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Droit de la famille

Le refus du retrait de l’autorité parentale pour la porteuse de l’enfant résidant à l’étranger en cas de gestation pour autrui

Cass. civ. 1ère, 21 sept. 2022, n° 20-18.687

Enfants - Autorité parentale (résidence, pensions, etc.)

Enseignement de l'arrêt

La seule absence de la mère biologique des enfants ne peut constituer un danger pour leur sécurité et leur santé suffisant pour justifier le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.

 

En vertu de l’article 372 du code civil, l’autorité parentale est de plein droit et exercée en commun par les pères et mères. Des dispositions (stipulations) similaires sont reprises dans les conventions internationales, notamment dans la convention de New York de 1989 relative aux droits de l’enfant.

« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. L’autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l’article 342-11.

Toutefois, lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un d’entre eux plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant ou, dans le cas d’un établissement de la filiation dans les conditions prévues au chapitre V du titre VII du présent livre, lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République.

L’autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales. ».

L’être humain n’étant pas infaillible, et certaines personnes ayant sans doute moins la fibre parentale que d’autres, l’autorité parentale peut être retirée à l’un des parents, voire les deux dans les cas les plus graves. Le retrait étant une mesure qui prive les parents de droits sur l’enfant, il ne peut intervenir que s’il est légalement prévu et absolument nécessaire.

Nous allons ici particulièrement étudier le retrait de l’exercice de l’autorité parentale prévu par l’article 378-1 code civil sous le prisme d’un arrêt rendu le 21 septembre 2022 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation.

« Peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, les père et mère qui, soit par de mauvais traitements, soit par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, notamment lorsque l’enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant.

Peuvent pareillement se voir retirer totalement l’autorité parentale, quand une mesure d’assistance éducative avait été prise à l’égard de l’enfant, les père et mère qui, pendant plus de deux ans, se sont volontairement abstenus d’exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l’article 375-7.

L’action en retrait total de l’autorité parentale est portée devant le tribunal judiciaire, soit par le ministère public, soit par un membre de la famille ou le tuteur de l’enfant, soit par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant est confié. »

NOTA : Conformément à l’article 36 de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2020.

Les conditions de l’adoption

En droit français, il existe deux types d’adoption : l’adoption simple et l’adoption plénière. La première nécessite le consentement de l’adopté et une limite d’âge pour l’adoptant (26 ans). Elle a pour effet de superposer deux liens de filiation qui subsistent. L’adoption plénière impose également le consentement de l’adopté, ainsi qu’une limite d’âge mais surtout de plus fortes restrictions rendues nécessaires car l’adoption plénière fait totalement disparaître le premier lien de filiation entre les parents biologiques et l’adopté.

Une des conditions essentielles à évoquer afin de présenter le contexte de l’arrêt est la condition établie par l’article 345-1 du code civil (nouvel article 370-1-3 du code civil) :

« L’adoption plénière de l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin est permise :

(…)Lorsque l’autre parent que le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ; ».

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, le père biologique, souhaitant sans doute faire adopter de façon plénière l’enfant par son conjoint a assigné la mère biologique en retrait de l’autorité parentale.

Faits et synthèse de l’arrêt

Un homme a eu recours à une mère porteuse de nationalité indienne. Les enfants sont nés en Inde. Par un acte dont la nature n’est pas précisée, la mère porteuse a renoncé à tous ses droits parentaux sur les deux enfants.

Dès leur retour en France, et dans l’objectif de faciliter l’adoption des enfants par son conjoint, le père biologique a assigné la mère afin de voir retirer l’exercice de l’autorité parentale sur les deux enfants.

Ce dernier a été débouté par les juges de la Cour d’appel de Lyon. Il a donc formé un pourvoi en cassation prétendant que la mère biologique, en raison de son absence, aurait manqué aux soins et donc mis en danger les enfants, se fondant sur les articles 373-2-6 et 378-1 du code civil. Son pourvoi considère aussi que le rejet de la demande de retrait  serait contraire au droit au respect de la vie privée et familiale car la décision priverait les enfants de faire l’objet d’une adoption par le conjoint.

Par une application stricte de l’article 378-1 du code civil, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt d’appel, considérant que le défaut de soin ou le manque de direction peut être justifié seulement s’il met en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant.

En l’espèce, la Cour d’appel avait, de bon droit selon la Cour de cassation, relevé que les enfants étaient équilibrés, heureux et parfaitement pris en charge. 

Ainsi, la seule absence de la mère biologique ne mettait pas en danger les enfants.

Concernant le moyen relatif au droit à la vie privée et familiale, la Cour de cassation répond que celui-ci ne serait pas violé dès lors qu’il existait toujours une possibilité pour les enfants d’être adoptés si les conditions de l’adoption étaient remplies.

La notion de danger selon la jurisprudence

Cet arrêt de la Cour de cassation vient confirmer un arrêt déjà prononcé le 23 avril 2003 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui a refusé de retirer l’autorité parentale de la mère porteuse, le manque de soins et de direction ne mettant pas en danger les enfants. En effet, les juridictions sont tenues d’opérer un contrôle in concreto très strict. Le critère pris en compte est celui du danger de l’enfant considéré, et lui seulement, jusqu’à parfois l’extrême.

On pourra considérer ainsi le cas d’un père condamné pour atteinte sexuelle sur la personne de sa nièce, mineure de quinze ans ne s’est pas vu retirer l’exercice de l’autorité parentale de son enfant, celui-ci ne subissant pas « un danger direct » (Cour d’appel de Lyon, 22 mai 2001). Pareillement pour le père ayant violé sa fille aînée, « la benjamine ne faisant pas l’objet d’un danger direct » (Cour d’appel de Bordeaux 10 septembre 2007).

C’est donc une notion in concreto, très personnelle, du danger qui est prise en compte : Le danger doit être manifeste, donc particulièrement grave. Il peut être physique, mais aussi psychique. Il doit cependant être actuel, réel, et non éventuel et s’apprécier au jour où le juge statue.

Il ressort ainsi que l’absence de la mère biologique, résidant en Inde, ne constitue pas un danger pour les enfants. La Cour de cassation avait pourtant précédemment considéré l’absence du parent de manière un peu différente, considérant que le retrait de l’autorité parentale était justifié par le fait que le père, qui avait tardivement reconnu son fils, n’avait jamais contribué à son entretien et n’avait jamais cherché à le revoir après sa sortie de prison (CA Riom, 22 nov. 1993 : JurisData n° 1993-047596).

De notre point de vue, il ne semblerait pas déraisonnable de penser à l’application de l’article 227-17 du code pénal relatif au délit de délaissement de famille combiné à l’article 238 du code civil permettant de faire retirer l’exercice de l’autorité parentale aux « père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant. ».

« Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

L’infraction prévue par le présent article est assimilée à un abandon de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du code civil ».

 « L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce. Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce. Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé ».

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