Aller au contenu

3.07.2024 | L'édito de Capucine | Canopy avocats obtient la 1ère annulation de convention de divorce en France

Remariés sur décision de justice 6 ans après leur divorce

Avocate Capucine Bohuon

Capucine Bohuon

Avocate spécialiste, associée fondatrice

« C’est une première en France. Un tribunal judiciaire a eu le courage d’annuler une convention de divorce par consentement mutuel et c’est le cabinet Canopy Avocats qui obtient cette décision après 5 années de procédure. »

Première nullité d’une convention de divorce par consentement mutuel en France : que nous dit le Tribunal judiciaire de Versailles ?

C’est une première en France. Un tribunal judiciaire a eu le courage d’annuler une convention de divorce par consentement mutuel et c’est le cabinet Canopy Avocats qui obtient cette décision après 5 années de procédure. 

Le consentement éclairé des époux conditionné à la présence de leurs conseils à la signature

Il faut se souvenir que la loi du 12 octobre 2016 avait déjudiciarisé le divorce amiable pour désengorger les tribunaux. D’une audience solennelle, dans le bureau du Juge aux affaires familiales, nous passions à une signature conjointe d’un même acte d’avocat, sous seing privé entre les époux et leurs conseils. 

Profitant de certaines incertitudes autour de cette réforme, certains avocats ont cru pouvoir se passer d’une signature simultanée de la convention de divorce en présentiel avec leurs clients.

Les textes étaient pourtant assez clairs :  « La convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble, en trois exemplaires ». Comment interpréter le terme « ensemble » si ce n’est en une unité de lieu ? 

Tous les documents annexes (circulaire, travaux préparatoires, fiche du Conseil national des barreaux) plaidaient en ce sens. L’exécutif est finalement intervenu pour clarifier la situation en ajoutant par décret les mots : « réunis à cet effet ». 

L’unité de temps et de lieu devenait expressément obligatoire et ne laissait plus de place aux usages individualisés. 

C’est sur ce point principal que le tribunal censure la convention de divorce des époux, après 5 ans de procédure : l’avocat de l’épouse était absent le jour de la signature. Notre cabinet avait réussi à l’établir par l’analyse croisée de mails, de sommations interpellatives auprès des époux et avocats et de circonstances factuelles.

Cette absence représentait un vice dans le formalisme rigoureux du divorce par consentement mutuel. Il était aussi (et presque surtout) la manifestation la plus forte et la plus insurmontable du consentement non éclairé de l’épouse lors de la signature.

Nous avions formellement posé la question au tribunal judiciaire : quand bien même l’avocat de l’épouse aurait été présent le jour de la signature, sans avoir jamais formalisé le moindre conseil avant cette date, le consentement de l’épouse n’était-il pas de la même manière intrinsèquement trompée ? Rappelons que de nombreux juges aux affaires familiales, lorsqu’ils étaient encore chargés d’homologuer les conventions de divorce, refusaient de le faire lorsqu’ils découvraient que l’un des époux rencontrait son avocat pour la première fois à cette occasion.

L’analogisme est évident : au-delà des textes c’est l’esprit même de la réforme qui impose qu’un conseil continu soit délivré par les avocats avant ET pendant cette réunion physique. En supprimant l’accès au juge, ce sont les avocats qui doivent assumer la vérification de l’équilibre des actes, des renonciations réciproques des époux mais aussi et surtout de leur consentement. 

Or, ce consentement se construit tout au long du dossier de divorce : de la première rencontre retraçant les principes généraux, les méandres de la procédure, aux échanges plus personnalisés et pragmatiques de la réalité d’un dossier (quels sont mes droits dans mon régime matrimonial ? ai-je droit à une prestation compensatoire ? pour quelles raisons ? une procédure vaut-elle le coup ? Vais-je pouvoir me reloger ? ). 

L’absence de liquidation du régime matrimonial

Le dossier que nous défendions présentait une autre irrégularité : il n’avait pas été procédé à la liquidation de la communauté réduite aux acquêts des époux. La convention de divorce se contentant d’une remarque laconique sur l’absence de communauté à liquider… malgré une quinzaine d’années de mariage.

Nos recherches et injonctions auprès de l’employeur de l’époux, des établissements bancaires du couple et des notaires de la famille avaient finalement révélé que l’époux avait souscrit seul une assurance-vie, financée avec les fonds communs du couple, dont il n’avait jamais révélé l’existence.

Les articles 229-3 et 230 du code civil obligeant les époux à liquider leur régime matrimonial lors d’un divorce amiable par acte d’avocats n’avaient donc pas été respectés.

Le tribunal judiciaire de Versailles n’a cependant pas répondu à ce grief, considérant que la seule démonstration de l’absence de consentement éclairé de l’épouse était un élément suffisant au prononcé de la nullité du divorce.

Le dol de l’époux

Afin d’obtenir la nullité de ce divorce par consentement mutuel, nous avions également appuyé notre argumentation sur le rôle de l’époux dans la conduite des finances du couple et de l’entière procédure de divorce.

En plus d’une complète maîtrise des mouvements financiers de la communauté pendant le mariage, l’époux a également été le seul instrumentaire de toutes les démarches du divorce. L’épouse qui maîtrise mal la langue française et gère à titre principal des enfants mineurs du couple lui fait entièrement confiance.

L’époux choisit et paie donc l’avocate de son épouse et c’est la sienne qui est aux commandes : elle établit le contact avec l’épouse, assume la rédaction des actes, collecte des informations, convoque les époux, organise les signatures etc.. Elle endosse, partialement, le rôle de conseil des deux époux. 

Ne devons-nous pas considérer l’ensemble de ces manœuvres comme dolosives ? Rappelons que le dol est défini comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges » ou encore « la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » ? 

L’époux et son avocat n’ont-ils pas tout mis en place pour que le régime matrimonial ne soit pas liquidé et que l’épouse ne perçoive pas sa part dans l’assurance-vie, ô combien nécessaire pour une jeune mère, sans revenus, sans activités, sans logement et avec deux enfants mineurs ? 

Quand l’époux déclare -sans document ni explication à l’appui- dans sa déclaration sur l’honneur, comme un bien propre le montant de l’assurance-vie sans préciser qu’elle est une assurance-vie ni comment elle a été financée, ne tente-t-il pas de couvrir sa dissimulation ? 

En résumé : le rôle de l’avocat et de chaque époux doit être vérifiés par le tribunal. L’un a un devoir de conseil tout au long de sa mission ; l’autre a une obligation de loyauté qui l’oblige à tout révéler. 

Nous fondions de grands espoirs sur une annulation de divorce fondée sur le vice du consentement de l’épouse en raison du dol orchestré par l’époux et son avocat. De nouveau cependant, sans écarter d’aucune manière le bienfondé de cette argumentation, le tribunal judiciaire a fait l’économie de l’analyse du dol en considérant -à très juste titre- qu’il lui était suffisant de constater l’absence de consentement éclairé de l’épouse.

Cette décision doit être saluée. En ne recherchant pas à consolider outre mesure sa décision par les fondements multiples que nous lui offrions (irrespect du formalisme, absence de liquidation, dol etc.), le tribunal judiciaire réaffirme de manière aussi compréhensible que courageuse une règle fondamentale du droit des obligations : sans consentement, pas de contrat.

De plus en plus de clients nous consultent désormais après avoir cru faire une bonne affaire en faisant appel à ces divorces à bas prix sur internet ou auprès d’avocats ne pratiquant pas habituellement le droit complexe de la famille. Nous pourrons parfois les aider. Pas toujours. Dans ce cas, le prix à payer pour une convention mal rédigée, qu’un juge n’aurait -en son temps- pas validés, est souvent désastreux.

Commentaire de jurisprudence

Divorce : les conventions sur la preuve en matière de contribution aux charges du mariage

Article 214 du Code civil - Sur la notion de contribution aux charges du mariages

Commentaire de loi

PACS - Le remboursement d’un prêt immobilier peut relever de l’aide matérielle

Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2021, FS-P, n°19-26.140

Guide de la famille

Liquidation du régime matrimonial