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Droit du patrimoine

La clause d’inaliénabilité dans l’acte de donation : portée et limites

Cass. civ. 3e, 30 janv. 2020, n°18-25.381

Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières

Enseignement de l'arrêt

Une promesse synallagmatique conclue alors que le bien immobilier se trouve frappé d’une clause d’inaliénabilité peut valablement produire ses effets lorsque l’inaliénabilité a disparu avant la régularisation de l’acte authentique censé transférer la propriété.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est intéressée le 30 janvier 2020 aux possibilités laissés par l’insertion d’une clause d’inaliénabilité au sein d’une donation

La clause d’inaliénabilité est une clause par laquelle le donateur impose au donataire de ne pas vendre ni donner le bien reçu. Justifiée par la volonté de conserver le bien au sein de la famille ou de se prémunir contre la légèreté d’un héritier, cette clause, usuelle en matière de donations, doit cumulativement être temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime, en vertu de l’article 900-1 du Code civil. 

« Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige. 

Les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou mêmes à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales. »

Néanmoins, bien que sa rédaction initiale puisse être valable, une telle clause peut être mise en échec lorsque le donataire prouve que l’intérêt sérieux et légitime a disparu ou qu’un intérêt plus important l’exige. 

En l’espèce, des parents ont donné à leur enfant une parcelle de terrain en stipulant une interdiction de vendre et d’hypothéquer ladite parcelle, formalisée par une clause d’inaliénabilité, ainsi qu’un droit de retour conventionnel au profit du donateur. 

Par acte authentique du 25 avril 2017, l’enfant propriétaire a consenti à un couple une donation portant sur cette parcelle de terrain, qui était donnée à bail à un tiers depuis le 31 décembre 2005. 

Or, le preneur (locataire) de cette parcelle s’est prévalu d’une promesse de vente que lui avait consentie le 9 mai 2007 par le propriétaire du terrain pour assigner ce dernier et le couple donataire en annulation de la donation, qui constituerait selon lui une vente déguisée, et en paiement de dommages et intérêts. 

La Cour d’appel de Nancy, dans un arrêt du 28 juin 2018, a annulé la donation du 25 avril 2014 et a déclaré le locataire propriétaire de la parcelle.  

Elle a en effet relevé que la promesse synallagmatique de vente conclue entre le propriétaire et le preneur n’était pas assortie de condition lui faisant encourir la caducité, que les parties n’avaient pas entendu la dénoncer et qu’aucun délai n’avait été convenu pour la régularisation de l’acte authentique et qu’au jour où le propriétaire avait consenti la donation de la parcelle au couple, l’obstacle juridique à sa régularisation par acte authentique que constituait la clause d’inaliénabilité et le droit de retour avait disparu du fait du décès antérieur du dernier des parents du propriétaire. 

Elle a alors déduit que les parties demeuraient engagées par cette promesse au moment où la donation est intervenue et que, passée en méconnaissance de la vente convenue et en fraude des droits de l’acquéreur, la donation consentie au couple devait être annulée et les parties remises dans l’état antérieur. 

La Cour de cassation a confirmé ce raisonnement et rejeté le pourvoi. 

L’absence de publication de la promesse synallagmatique de vente explique en l’espèce qu’au moment de sa signature, la clause d’inaliénabilité ait été passée sous silence et que, par la suite, la régularisation n’ait pas eu lieu. 

Ainsi, la promesse synallagmatique de vente se trouve rétroactivement validée par le décès des parents donateurs qui rend la condition sans objet, peu importe qu’aucune condition suspensive n’ait figurée au sein de la promesse, peu importe qu’elle ait porté sur une chose inaliénable. 

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