Jurisprudences
Indivision – Indemnité d’occupation et jouissance exclusive
Cass. civ. 1ere, 30 avril 2025, n°23-16.963
Liquidation et partage de régime matrimonial, Liquidation et partage d’indivisions mobilières et immobilières, Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
Le fait pour un indivisaire d’occuper seul un bien indivis ne le rend pas automatiquement redevable d’une indemnité d’occupation. La jouissance privative, excluant la même utilisation par son cotitulaire est un critère nécessaire.
Indemnité d’occupation en cas de jouissance privative
Un indivisaire qui jouit privativement d’un bien indivis, en empêchant les autres indivisaires d’en user, est redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation, sauf convention contraire entre les parties.
Cette indemnité est prévue par l’article 815-9, alinéa 2, du Code civil.
Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Cette indemnité a pour objet de compenser le préjudice subi par l’indivision, notamment de perte de revenus que l’indivision aurait pu tirer du bien.
L’indemnité d’occupation est soumise à une prescription quinquennale : l’indemnité ne peut donc porter que sur les cinq dernières années précédant la demande puis la période la suivant.
Définition de la jouissance exclusive
Pour réclamer une indemnité d’occupation, une jouissance privative et exclusive d’un des indivisaires doit être caractérisée.
La jouissance privative est définie comme le fait, pour un indivisaire, de prendre possession d’un bien indivis et d’en exclure les autres indivisaires, que ce soit de droit ou de fait.
Dans l’arrêt du 30 avril 2025 que nous commentons, la Cour de cassation rappelle que le seul fait pour un indivisaire d’occuper l’immeuble indivis ne caractérise pas l’occupation privative.
Il faut encore prouver que cette occupation exclue la même utilisation par ses coindivisaires (Cass civ 1ère 30 avril 2025 n°23-16.963).
Dans cette affaire, un couple vit en concubinage dans un appartement acquis en indivision. A leur séparation la concubine assigne son concubin en paiement d’une indemnité d’occupation puisqu’il occupe seul le bien indivis.
Pour condamner le concubin au paiement d’une indemnité d’occupation, l’arrêt retient que celui-ci « admet jouir seul du bien acheté en commun depuis la séparation du couple et qu’il en découle qu’il doit une indemnité d’occupation à la concubine ». La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en rappelant que « La circonstance que l’un des titulaires d’un droit de jouissance indivise occupe seul l’immeuble ne caractérise pas, en soi, une occupation privative, laquelle suppose en outre que son occupation exclue la même utilisation par son cotitulaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Détention exclusive des clés : un élément déterminant
La détention exclusive des clés d’un bien indivis est un élément central permettant souvent de caractériser une jouissance privative.
En effet :
- la jurisprudence précise que le fait pour un indivisaire de détenir seul les clés, lui conférant ainsi la libre disposition du bien, constitue une jouissance privative (Cour de Cassation, 1e chambre civile 8-7-2009 n° 07-19.465)
- la jurisprudence a exclu la jouissance privative dans des situations où l’accès au bien restait ouvert aux autres indivisaires, même si un seul indivisaire en faisait un usage plus fréquent. Ainsi dans un arrêt du 28 mars 2018, l’appartement indivis était utilisé par un des indivisaires, mais les clés étaient à disposition de tous les coïndivisaires sur simple demande, ce qui n’excluait pas leur usage. La Cour a considéré qu’il n’y avait pas de jouissance privative (Cour de Cassation, 1e chambre civile, 28 mars 2018, n° 17-18.903).
Cet article vous intéresse ? Découvrez aussi les contenus suivants
jurisprudences et lois commentées
L’absence d’indemnité d'occupation automatique jusqu’au partage
Cass. civ. 1ere, 12 juin 2025, n°23-22.003
jurisprudences et lois commentées