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Droit de la famille

Les règles de compétence en matière de désunion et de responsabilité parentale

Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2021, n° 20-12.006

Droit international privé de la famille

Enseignement de l'arrêt

  • La résidence habituelle des enfants est un critère déterminant de la compétence européenne du juge pour une action en matière de responsabilité parentale. La résidence des enfants s’apprécie au jour de la demande relative à la responsabilité parentale. 
  • Les règles internationales de compétence relative à l’autorité parentale sont indépendantes de celles relatives au divorce.

Rappel du contexte légal

L’article 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis prévoit que :

« 1. Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ».

L’article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires dispose que :

Sont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres : 

a) la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou 

b) la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou 

c) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à l’état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties, ou 

d) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d’une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d’une des parties.

Apport de l’arrêt

La mère, de nationalité française, et le père, de nationalité belge, se sont mariés en France le 2 septembre 1995.

Après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, ils se sont installés en Inde le 27 juillet 2012. 

Dans cette affaire, la Cour de cassation a statué deux fois :

  • Requête en divorce (procédure en divorce ancienne formule)

Le 14 juin 2013, alors que la famille se trouve en France à l’occasion d’un séjour de la famille, l’épouse saisit le juge aux affaires familiales d’une requête en divorce.

Un arrêt du 11 décembre 2018, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 novembre 2017, pourvoi n° 15-16.265, Bull. 2017, I, n° 232) constate l’incompétence des juridictions françaises pour statuer sur la requête en divorce. 

La Cour de cassation rappelle que le recours à l’article 14 du code civil (privilège de la juridiction) n’est pas possible sur le fondement de l’article 6 du règlement. En tant que ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, l’époux ne pouvait être attrait devant les juridictions d’un autre État membre qu’en application des art. 3 à 5 du Règlement « Bruxelles II bis » puisqu’aucun des sept chefs de compétence alternatifs de l’article 3 du règlement Bruxelles 2 bis ne justifiait la compétence du juge français.

  • Assignation en la forme des référés (procédure en responsabilité parentale et obligations alimentaires)

Le 21 novembre 2014, soit plus d’un an après la demande en divorce, l’époux assigne son conjoint en la forme des référés devant le juge aux affaires familiales en France pour voir ordonner une expertise psychiatrique des membres de la famille et voir fixer les modalités de son droit de visite et d’hébergement. L’épouse sollicite reconventionnellement l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la condamnation du père à payer une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Au moment de la saisine, les enfants résident en France.

La cour d’appel d’Orléans déclare le 13 novembre 2019 que les juridictions françaises sont incompétentes de statuer tant sur la responsabilité parentale que sur l’obligation alimentaire. 

L’arrêt retient qu’après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, les époux se sont installés en Inde avec eux le 27 juillet 2012 et qu’à l’occasion d’un séjour de la famille en France, l’épouse a, le 14 juin 2013, saisi le juge aux affaires familiales d’une requête en divorce. Il en déduit que les enfants n’avaient pas leur résidence habituelle en France, pas plus que leur père, par ailleurs, ressortissant belge.

La résidence des enfants est un critère clé pour déterminer la compétence du juge en matière de responsabilité parentale (article 8 du règlement).

La question est de savoir à quel moment il convient d’apprécier cette résidence : au moment de la requête en divorce ou au moment de la saisine du juge en la forme des référés au sujet de la question du droit de visite.

Les juges du fond ont apprécié à tort la résidence des enfants au moment de la requête en divorce. Autrement dit, la Cour d’appel d’Orléans s’est déclarée incompétent parce qu’au jour de l’action en divorce, les enfants n’avaient pas leur résidence habituelle en France.

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans en toutes ses dispositions en reprochant aux juges du fond qu’ : 

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était tenue, si, le 21 novembre 2014, date de l’assignation en la forme des référés relative à l’exercice du droit de visite et d’hébergement, la résidence habituelle des enfants n’était pas située en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Ainsi, selon la Cour de cassation, la résidence des enfants devait s’apprécier à la date de l’assignation en la forme des référés relative à l’exercice du droit de visite et d’hébergement et non pas au moment de la requête en divorce. La cour d’appel aurait dû établir si à la date de l’assignation en la forme des référés relative à la responsabilité parentale, les enfants résidaient en France.

La Cour de cassation précise que « la compétence internationale en matière de responsabilité parentale dépend d’éléments de fait et de droit distincts de ceux qui commandent la compétence en matière de désunion. Il s’en déduit la compétence à l’égard de la demande d’obligation alimentaire, lorsqu’elle est accessoire à l’action relative à la responsabilité parentale ».

Autrement dit, l’incompétence du juge français pour prononcer le divorce des époux n’implique pas automatiquement son incompétence pour statuer sur les mesures relatives aux enfants.

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