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Droit de la famille

Reconnaissance de paternité à l’égard d’un enfant ayant déjà une filiation légalement établie

Cass. civ. 1ère, 30 nov. 2022, n°21-14.726

Enfants - Autorité parentale (résidence, pensions, etc.)

Enseignement de l'arrêt

Une reconnaissance de paternité à l’égard d’un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n’est pas nulle, elle est seulement privée d’effet tant que cette filiation n’a pas été anéantie en justice.   

Rappel du cadre juridique

Établissement non contentieux de la filiation paternelle

Filiation par l’effet de la loi

Présomption de paternité du mari de la mère

Lorsque l’acte de naissance désigne la mère et qu’il s’agit d’une femme mariée, l’enfant bénéficie en principe de l’avantage attaché au mariage qu’est l’établissement légal de sa filiation à l’égard des deux époux, par l’effet conjugué de l’acte de naissance et de la présomption de paternité (article 311-25 du Code civil). 

« La filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. »

Le Code civil dispose, en effet, expressément que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari (article 312 du Code civil).

« L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».

Si l’acte de naissance ne désigne pas la mère, la filiation n’est pas légalement établie à l’égard de celle-ci et la paternité du mari ne peut, évidemment, pas être légalement présumée. De la même manière, la présomption de paternité du mari de la mère édictée par l’article 312 précité du Code civil est écartée lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père. 

La présomption de paternité du mari de la mère édictée par l’article 312 du Code civil est également écartée lorsque l’enfant est né plus de 300 jours après l’introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, et moins de 180 jours depuis le rejet définitif de la demande ou la réconciliation.

Par l’effet de la loi, la filiation paternelle est établie toutes les fois qu’il y a application de la présomption de paternité ; le père désigné par la loi est dispensé de reconnaître l’enfant. La déclaration de naissance de l’enfant à l’état civil, avec les mentions requises pour l’application de la présomption de paternité, est suffisante. 

Absence de présomption en cas de mariage homosexuel

Le mariage entre deux personnes de même sexe n’emporte aucun effet en matière de filiation non adoptive. Ainsi, la filiation d’un enfant à l’égard d’un couple de personnes de même sexe ne peut résulter que d’un jugement d’adoption. La présomption de paternité édictée par l’article 312 ne saurait être étendue à l’épouse de la mère qui accouche. 

Filiation paternelle par reconnaissance

Conditions de forme

La reconnaissance est faite dans l’acte de naissance, par acte reçu par l’officier de l’état civil (du lieu de la reconnaissance) ou par tout autre acte authentique (jugement, acte notarié), selon l’alinéa 3 de l’article 316 du Code civil.

« Lorsque la filiation n’est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l’être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance.

La reconnaissance n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur.

Elle est faite dans l’acte de naissance, par acte reçu par l’officier de l’état civil ou par tout autre acte authentique.

L’acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justifie :

1° De son identité par un document officiel délivré par une autorité publique comportant son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance ;

2° De son domicile ou de sa résidence par la production d’une pièce justificative datée de moins de trois mois. Lorsqu’il n’est pas possible d’apporter la preuve d’un domicile ou d’une résidence et lorsque la loi n’a pas fixé une commune de rattachement, l’auteur fournit une attestation d’élection de domicile dans les conditions fixées à l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles.

L’acte comporte les énonciations prévues à l’article 62 et la mention que l’auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi.

NOTA : Conformément au IV de l’article 71 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, les présentes dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, au plus tard le 1er mars 2019 et s’appliquent aux demandes qui sont postérieures à cette date ».

L’acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justifie de son identité et de son domicile par la production d’une pièce justificative datée de moins de 3 mois.

Conditions de fond
Consentement

Même si la loi ne le mentionne pas expressément, le consentement de l’auteur est évidemment un élément indispensable à la validité de la reconnaissance, comme pour tout acte juridique.

Capacité

Aucune condition de capacité n’est requise, un mineur peut parfaitement établir une reconnaissance de paternité.

Enfants susceptibles d’être reconnus

En principe, tout enfant dont la filiation n’est pas déjà établie, par l’effet de la loi peut être reconnu, à l’exception de l’enfant incestueux ou de l’enfant ayant déjà une filiation établie. 

L’article 320 du Code civil dispose que « Tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait ». 

La formulation de cet article avait suscité des incertitudes, notamment pour savoir si l’enfant ayant déjà été reconnu, l’officier de l’état civil devait refuser de recevoir une seconde reconnaissance contraire. Or, s’agissant d’un acte strictement personnel, une telle solution aurait pu avoir pour conséquence de priver un enfant de sa filiation si celui qui voulait le reconnaître venait à décéder avant d’avoir pu contester la reconnaissance antérieure. 

Arrêt du 30 novembre 2022

Rappel des faits

A la naissance d’un enfant, l’époux de la mère est déclaré père à l’état civil.  

Cinq ans après la naissance, cette paternité est contestée en justice et un jugement déclare que l’époux n’est pas le père. Un appel est formé contre cette décision.  

Quelques mois après cette décision, l’enfant est reconnu devant l’officier d’état civil par un autre homme et cette reconnaissance est constatée par la Cour d’appel.  

Les époux forment un pourvoi en cassation en invoquant l’effet suspensif de l’appel pour contester la reconnaissance, considérant qu’à la date de celle-ci, le lien de filiation entre l’enfant et l’époux n’était pas anéanti.

Portée de l’arrêt

La Cour de Cassation, réunie en sa première chambre civile le 30 novembre 2022, rejette le pourvoi et confirme que « la reconnaissance d’un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n’est pas nulle, mais seulement privé d’effet tant que cette filiation n’a pas été anéantie en justice ».

Par conséquent, la Cour d’appel en a exactement déduit que la reconnaissance produisait ses effets, hors toute action en établissement de paternité.

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