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Succession

La prescription d’une action en réduction des libéralités excessives

Liquidation et partage de successions

Précisions sur la réforme du 23 juin 2006 concernant l’article 921 alinéa 2 du Code civil soulevant la question suivante : l’action en réduction des héritiers est-elle éteinte par la prescription s’ils découvrent une libéralité excessive à l’issue des cinq ans ?

Lors de l’ouverture d’une succession, les héritiers réservataires sont parfois surpris lorsqu’ils apprennent que le de cujus a consenti des libéralités dont ils n’avaient pas connaissance. 

Ces libéralités consenties à d’autres personnes que les réservataires deviennent problématiques lorsqu’elles excèdent la quotité disponible de l’actif successoral et empiètent sur la réserve héréditaire. 

S’ouvrent alors deux possibilités : 

  • soit les réservataires ont connaissance de l’existence de ces libéralités à l’ouverture de la succession ;
  • soit ils en ont connaissance plus tard, lors du partage de la succession par exemple. 

La détermination du moment de la connaissance de ces libéralités est importante puisqu’elle influe sur le délai de prescription de l’action en réduction d’une libéralité excessive.

La prescription de l’action en réduction d’une libéralité connue à l’ouverture de la succession

La réforme du 23 juin 2006 a réduit le délai de prescription applicable à l’action en réduction des libéralités excessives. Il était auparavant de 30 ans conformément au droit commun, et le reste d’ailleurs pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007. Désormais, lorsque les héritiers réservataires ont connaissance d’une libéralité excessive, ils peuvent exercer l’action en réduction sous cinq ans de l’ouverture de la succession s’ils en ont eu connaissance à ce moment ou bien avant le décès du de cujus en vertu de l’article 921 alinéa 2 du Code civil.

« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. 

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

La prescription de l’action en réduction d’une libéralité connue après l’ouverture de la succession

Qu’en est-il lorsque les héritiers réservataires n’ont connaissance de cette libéralité excessive qu’au cours de la procédure, soit bien après l’ouverture de la succession ? Cette question est importante puisque parfois le règlement d’une succession n’intervient qu’après cinq ans de l’ouverture de la succession

L’action en réduction des héritiers est-elle éteinte par la prescription s’ils découvrent une libéralité excessive à l’issue des cinq ans ? 

L’article 921 alinéa 2 du Code civil répond à cette question : « le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte porté à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ». 

Au vu de la rédaction de l’article 921 alinéa 2 du Code civil, on peut cependant douter de cette faveur accordée aux héritiers réservataires : l’action en réduction ne court-elle pas plutôt pendant deux ans à compter de l’ouverture de la succession dans le cas où les héritiers ont découvert une libéralité excessive ?  Dans ce cas, la découverte d’une libéralité excessive d’une libéralité permettrait l’exercice de l’action en réduction dans le délai de deux ans et non de cinq ans. Ce ne serait alors que si la libéralité excessive n’a pas été découverte par les héritiers réservataire que l’action en réduction pourrait être exercée pendant cinq ans de l’action en réduction. 

Cependant, si cette interprétation était retenue, quel serait l’intérêt de l’existence du délai maximum de dix ans pour exercer l’action en réduction ? 

En effet, cette dernière interprétation cantonnerait l’exercice de l’action en réduction à un délai de 5 ans en l’absence de connaissance de la libéralité ou à un délai de 2 ans en connaissance de la libéralité. Or, le délai de dix ans à compter du décès est l’équivalent d’un délai de dix ans à compter de l’ouverture d’une succession qui s’ouvre par la mort du défunt. L’intérêt de ce délai maximum est en réalité d’insérer un délai maximum pour les actions en réduction ne pouvant être exercée dans le délai de cinq ans dans le cas où les héritiers réservataires ne connaissent pas l’existence d’une libéralité excessive. Dans le même temps, il offre aux héritiers réservataires un espace-temps supplémentaire pour ne pas les léser excessivement depuis la réforme de 2006 réduisant l’ancien délai de trente ans. 

Cette interprétation peut être confirmée par l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Saint-Denis en date du 16 février 2018 (16/01.1235) : « Il résulte de ces dispositions que soit les héritiers réservataires ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve dès l’ouverture de la succession et le délai de prescription de l’action en réduction sera alors de cinq ans à compter de ce moment-là ; soit les héritiers réservataires ont découvert l’atteinte portée à leur réserve après l’ouverture de la succession et le délai de prescription est alors de deux ans à compter de cette découverte, son point de départ étant ainsi repoussé, sans pouvoir excéder dix ans à compter du décès. »

Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon en date du 15 décembre 2015 (14/04170) résout également la question. Les appelants faisaient valoir que le juge du fond avait méconnu le sens de l’article 921 du Code civil et affirmaient qu’ils disposaient d’un nouveau délai de deux dans le cas où ils découvraient une libéralité excessive à l’expiration du délai de cinq ans. La Cour d’appel a jugé que : « qu’il découle de ce texte que si les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve dès l’ouverture de la succession, le délai de prescription est de cinq ans à compter du décès ; que s’ils ne découvrent cette atteinte qu’après l’ouverture de la succession, le délai de prescription est de deux ans à compter de cette découverte sans pouvoir excéder dix ans à compter du décès ; qu’en toute hypothèse, le délai de prescription ne peut jamais être inférieur à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession ». 

Il est important de noter que le délai maximum de dix ans vaut pour les donations ordinaires mais pas pour les donations-partage soumises au délai de prescription de cinq ans en vertu de l’article 1077-2 du Code civil.

« Les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l’imputation, le calcul de la réserve et la réduction.

L’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du disposant qui a fait le partage. En cas de donation-partage faite conjointement par les deux époux, l’action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du survivant des disposants, sauf pour l’enfant non commun qui peut agir dès le décès de son auteur. L’action se prescrit par cinq ans à compter de ce décès.

L’héritier présomptif non encore conçu au moment de la donation-partage dispose d’une semblable action pour composer ou compléter sa part héréditaire. »

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