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Peut-on organiser librement ses funérailles par testament ?

Une liberté individuelle à organiser ses funérailles par testament

Principe d’une liberté testamentaire

Toute personne peut prendre des dispositions pour organiser à son décès la dévolution de son patrimoine – ce qui correspond à l’objet classique d’un testament – mais son contenu peut également prévoir l’organisation de ses funérailles jusque dans les moindres détails.

En savoir plus sur la rédaction d'un testament

De manière générale, le testament qui se définit comme « un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer » peut d’ailleurs prévoir de très nombreuses autres dispositions extra-patrimoniales.

Cette liberté d’organiser ses funérailles est très ancienne. Elle a été consacrée par l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887.

Ainsi, est reconnu le droit absolu pour chaque individu, qu’il soit majeur ou mineur émancipé, de décider de ce qu’il adviendra de son corps après décès.

« Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture.

Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l’exécution de ses dispositions.»

Étendue de la liberté testamentaire

Principe

La liberté testamentaire est très large : elle s’étend de la désignation du caractère du rite (civil ou religieux) au mode de sépulture (inhumation, crémation, dans la limite des rites permis, la cryogénisation étant par exemple interdite en France), en passant par la désignation d’une personne chargée de veiller à la bonne exécution desdites dispositions. 

L’intervention de ce proche de confiance doit être conciliée avec la désignation éventuelle d’un exécuteur testamentaire dont la mission est de veiller au respect des dispositions testamentaires et de la volonté du défunt. 

En savoir plus sur le rôle de l'exécuteur testamentaire

L’article 1027 du Code civil permet à un testateur de désigner un ou plusieurs exécuteurs testamentaires dont « l’un d’eux peut agir à défaut des autres, à moins que le testateur en ait disposé autrement ou qu’il ait divisé leur fonction ».

« S’il y a plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant, l’un d’eux peut agir à défaut des autres, à moins que le testateur en ait disposé autrement ou qu’il ait divisé leur fonction. »

Il en résulte que cette personne nommément désignée peut voir sa mission limitée à l’organisation des obsèques et qu’elle peut agir de manière exclusive des autres exécuteurs testamentaires.

Illustration : le rapatriement du corps

Il est par exemple possible pour une personne étrangère décédée en France de prévoir le transfert de son corps dans son pays natal. 

Deux accords internationaux relatifs au transport international du corps des personnes décédées signés et ratifiés par la France – l’Arrangement de Berlin de 1937 et l’Accord de Strasbourg de 1973 – régissent les transports internationaux des corps des personnes décédées. 

Lorsque le pays de destination du corps est signataire de l’un ou l’autre de ces textes, des formalités administratives spécifiques sont appliquées (par exemple, l’utilisation obligatoire d’un cercueil métallique hermétiquement clos). En dehors de ce cadre, chaque pays fixe librement les conditions d’entrée ou de transit du corps d’une personne décédée sur son territoire (Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 30/12/2010 – page 3364).

En France, l’inhumation doit avoir lieu 24 heures au moins et 6 jours ouvrables au plus après le décès. Il faut donc prendre contact rapidement avec une entreprise de pompes funèbres, qui s’occupera des démarches administratives car le transport du corps à l’étranger ne peut être réalisé par la famille elle-même. 

A l’inverse, pour un décès survenu à l’étranger, le rapatriement du corps en France peut s’effectuer avec l’assistance des services consulaires ou de l’Ambassade.  

Tous les frais liés au rapatriement de la dépouille ou des cendres sont à la charge de la famille. 

Une liberté individuelle relevant d’une loi de police

Une liberté reconnue à tout résident en France

La loi du 15 novembre 1887 ne pose aucune condition liée à la personne, hormis celle de l’âge ou de l’émancipation. Il s’agit d’une loi de police applicable à toute personne décédant sur le territoire français, peu importe sa nationalité.

C’est en ce sens que dans un arrêt du 19 septembre 2018 (civ.1, n°18-20693), la Cour de cassation a rappelé que « la liberté d’organiser ses funérailles ne relève pas de l’état des personnes mais des libertés individuelles et que la loi du15 novembre 1887, qui en garantit l’exercice, est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui décède sur le territoire français ». 

Une liberté individuelle protégée pénalement

Cette liberté fait l’objet d’une protection particulière puisqu’il existe un délit spécial insérée au code pénal dans le titre des atteintes à l’état civil de personnes à l’article 433-21-1 du Code pénal.

« Toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance, sera punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »

Comment organiser les funérailles à défaut de testament ?

Une organisation contractuelle

Le contrat de prévoyance obsèques

La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles pose comme principe que la volonté personnelle du défunt peut aussi s’exprimer autrement que par un testament. Elle n’en sera pas moins valide et prise en compte.

« [l]a volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu’une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation ».

Aucune condition de forme n’est exigée. Il faut seulement que la manifestation de la volonté soit claire et expresse.

Il n’est ainsi pas rare de vouloir anticiper ses funérailles en souscrivant un contrat de prévoyance funéraire mentionnant des dispositions relatives aux obsèques.

Comment procéder en cas de contrariété entre les volontés exprimées par le défunt ?

Comment concilier un contrat de prévoyance obsèques avec un testament prévoyant des modalités différente ou l’expression d’une volontaire contraire ? 

Par un arrêt du 11 mars 1997, la Cour de cassation a tranché un litige entre les Pompes funèbres générales et un époux survivant qui se prévalait d’une lettre, postérieure de trois ans, au contrat souscrit par la défunte et qui prévoyait des vœux contraires (civ.1, 11 mars 1997, n° 95-14.164) 

La cour a débouté le conjoint survivant aux motifs que « selon l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887, la révocation par la défunte de sa volonté exprimée quant aux modalités de ses obsèques ne pouvait résulter que de son intention, clairement manifestée, de la rétracter ». Or, les juges du fond avaient estimé que cette lettre était insuffisante pour établir l’intention clairement manifestée de la défunte de rétracter ses volontés antérieures. 

Au contraire, la Cour d’appel de Paris a déjà retenu la faute et la responsabilité des pompes funèbres dans un cas où l’entreprise avait considéré devoir appliquer un principe de précaution en inhumant le corps – une mesure réversible- dans la mesure où la défunte n’avait pas précisé dans son contrat funéraire les modalités de ses funérailles. Elle avait, ce faisant, ignoré les vœux formulés par une personne qui s’était présentée pour faire valoir les volontés de la défunte en vue d’une incinération. 

La recherche de l’intention du défunt

A défaut de toute manifestation expresse et écrite de la volonté du défunt, la mésentente entre les héritiers peut conduire à saisir la justice. Les juges devront alors rechercher par tout moyen les intentions du défunt quant à ses funérailles. S’il n’y parvient pas, il désigne la personne de l’entourage du défunt qui lui semble la mieux qualifiée pour décider des modalités. Le choix est fondamental puisqu’elle décide de l’intégralité du rite funéraire.

La famille la plus proche est considérée en premier lieu comme la plus légitime et la plus à même d’en avoir discuté avec le défunt. Les juges peuvent ainsi retenir l’avis de la veuve du défunt (Voir notamment l’arrêt : civ.1, 30 avril 2014, n°13-18951 pour une veuve avec laquelle le défunt avait vécu 30 ans, eu 4 enfants et dont les liens affectifs n’étaient pas remis en cause). L’opinion de la mère du défunt peut aussi être retenue du fait d’une relation affective forte et constante (TGI Lille, 23 septembre 1997). 

Autre exemple : au décès de Monsieur X, ressortissant marocain domicilié en France, sa concubine et ses deux enfants, issus d’une précédente union, prévoyaient une célébration religieuse dans une église catholique ainsi que l’incinération de sa dépouille, à laquelle la mère du défunt et ses frères et sœurs s’opposaient pour des raisons religieuses.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la mère du défunt (civ.1, 19 septembre 2018, n°18-20693) car sans disposer d’écrit, la Cour d’appel avait correctement recherché par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt relativement à l’organisation de ses funérailles. C’est sur la base de témoignages que les juges du fond ont pu considérer que Monsieur X disait vouloir laisser le choix à ses enfants et à sa compagne de la manière dont ils l’accompagneraient lors de son décès et que l’incinération de Monsieur X. était bien conforme à ses volontés.

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