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Droit de la famille

Contestation de paternité : application d’office de la loi étrangère

Cass. civ. 1ère, 15 sept. 2021, n°19-22.588

Droit international privé de la famille

Enseignement de l'arrêt

Les juges ont l’obligation de relever d’office la loi étrangère en matière de filiation en présence d’un élément d’extranéité.

Rappel du contexte légal

Action en contestation de paternité

L’article 332 du code civil indique que « la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père ».

Selon l’article 311-14 du code civil, « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant ». 

Le 12 juillet 1982, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que cet article est applicable à l’action en contestation de paternité légitime (TGI Paris, 12 juillet 1982 : Rev. Crit. DIP 1983). 

Le 30 avril 1985, le tribunal de grande instance de Paris a indiqué que la contestation de paternité du premier mari par son ex-épouse et le second mari de celle-ci relève en vertu de l’article 311-14 du code civil, de la loi de la mère au jour de la naissance de l’enfant (en l’espèce, la loi belge) (TGI Paris, 30 avr.1985 : Rev. Crit. DIP 1986). 

La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant.

L’expertise biologique est de droit dès lors que l’action en contestation de paternité est recevable et dès lors qu’une des parties le demande, c’est elle qui sera le plus souvent utilisée (Cass. Ass. plén., 23 novembre 2007, pourvoi no 05-17.975 06-10.039). 

Règle de conflit de lois : obligation de relever d’office la loi étrangère en matière des droits indisponibles

En fonction de la nature des droits, le juge n’a pas la même obligation d’appliquer la loi étrangère d’office : si les droits sont disponibles, l’application de la règle de conflit de lois est facultative ; lorsque les droits sont indisponibles, elle est obligatoire. 

En présence de droits indisponibles, soit dans les cas où les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits, il incombe au juge français de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher la teneur du droit étranger applicable. 

La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises qu’ « il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent » (Civ. 1re, 26 mai 1999, n° 97-16.684 , Belaid, D. 1999. 162 ; Rev. crit. DIP 1999).

L’article 323 du code civil prévoit que « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet de renonciation ». 

Il n’y a donc pas de doutes sur l’indisponibilité du droit de la filiation.

Apport de l’arrêt

Rappel des faits et de la procédure

Une femme de nationalité slovaque se marie avec un homme de nationalité française.

De leur union est issue une enfant née en Suisse en 2013.

Un tiers conteste ce lien de filiation. Il engage une action en contestation de paternité devant un tribunal français. Il demande que sa paternité soit établie à l’égard de l’enfant. 

La cour d’appel de Lyon :

  • ordonne une expertise génétique (arrêt du 9 janvier 2018) ;
  • dit que l’époux n’est pas le père de l’enfant (arrêt du 2 juillet 2019). 

Afin de parvenir à cette décision, l’arrêt retient qu’aucune partie ne conteste dans le dispositif de ses écritures l’application de la loi française et que l’article 311-14 du code civil ne s’applique pas à une contestation de paternité. 

L’épouse se pourvoit en cassation en indiquant qu’il « incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent ; que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; que la cour d’appel qui, pour ordonner une expertise génétique, sur le fondement du droit français, a retenu que l’article 311-14 du code civil ne s’appliquait pas à une contestation de paternité, tout en constatant que Mme [L], mère de l’enfant [G], était de nationalité slovaque, a violé les articles 3 et 311-14 du code civil ». 

La question est de savoir si la cour d’appel peut ordonner une expertise génétique conformément aux règles du droit français alors que le droit slovaque était applicable du fait de la nationalité de la mère. 

Apport de l’arrêt

La cour de cassation casse deux arrêts de la cour d’appel de Lyon sur le fondement des articles 3 du code civil et 311-14 du code civil :

« En statuant ainsi, alors qu’elle mentionnait en deuxième page de l’arrêt que la mère avait la nationalité slovaque, de sorte que s’agissant d’une action en contestation de paternité, elle devait faire application de la loi slovaque, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Il ressort de la jurisprudence constante que cet article 311-14 du code civil est applicable à l’action en contestation d’une paternité résultant d’un mariage

La Cour de cassation rappelle que l’action en contestation de paternité est régie par la loi personnelle de la mère, soit par la loi slovaque en l’espèce. Les juges du fond avaient connaissance de la nationalité slovaque puisque l’arrêt y fait référence.

La loi applicable à cette action est la loi slovaque en tant que loi nationale de la mère et non la loi française. 

En conséquence, la cour d’appel de Lyon ne pouvait pas ordonner l’expertise génétique sur le fondement du droit français. Par voie de conséquence, la Cour de cassation casse le deuxième arrêt qui établit que l’époux n’est pas le père sur le fondement de l’article 625 du code de procédure civile :

« Sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Elle entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Si elle en est requise, la Cour peut dans le dispositif de l’arrêt de cassation prononcer la mise hors de cause des parties dont la présence devant la cour de renvoi n’est plus nécessaire à la solution du litige ».

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Publié le 03 Jan 2023