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Procédure

Le sort des intérêts liés à une condamnation judiciaire en cas d’appel

Procédure et pratiques professionnelles
  • Les intérêts au taux légal liés à une condamnation judiciaire sont prévus à l’article 1231-7 du code civil.
  • La condamnation au principal emporte condamnation aux intérêts au taux légal. Ceux-ci courent à compter du prononcé du jugement, sauf si le juge en décide autrement, et ce même si aucune demande en ce sens n’a été formulée par les parties. 
  • En cas d’appel, si le juge d’appel confirme une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Cependant, la cour d’appel peut toujours déroger à ses dispositions. 

Le contexte légal des intérêts au taux légal

Contexte légal des intérêts liées à une condamnation judiciaire

Les intérêts au taux légal liés à une condamnation judiciaire sont expressément prévus par le code civil à l’article 1231-7 qui dispose que : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement. 

En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa ».

Ainsi et dans le cadre d’une décision de justice, la condamnation au principal emporte condamnation aux intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de la décision, même si aucune demande en ce sens n’a été formulée par les parties. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé le moment du point de départ des intérêts dans un arrêt rendu par sa deuxième chambre le 23 février 2017 (Civ. 2e, 23 février 2017, n° 15-26.346).

Également, l’article 1231-7 du code civil laisse au juge la possibilité de fixer le point de départ des intérêts à une autre date que celle de la décision. Ainsi par exemple, la Cour de cassation a pu décider, dans un arrêt du 23 janvier 1991, de fixer le point de départ des intérêts au jour de l’assignation (Civ. 2ème, 23 janvier 1991 n°89-18.001).

Le régime des intérêts au taux légal

Taux légal de base

Les intérêts au taux légal d’une décision de justice sont dus dès le prononcé de la décision (article 1231-7 du code civil) et dès lors que le paiement intervient dans les deux mois à compter de la signification de la décision (confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt de la deuxième chambre civil du 12 janvier 2023 (Civ. 2e, 12 janvier 2023, n° 20-20.063)).

Au-delà de ce délai, le taux des intérêts est majoré de 5 points.

Taux légal majoré

Le taux d’intérêt légal majoré est expressément prévu par le Code monétaire et financier en son article L. 313-3 qui dispose que : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision

Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. 

Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. »

Au premier semestre 2023, le taux légal simple est fixé à 4,47% et le taux légal majoré est de 9,47%.

Aménagements judiciaires possibles

Si la majoration des intérêts de retard intervient de plein droit, elle n’est pas pour autant définitivement acquise puisque l’article L. 313- 3 prévoit que juge de l’exécution a la possibilité de réduire le taux majoré ou de ne tout simplement pas l’appliquer. La jurisprudence a considéré que cette réduction ou exonération doit être demandée par l’une des parties à l’instance (débiteur ou créancier) et que l’appréciation du juge doit tenir compte de la situation du débiteur (Civ. 2e, 22 mars 2012, no 11-13.915).

Également, la Cour de cassation a pu décider que le juge de l’exécution peut supprimer ou diminuer la majoration du taux de l’intérêt légal même pour les intérêts échus avant sa décision (Civ. 2e, 6 juin 2013, n° 12-20.129).

Impact de l’exécution provisoire de droit des décisions de justice

Depuis la réforme intervenue en procédure civile par le Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et s’agissant des instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions rendues en première instance bénéficient de l’exécution provisoire de droit. En effet, l’article 514 du code de procédure civile prévoit que : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. ».

Même en cas d’appel, les intérêts au taux légal liés à une condamnation indemnitaire continuent de courir.

Le sort des intérêts au taux légal en cas d’appel

Cadre légal : distinction entre dommage ou absence de dommage

L’article 1231-7 alinéa 2 du code civil prévoit que : « En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa »

Ainsi, en cas de confirmation pure et simple par la cour d’appel, le point de départ des intérêts légaux court à compter du jugement de première instance à la condition que cette décision alloue une indemnité en réparation d’un dommage. 

Pour toutes les autres hypothèses, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel.

Aménagement judiciaire

L’article offre également la possibilité pour le juge d’appel de déroger à cette règle en lui permettant de fixer librement le point de départ des intérêts à la date du jugement ou à une autre date.

Pour la doctrine, le juge d’appel confirme purement et simplement la décision de première instance s’il n’infirme le jugement sur aucun point, alloue la même indemnité qu’en première instance et si la somme accordée par le premier juge n’est pas soumise à la censure de la cour d’appel.

Quand il y a confirmation ou infirmation partielle, la cour d’appel pouvant augmenter ou diminuer le montant des dommages-intérêts alloués par le premier juge, la doctrine semble considérer que, jusqu’à concurrence des sommes ayant fait l’objet d’une confirmation, les intérêts légaux ont pour point de départ le jour du jugement de première instance. 

Néanmoins, l’article 1231-7 alinéa 2 du code civil offre au juge d’appel la possibilité d’en décider autrement et de prévoir un point de départ différent des intérêts au taux légal liés à une condamnation judiciaire. Ainsi par exemple, la cour d’appel peut considérer que les intérêts courront à partir du jugement de première instance puisque sur ce point, la jurisprudence considère qu’il s’agit de sa « faculté remise à sa discrétion par la loi » (Cass. com., 21 novembre 1989) ou encore décider de fixer le point de départ des intérêts légaux au jour de l’assignation devant le tribunal (Cass. com., 18 juillet 1989, 5 févr. 1991). 

Ce pouvoir octroyé au juge d’appel est facultatif comme a pu en décider la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui juge que : « Attendu que si la cour d’appel pouvait, en vertu de l’article 1153-1 (ancien) du Code civil, déroger à la règle selon laquelle, en l’absence de confirmation pure et simple du jugement, les intérêts courent à compter du prononcé de l’arrêt, ce n’était pour elle qu’une simple faculté » (Cass. 2e civ., 17 février 1988). Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que le juge d’appel dérogeant à la règle de principe n’a pas à motiver spécialement la décision sur ce point (Cass. 2e civ., 3 octobre 1990 ; Cass. 1re civ., 25 mai 1992).

Par Sarah El Kenz et Capucine Bohuon, le 28 avril 2023

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