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Droit des successions

Succession – Taxation d’office et intention libérale

CA Monptellier, 16 juin 2022, n°16/05794

Patrimoine - Fiscalité

Enseignement de l'arrêt

L’administration fiscale peut taxer d’office dès qu’un transfert de propriété apparaît dans les motifs ou le dispositif d’une décision de justice.
Il est possible de contester cette taxation d’office en rapportant la preuve de l’absence d’intention libérale du donateur.

Rappel du cadre légal

Qualification d’une donation

Pour caractériser une donation, deux éléments doivent être réunis : 

  • élément matériel : il faut démontrer un dépouillement irrévocable du donateur au profit du ou des donataires ;
  • élément moral : il faut démontrer une intention libérale du donateur, qui a souhaité transmettre les fonds ou les biens à titre gratuit (et non à titre onéreux).

L’élément intentionnel ne peut pas être déduit du seul élément matériel. Pour caractériser l’intention libérale, il appartient aux juges du fond d’apprécier la volonté du disposant pour s’assurer qu’elle découle d’une intention libérale et partant qu’il s’agit bien d’une libéralité (Cour de Cassation, 1re chambre civile, 27 mai 1961).

Conséquence fiscale

Lorsqu’une donation est révélée, elle est sujet aux droits de mutation à titre gratuit sur le fondement de l’article 757 du code général des impôts.

« Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit. Ces droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou sur sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel.

La même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale.

Ces dispositions ne s’appliquent pas aux dons manuels consentis aux organismes d’intérêt général mentionnés à l’article 200.  »

Fait et procédure

Dans cette affaire, une personne décède et laisse pour lui succéder un légataire universel à qui le défunt avait déjà versé 30 000€ avant son décès.

La fille du défunt engage une action contre le légataire pour que ce transfert soit requalifié en don manuel.

Sa demande est rejetée par le tribunal de grande instance de Perpignan et elle interjette appel. La Cour d’appel confirme la décision estimant que la qualification de don manuel ne peut être retenue faute d’intention libérale. 

Apprenant ce transfert à la lecture de l’arrêt d’appel, l’administration fiscale taxe d’office constatant un transfert de propriété certain entre le défunt et le légataire universel.

Elle fait valoir que l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier mentionne diverses opérations de paiements, notamment le fameux chèque de 30 000 euros libellé à l’ordre du légataire, qu’elle considère être soumis aux droits de donation (plus précisément appelé « Droits de mutation à titre gratuit – DMTG).

Le légataire conteste cette taxation en l’absence de don manuel.

Les juges de premières instances donnent droit à l’administration fiscale. Le légataire interjette appel.

La cour d’appel conclut que le légataire apporte la preuve que ce versement est rémunérateur, en raison des services rendus à la défunte. Elle rejette ainsi la qualification de don manuel faute d’intention libérale qui ne peut se déduite du seul appauvrissement du donateur. 

Elle retient ainsi qu’il s’agit d’un simple dédommagement de l’aide apportée par le légataire au défunt sur une longue période antérieure au décès. Elle conclut que la rémunération est proportionnelle au service rendu écartant ainsi tant le don manuel que la taxation souhaitée par l’administration fiscale.

Apport de l’arrêt

Au sens de l’article 757 du code général des impôts, le seul fait que le don manuel a été déclaré ou reconnu par le juge dans une décision suffit pour établir, au point de vue de la loi fiscale et à l’égard du donataire, la transmission de la propriété mobilière.

Il suffit donc que la reconnaissance judiciaire prévue par l’article du code général des impôts figure dans les motifs ou dans le dispositif du jugement, qu’elle soit exempte de toute équivoque et qu’il y ait constatation certaine de la transmission de la propriété à titre de libéralité.

Mais la Cour d’appel de Montpellier rappel que le simple transfert de propriété ne suffit pas à caractériser l’existence d’une intention libérale et qu’en l’absence d’une telle preuve aucune taxation n’est possible.

L’absence d’intention libérale a donc permis d’écarter les droits de mutation à titre gratuit réclamés hâtivement par l’administration fiscale. C’est une réitération simple mais efficace de l’impossibilité de déduire l’intention libérale de la seule constatation de l’élément matériel pour requalifier un virement ou un chèque en donation. C’est le rôle de l’avocat spécialisé en droit des successions de rechercher dans ls éléments intrinsèques à la donation ou extrinsèques (attestation, courriers etc.) pour caractériser l’intention libérale.

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