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Droit du patrimoine

L’absence d’indemnité d'occupation automatique jusqu’au partage

Cass. civ. 1ere, 12 juin 2025, n°23-22.003

Divorce – Séparation de corps

Enseignement de l'arrêt

Un indivisaire ne peut pas être condamné au paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’au partage préalablement audit partage.

Rappels à propos de l’indemnité d’occupation

L’occupation d’un bien indivis par un seul indivisaire n’est pas compatible avec les droits de ses coindivisaires de jouir de la chose. L’article 815-9 du code civil prévoit qu’il est alors redevable d’une indemnité d’occupation.

Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

Cette indemnité d’occupation a vocation à compenser la perte de fruits (le « manque à gagner ») que constitue – pour l’indivision – cette occupation du bien à titre gratuit.

Trois conditions doivent donc être réunies pour déclencher le paiement d’une indemnité d’occupation : 

  • un bien en indivision
  • l’usage privatif par un indivisaire,
  • l’indivisaire ne peut pas se prévaloir d’un titre l’exemptant de ce paiement. 

Cette indemnité est donc due tant qu’un indivisaire occupe privativement le bien.

Faits et procédure

Deux époux divorcent et des difficultés surviennent lors de la liquidation de leur régime matrimonial de communauté. 

La jouissance du domicile conjugal à titre onéreux est attribuée à l’époux aux termes des mesures provisoires de l’Ordonnance de non-conciliation.

Ce dernier déménage quelque temps après mais conserve les clés de la maison et s’y rend tous les jours pour relever le courrier et vérifier que tout est en ordre. Il paie par ailleurs les quittances d’eau et d’électricité et règle les impôts fonciers.

Aux termes de son arrêt du 1er septembre 2023, la Cour d’appel de Nancy considère que dans ce contexte, il existe une occupation privative du bien au sens de l’article 815-9 du Code civil. 

Elle met donc à sa charge une indemnité d’occupation à compter du jour où le divorce est devenu définitif tant que le bien indivis n’a pas été remis à la disposition de l’indivision

La Cour d’appel ajoute qu’à défaut d’une telle remise, l’indemnité d’occupation est due jusqu’à la date de jouissance divise, c’est-à-dire jusqu’au jour du partage.

L’époux forme un pourvoi en cassation, considérant que l’indemnité d’occupation ne peut être due que pour la période de jouissance privative d’un bien indivis et doit cesser à compter de la libération effective des lieux. Il ajoute que, le partage n’étant pas encore intervenu, les juges du fond ne pouvaient pas préjuger d’une jouissance privative future jusqu’au dit partage.

Apport de la Cour de cassation

Aux termes de son arrêt du 12 juin 2025, la Cour de cassation confirme tout d’abord que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire entre les indivisaires, redevable d’une indemnité d’occupation

Elle casse toutefois l’arrêt d’appel, considérant que les juges du fond ne pouvaient pas condamner un indivisaire à régler une indemnité d’occupation jusqu’au partage sans envisager que le bien pourrait être remis à disposition des autres indivisaires avant ce partage.

Cette décision ne peut qu’être approuvée : rien ne permettait d’anticiper que l’ex-époux ne remettrait pas le bien à disposition de l’indivision ou que les époux ne s’entendraient pas, par exemple, pour le mettre en location, avant le partage. 

Nos avocats spécialisés dans les contentieux d’indivision conseillent donc systématiquement de mettre un jeu de clés à disposition des autres indivisaires et d’en garantir l’accès lorsqu’ils ne souhaitent plus jouir privativement d’un bien, ce qui permet de démontrer que l’indivisaire ne jouit plus effectivement du bien et qu’il ne doit donc plus verser d’indemnité d’occupation.

Les modalités de remise des clés doivent être travaillées en fonction de chaque dossier : au notaire en charge de la succession ou du divorce, par remise de commissaire de justice etc.

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