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Proposition de loi du 5 avril 2023 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France

Majeurs protégés : la volonté d’amélioration du bien vieillir des majeurs protégés en France

Protection des majeurs (tutelle – curatelle – sauvegarde)

L’article 5 de la proposition de loi du 5 avril 2023 adopte le double objectif de précision et clarification des missions du mandataire de protection judiciaire pour préserver les libertés et l’autonomie des majeurs protégés. 

La réglementation actuelle des majeurs protégés

Le cadre juridique des majeurs protégés est principalement codifié aux articles 425 à 494-12 du code civil.

L’article 425 du code civil présente ainsi le principe selon lequel :

« Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. » 

La mesure de protection peut être mise en place en amont grâce à un mandat de protection future prévu par l’article 477 du code civil :

« Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu’avec l’assistance de son curateur.

Les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou d’une habilitation familiale, qui exercent l’autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la charge matérielle et affective de leur enfant majeur peuvent, pour le cas où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour l’une des causes prévues à l’article 425, désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette désignation prend effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé.

Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat prévu au troisième alinéa ne peut être conclu que par acte notarié. » 

La mesure de protection peut également être décidée par le juge lorsque la mise sous protection n’avait pas été anticipée par le bénéficiaire. 

Ainsi, l’article 447 du même code énonce :

« Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge.

Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l’égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n’aurait besoin d’aucune autorisation.

Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint.

A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l’alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l’une envers l’autre. Elles s’informent toutefois des décisions qu’elles prennent. » 

Ce texte ne fait aucune référence à la garantie de la protection des droits du majeur protégé, ni de son autonomie. 

Face au manque de garanties des droits et de l’autonomie du majeur protégé par le droit actuel, une proposition de loi portant mesures du bien vieillir en France est actuellement débattue.

L’apport de la réforme pour les majeurs protégés

Du 3 au 5 avril 2023, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a examiné la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Le texte est passé en séance publique du 11 au 13 avril 2023.

Néanmoins, une part importante de députés, de tous bords politiques, regrette une faible ambition de la proposition de loi.

Les dispositions relatives aux droits et à l’autonomie des majeurs protégés

Les articles 5 à 5 sexies de la proposition de loi sont les seuls relatifs à la protection des libertés et de l’autonomie des majeurs. Des dispositions ont été amendées et d’autres totalement créées par la Commission.

Renforcement de l’autonomie du majeur protégé sous l’égide de son mandataire

S’agissant des dispositions visant à renforcer l’autonomie des majeurs protégés, la réforme tend à faire ajouter dans le code de l’action sociale et des familles que les mandataires judiciaires doivent favoriser « l’autonomie de la personne protégée », dont le « consentement éclairé doit être systématiquement recherché ».

Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance – Adopté par la commission avec modification :

« Le présent article vise à préciser et clarifier les missions du mandataire de protection judiciaire, dont le rôle est central auprès des personnes sous protection judiciaire, notamment dans la préservation de ses libertés et de son autonomie et dans l’objectif d’assurer sa sécurité juridique. Par ailleurs, cet article vise à introduire une charte éthique que les mandataires devront suivre dans l’exercice de leurs missions. Il instaure également une obligation de déclaration au procureur de la république de toute situation de maltraitance constatée. »

De même, les députés ont intégré un nouveau titre à la loi visant à « renforcer l’autonomie des adultes vulnérables en favorisant l’application du principe de subsidiarité » selon lequel le mandataire ne doit intervenir que si le bénéficiaire est dans l’impossibilité de le faire de manière claire et éclairée.

Une mesure de stabilisation du mandataire judiciaire

Afin d’assurer la continuité de la protection du majeur protégé, l’article 5 quater complète l’article 447 du code civil afin de permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les proches du majeur protégé, un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débutera au décès de la personne désignée en premier lieu. 

Article 5 quater (nouveau) – Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles – Introduit par la commission :

« L’article 5 quater permet au juge des tutelles de désigner un curateur ou tuteur de « remplacement », en anticipation du décès de la personne initialement désignée. »

Des mesures sur l’éthique des mandataires

La proposition de loi prévoit également une charte éthique des mandataires judiciaires accompagnée d’une formation annuelle. Les modalités d’application de ces dispositions seront précisées ultérieurement par décret.

Il y a donc une réelle volonté de former les mandataires judiciaires pour un meilleur accompagnement des majeurs protégés. 

Par ailleurs, les mandataires judiciaires auront une obligation de dénonciation. En effet, ils devront informer sans délai le procureur de la République « des délits ou crimes commis au préjudice des personnes protégées et portés à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ». De même, en présence d’une maltraitance, ils devront saisir l’agence régionale de santé.

Des mesures sur le mandat de protection future

D’autre part, la loi en son article 5 quinquies modifie le mandat aux fins de représentation et crée, à l’article 478-1 du code civil, un mandat de protection future aux fins d’assistance conformément aux recommandations du rapport Sauvé. 

En vertu de cet article, le juge pourra « prévoir que la nature de la protection évoluera en fonction du degré d’altération des facultés personnelles du bénéficiaire ». De plus, pour que le mandat soit mis à exécution, il sera désormais nécessaire de transmettre un certificat médical « circonstancié ». 

Le mandat de protection future aux fins d’assistance sera alors activé quand le mandant, sans être hors d’état d’agir lui-même, aura besoin « d’être assisté ou contrôlé d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile ». 

Article 5 quinquies (nouveau) – Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance – Introduit par la commission

« L’article 5 quinquies crée un mandat de protection future aux fins d’assistance. »

L’élargissement de l’habilitation familiale

L’article 5 sexies élargit la liste des personnes pouvant être habilitées en cas d’impossibilité d’une personne de pourvoir seule à ses intérêts présente à l’article 494-1 du code civil. Elle est actuellement limitée aux ascendants, descendants, frères et sœurs et la proposition de loi souhaite étendre cette liste à tout « parent ou allié » désigné par le juge. 

Article 5 sexies (nouveau) – Évolution du dispositif d’habilitation familiale – Introduit par la commission

« L’article 5 sexies fait évoluer le dispositif d’habilitation familiale en élargissant la liste des personnes pouvant être habilitées et en prévoyant la possibilité pour le juge de nommer une personne habilitée de « remplacement. »

Les dispositions procédurales

La création d’un registre national

L’article 5 decies nouvellement ajouté en séance crée un registre général de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge et les mandats de protection future. 

La création de ce fichier suit une recommandation du rapport Sauvé. 

Ce registre permettra aux juges d’avoir accès à tous les mandats et mesures établis en France, et d’ainsi éviter de cumuler plusieurs décisions portant sur ce même domaine. 

De plus, les magistrats auront également la possibilité d’informer les forces de l’ordre en cas de garde à vue d’un adulte protégé. 

Ce registre devrait être mis en place d’ici 2026. 

Autres dispositions procédurales

L’article 5 nonies aligne les régimes de responsabilité dans le cadre de l’habilitation familiale et du mandat de protection future sur celui prévu pour les mesures de protection judiciaire.

Par Rasika Sirimanna et Capucine Bohuon, le 3 mai 2023

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