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Procédure

Procédure : Recevabilité des conclusions d’intimé que le dispositif adresse par erreur au conseiller de la mise en état

Cass. civ. 2e, 20 oct. 2022, n°21-15.942

Procédure et pratiques professionnelles

Enseignement de l'arrêt

La Cour d’appel ne peut relever d’office l’irrecevabilité de conclusions d’intimé, lesquelles contiennent bien des prétentions et ce même si elles ont adressées par erreur au conseiller de la mise en état dans le dispositif et non à la Cour.

Présentation de la procédure d’appel

Rappel du calendrier dit « Magendie » et des grands principes de l’appel

Le décret Magendie (Décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009) a profondément modifié la procédure devant la Cour d’appel pour les instances à représentation obligatoire. 

Désormais les parties doivent respecter des délais impératifs pour signifier leurs conclusions sous peine notamment de caducité de l’appel pour l’appelant. 

La procédure s’est notamment complexifiée : 

  • avec la création de nouveaux délais et d’un nouveau formalisme pour la déclaration d’appel 
    • elle doit être formée par voie électronique via RPVA à peine d’irrecevabilité relevée d’office (art. 930-1 du CPC). Elle sera frappée de caducité, également relevée d’office, si elle n’est pas signifiée dans le mois suivant l’avis adressé par le greffe, 
    • si l’intimé constitue avocat entretemps, la déclaration d’appel devra être signifiée entre avocats (art. 902 du CPC),
    • la déclaration d’appel doit être réalisée via un formulaire dédié, et ne comporter de référence à une annexe que lorsque les caractères disponibles via RPVA sont insuffisants. 

« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En ce cas, la déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique. »

« Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l’indication de l’obligation de constituer avocat.

En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat de l’appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d’appel.

A peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l’article 909, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables. »

  • la suppression de la possibilité d’interjeter un appel général (les chefs du jugement critiqué doivent être individuellement précisés, ceux qui sont oubliés ne sont pas transmis à la Cour d’appel. C’est la raison pour laquelle notre cabinet a créé un formulaire de communication spécifique sur ce point avec nos clients pour éviter toute erreur possible) ;  

Ce changement de cadre procédural a impliqué une jurisprudence foisonnante, et des précisions de la chancellerie afin de clarifier la procédure d’appel qui tend à devenir une vraie source de pièges pour les parties et leurs conseils. 

Exigences de rédaction du dispositif des conclusions en appel

La jurisprudence est également venue préciser les conditions de rédaction des conclusions de manière générale, et plus particulièrement dans le cadre de la procédure d’appel à la lumière de l’article 954 du code de procédure civile.

« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. »

Ainsi, il a été précisé qu’il ne sera pas statué sur une prétention non reprise au dispositif quand bien même elle aura été évoquée dans le corps des conclusions

De la même manière, les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée doivent avoir aussi été développés dans leurs conclusions (Civ. 2ème 6 septembre 2018 n°17-19.657, voir également Civ.2ème 10 janvier 2019 n°17-20.018).

Enfin, il faut préciser que la rédaction du dispositif des conclusions doit être particulièrement précautionneuse, en évitant absolument les demandes de « dire et juger » qui ne saisissent pas la Cour de prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

« L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

Précisions apportées par la Cour de cassation sur les modalités de rédaction des conclusions d’intimé

La Cour de cassation apporte des précisions dans un arrêt prononcé par la deuxième chambre civile en date du 20 octobre 2022 n°21-15.942, sur les conditions de recevabilité des conclusions d’intimé.

En l’espèce, dans le cadre d’une instance en divorce, l’époux intimé va signifier ses conclusions d’intimé et interjeter appel incident à cette occasion. C’est-à-dire qu’il va former lui-même appel sur certains points non soulevés par le premier appelant.

Malheureusement une erreur se glisse au dispositif des conclusions d’intimé qui vont mentionner  il est demandé au « conseiller de la mise en état », et non pas « à la Cour », et ce alors même que le corps des conclusions mentionne bien la « cour ». 

La Cour d’appel de Versailles va se saisir d’office de l’irrecevabilité des conclusions d’intimé, en considérant que n’étant pas « correctement adressées au bon juge », elle n’était saisie d’aucune demande de l’intimé. 

L’intimé a déféré à la cour d’appel l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré d’office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l’intimé postérieurement à la date limite pour signifier les conclusions d’intimé. 

La Cour de cassation va casser l’arrêt des juges du fond en retenant que « Pour déclarer d’office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l’intimée postérieurement au 11 septembre 2020, l’arrêt retient qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, seul le dispositif des conclusions doit être pris en considération, que (le dispositif des) conclusions signifiées par l’intimée, qui mentionne « il est demandé au conseiller de la mise en état », est adressé au conseiller de la mise en état, et que l’indication « plaise à la cour », dans le corps des écritures, ne peut permettre de le corriger, de sorte que, les règles de procédure civile étant édictées afin de garantir aux parties, dans un cadre de sécurité juridique, un procès équitable, les conclusions de l’intimée du 11 septembre 2020 ne saisissent pas la cour d’appel et, le délai pour conclure n’ayant pas été suspendu, l’intimée n’a pas conclu dans le délai qui lui était imparti. 

En statuant ainsi, alors que les conclusions au fond de Mme [G] contenaient une demande de réformation partielle du jugement ainsi que des prétentions et moyens sur le fond, et lui avaient été transmises par le RPVA, selon les exigences requises, la cour d’appel, qui en était saisie quand bien même elles comportaient une référence erronée au conseiller de la mise en état, et qui ne pouvait que les déclarer recevables, a violé le texte susvisé. 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :».

Il s’agit d’une précision bienvenue puisque la Cour de cassation précise dans cet arrêt qui fait figure d’exception dans une dynamique générale de sanction des plaideurs devant la Cour, qu’il n’y a pas lieu de sanctionner l’intimé pour la présence d’une formule certes erronée mais qui n’est pas obligatoire.

Ne s’agissant pas d’une « prétention » de la partie intimée, la mention du conseiller de la mise en état ne saisissait pas la Cour et ne lui permettait pas de se départir du dossier en y appliquant la sanction couperet qu’est l’irrecevabilité.

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