et du foyer, etc. Le choix de la forme sociale de l’entreprise est autant dirigé par l’intérêt autonome de la société que par sa relation avec les époux.

Entre l’exercice en nom propre qui mutualise immédiatement et totalement toute la vie professionnelle des époux et la société anonyme à conseil de surveillance qui garantit une quasi-étanchéité, le droit français offre une palette importante d’entreprises dont les époux doivent saisir l’importance matrimoniale.

En savoir plus sur les différentes formes d'entreprises

Place du conjoint au sein de l’entreprise

La renonciation de l’époux non-entrepreneur à revendiquer la qualité d’associé

Le conjoint non-entrepreneur peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales acquises ou créées à l’aide de fonds communs.

En savoir plus sur la faculté de revendication du conjoint non-entrepreneur de la qualité d'associé

Ce dernier peut renoncer définitivement à revendiquer cette qualité, par écrit, dès l’apport ou l’acquisition des parts sociales.

Le choix du statut du conjoint du chef d’entreprise

Depuis la loi n° 2005-882 du 2 août 2015, le conjoint du chef d’entreprise qui travaille de manière régulière dans l’entreprise artisanale, commerciale ou libérale de ce dernier doit obligatoirement choisir le statut qui déterminera ses droits et obligations professionnels et sociaux.

En savoir plus sur les différents statuts du conjoint du chef d'entreprise

Ce choix doit faire l’objet d’une déclaration par le chef d’entreprise auprès du centre des formalités des entreprises (CFE) dans un délai de deux mois à compter de la première participation du conjoint, étant précisé qu’il existe trois possibilités (article L. 121-4 I du Code de commerce) :

  • Le statut du conjoint collaborateur,
En savoir plus sur le statut du conjoint collaborateur
  • Le statut du conjoint salarié,
En savoir plus sur le statut du conjoint salarié
  • Le statut du conjoint associé.
En savoir plus sur le statut du conjoint associé

À défaut de choix, le conjoint du chef d’entreprise sera automatiquement soumis au statut du conjoint salarié depuis l’entrée en vigueur de la loi dite « PACTE » (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) du 24 mai 2019, étant précisé qu’une modification de statut est possible.

La soumission à agrément de l’entrée du conjoint non-entrepreneur au sein du capital social

En présence de parts sociales communes, le conjoint de l’époux chef d’entreprise a la possibilité de revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des titres financés à l’aide de fonds communs.

En savoir plus sur la revendication de la qualité d'associé par le conjoint de l'époux chef d'entreprise

S’agissant d’actions communes, le conjoint du chef d’entreprise ne peut revendiquer la qualité de co-actionnaire, mais garde la possibilité de formuler une demande d’attribution des titres sociaux.

En savoir plus sur la demande d'attribution de titres sociaux

Si la revendication ou la demande d’attribution se fait après la souscription ou l’acquisition des actions ou parts sociales, il est nécessaire de vérifier la présence d’une clause d’agrément dans les statuts de la société, susceptible de limiter, voire d’empêcher l’entrée du conjoint du chef d’entreprise dans le capital social.

En savoir plus sur la revendication d'actions ou parts sociales et la clause d'agrément

Comme le souligne Monsieur Patrice ROND, dans son ouvrage dédié au divorce du chef d’entreprise :

 « Lorsque les statuts de la société de personnes comportent une clause d’agrément, les associés ont deux possibilités : soit agréer les deux conjoints ou les écarter. En revanche, si le conjoint préalablement informé par son époux associé de la faculté dont il dispose de devenir également associé, renonce à cette qualité, sa renonciation est alors définitive ».

Organisation du fonctionnement des organes sociaux

L’intérêt autonome de l’entreprise est d’éviter toute paralysie de ses organes de gestion en cas de divorce ou simplement de mésentente entre époux actionnaires ou associés.

Statuts

Ce risque de blocage au moment du divorce peut être maîtrisé en organisant le mode de gouvernance au sein des statuts de la société.

En cas d’indivision sur les parts sociales ou actions, les statuts peuvent prévoir :

  • la désignation nominative d’un seul des époux,
  • la ventilation rigoureuse de leurs rôles et pouvoirs respectifs,
  • la nomination d’un tiers administrateur en cas de conflit,
  • etc.

Les pactes d’actionnaires

Les pactes d’actionnaires sont également de précieux outils. Une attention particulière peut être portée à la clause dite de « buy or sell ». Elle prévoit qu’en cas de mésentente renforcée entre les époux actionnaires (exemple : tenue de plusieurs assemblées consécutives sans qu’aucune décision n’ait pu être prise), chacun d’eux aura la possibilité de proposer à son conjoint soit de lui vendre sa propre participation, soit de racheter la sienne. 

L’époux qui prend l’initiative propose un prix en se plaçant en situation de vendeur, ce qui permet à la société de bénéficier de la présence d’un actionnaire majoritaire (l’époux acquéreur) en préservant les intérêts de l’époux vendeur.

Enfin, il est primordial de sécuriser à l’aide de contrats le droit d’utiliser les actifs de la société (exemple : résidence de la famille dans un bien détenu par une SCI).

La sécurisation des actifs nécessaires à l’entreprise

Certains actifs nécessaires à l’exploitation de l’entreprise peuvent être la propriété des conjoints (achat de l’immobilier d’exploitation par une SCI détenue également par le conjoint non dirigeant ou dépôt des marques commerciales ou des brevets au nom des personnes physiques).

Il est impératif pour l’époux chef d’entreprise ou cadre dirigeant et la société elle-même de s’assurer que l’entreprise bénéficie d’un droit de jouissance pérenne sur ces actifs afin de ne pas mettre en danger son activité en cas de mésentente ou au moment du divorce. La conclusion de contrats spécifiques à chacun de ces actifs est un outil aussi simple que suffisant : prêt, location, droit d’usage, redevance, constituent des mécanismes civils résistants au divorce des entrepreneurs. 

Utilisation de fonds personnels ou propres lors de la création ou de l’acquisition des titres sociaux

Sous le régime de la séparation de biens, l’époux chef d’entreprise doit être attentif aux fonds servant à l’acquisition d’une entreprise. Par souci de clarté, il doit utiliser un compte bancaire personnel, sur lequel ne transitent pas les dépenses relatives aux charges du mariage ou les revenus de type « prestations sociales », remboursements médicaux, crédits d’impôts, etc.

S’agissant de la communauté, s’il souhaite que son entreprise soit qualifiée de propre, l’époux chef d’entreprise ou cadre dirigeant doit se ménager la preuve qu’il a créé ou acquis les titres sociaux à l’aide de fonds propres.

Dans le même ordre d’idée, l’époux chef d’entreprise alimentera le compte courant d’associé par des fonds propres.

La présence d’une clause d’emploi ou de remploi reste dans tous les cas le meilleur garant de la qualification de bien propre.

Séparation contractuelle de l’activité professionnelle et de la vie familiale

Les époux peuvent également anticiper les difficultés et refuser de signer, chaque fois que cela est possible, les cautions et engagements pour leur propre activité professionnelle ou celle de leur conjoint.

Transmission de l’entreprise aux enfants

Préservation de l’entreprise dans la crise conjugale

La transmission des titres sociaux aux enfants des époux afin de maintenir un contrôle familial de la société et préserver la société en cas d’éventuelle crise conjugale est un outil efficace mais sensible.

L’époux chef d’entreprise ou cadre dirigeant peut recourir à une donation.

  • En présence d’un seul enfant, il s’agira d’une donation simple,
  • En présence de plusieurs enfants, sera privilégiée une donation-partage. Dans ce cas, les biens transmis sont évalués au jour de l’acte de donation partage (et non au décès du donateur). 
NE PAS CONFONDRE

Donation simple : elle permet de transmettre à une personne des biens. L’intervention d’un notaire n’est pas obligatoire. Il suffit de remplir une déclaration fiscale et de régler, le cas échéant, les droits de mutation.

Donation-partage : elle permet de transmettre et de répartir entre ses héritiers, du vivant du donateur, les biens de sa future succession, par acte notarié. La valeur des biens est figée au jour de la donation. Au décès du donateur, aucune réévaluation des biens n’aura lieu, ce qui n’est pas le cas dans une donation simple (article 1078 du Code civil).

« Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent. »

Il est possible de transmettre les titres sociaux à l’ensemble de ses enfants ou seulement à un seul d’entre eux, les autres enfants recevant d’autres biens.

Si l’entreprise constitue une part substantielle du patrimoine du chef d’entreprise ou cadre dirigeant, l’enfant repreneur devra indemniser ses frères et sœurs en leur réglant une somme d’argent (nommée « soulte »), étant précisé que des délais de paiement peuvent lui être accordés).

Une alternance existe via la renonciation anticipée à l’action en réduction. Il s’agit pour un ou plusieurs héritiers à renoncer à leur droit d’agir à l’encontre d’un autre héritier dont la part empièterait sur leur réserve. L’importance de cette renonciation explique qu’elle nécessite un acte notarié établi par deux notaires.

Intérêt fiscal de la transmission

Fiscalement, l’opération bénéficie des exonérations d’impôt à hauteur d’un abattement de 100.000 € par parent et par enfant tous les 15 ans.

Exemple : en présence d’une entreprise évaluée à la somme de 200.000 € en présence de deux enfants au moins, l’opération ne générera pas de droit de mutation.

Au-delà, il est possible d’échelonner la transmission de l’entreprise aux enfants afin d’optimiser au maximum l’abattement applicable en cas de transmission parent / enfant qui se renouvelle tous les 15 ans.

Pacte « DUTREIL »
Définition

Les enfants peuvent également conclure un pacte « DUTREIL » afin de bénéficier d’un régime fiscal de faveur, dont le régime a été assoupli par la loi de finances n° 2018-1317 pour 2019 du 28 décembre 2018. 

Ce dispositif permet de faire bénéficier dans le cadre de la transmission par donation ou succession de titres sociaux (parts sociales ou actions) et des entreprises individuelles d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75% de sa valeur. La transmission peut s’opérer en pleine propriété ou dans le cadre d’un démembrement de propriété (nue-propriété / usufruit).

Conditions

Pour bénéficier du pacte « DUTREIL », plusieurs conditions doivent être réunies :

  • L’activité de la société doit être : industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;
  • Les titres doivent faire l’objet d’un engagement de conservation de deux ans ;
  • L’engagement collectif doit porter sur une quotité minimum de droits dans la société : depuis le 1er janvier 2019, il est prévu que l’engagement porte sur :
    • s’agissant des entreprises non-cotées : 
      • au moins 17 % des droits financiers,
      • 34 % des droits de vote,
    • s’agissant des sociétés cotées :
      • 10 % des droits financiers,
      • 20 % des droits de vote.
  • Au jour de la transmission, l’engagement collectif doit en principe être en cours, et chacun des bénéficiaires doit prendre dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, un engagement individuel de conservation des titres pour une durée de 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;
  • L’un des bénéficiaire ayant pris cet engagement individuel ou l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif, doit exercer dans la société pendant toute la durée de l’engagement collectif et durant 3 ans à compter de la transmission, son activité professionnelle principale (si la société est soumise à l’impôt sur le revenu) ou l’une des fonctions de direction (si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés) dans ladite société.

La loi de finance de 2019 a prévu qu’un associé unique, qui remplit à lui seul toutes les conditions précitées, peut bénéficier du pacte « DUTREIL », ce qui ouvre ce dispositif à l’ensemble des sociétés unipersonnelles (EURL, EARL, SASU, etc.).

BILAN

Date de la création ou de l’acquisition des titres sociauxPreuve de l’origine des fondsNécessite une attention particulière ?
Avant le mariagePas nécessaireNon
Sauf modification du capital
Pendant le mariage (avant date des effets du divorce)Pas de clause d’emploi ou de remploiOui
Après la date des effets du divorceSi issus de fonds perçus aprèsNon
Après la date des effets du divorceSi issus de fonds non partagés entre épouxOui

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