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Droit de la famille

Divorce : le paiement de la première fraction de la prestation compensatoire ne peut pas être reporté ni conditionné à la liquidation du régime matrimonial des époux

Cass. civ. 1ère, 5 avr. 2023, RG n°21-18.201

Divorce – Séparation de corps, Liquidation et partage de régime matrimonial

Enseignement de l'arrêt

Dans le cadre d’un divorce, la Cour de cassation affirme qu’il n’y a pas lieu d’accorder un délai au débiteur de la prestation compensatoire pour le versement de la première échéance.

La prestation compensatoire

Le divorce met fin au devoir de secours et à la contribution aux charges du mariage, de sorte que les époux n’ont plus de devoir d’entraide matérielle réciproque. 

Pour autant, le divorce peut avoir pour effet de créer un déséquilibre entre les conditions de vie des époux. 

Le code civil prévoit une solution au travers du mécanisme de la prestation compensatoire qui permet justement de rééquilibrer la situation matérielle des ex-époux après le prononcé du divorce.

Définition

La prestation compensatoire est définie à l’article 270 du code civil.

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».

Selon cet article, l’époux, qui se retrouve confronté à une chute de son niveau de vie, peut demander le versement d’une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

En d’autres termes, la prestation compensatoire est une somme versée par l’un des époux à l’issue du prononcé du divorce dans l’objectif de permettre à l’autre époux de rebondir suite à la perte de niveau de vie due à la cessation de la mutualisation des moyens du mariage en cas de divorce.

Les modalités de paiement de la prestation compensatoire

Outre le sujet de la détermination du montant de la prestation compensatoire (dont les critères légaux sont fixés à l’article 271 du code civil), la loi fixe les modalités de paiement par le débiteur.
Il faut se référer aux dispositions des articles 273 et suivants du code civil.

« Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation. »

« Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation ».

L’alinéa 1 de l’article 274 du code civil fixe le cadre dans lequel le débiteur n’est pas en capacité financière pour verser en capital en une seule échéance la prestation compensatoire.

Ce texte prévoit que le juge peut permettre au débiteur d’échelonner les paiements sur une période maximum de 8 ans.

La question s’est posée de savoir s’il était possible d’accorder un délai de paiement au débiteur, c’est-à-dire de reporter le paiement de la première échéance.

La Cour de cassation a répondu sans détour.

Apport de l’arrêt

Faits de l’espèce

Deux époux mariés divorcent. L’épouse réclame une prestation compensatoire. L’époux est condamné à verser 200.000 €. 

La cour d’appel autorise l’époux, sur le fondement de l’article 274 du code civil, à différer le paiement de la prestation compensatoire en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial.

L’épouse forme un pourvoi en cassation.

Son moyen est le suivant : « Mme [F] fait grief à l’arrêt de condamner M. [X] à lui payer, au titre de la prestation compensatoire une somme limitée à un certain montant, soit en capital, soit en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial, alors « que le juge ne peut autoriser le débiteur de la prestation compensatoire à différer jusqu’à une date incertaine le paiement du capital mis à sa charge à ce titre ; qu’en prévoyant le versement par M. [X] de la somme de 200 000 euros à titre de prestation compensatoire au profit de Mme [X] « soit en capital, soit en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial », la cour d’appel a fixé un terme incertain au paiement de la prestation compensatoire, violant ainsi les articles 274 et 275 du code civil. »

Dans le cas d’espèce, la liquidation du régime matrimonial des époux n’avance pas. De sorte que la Cour d’appel n’a pas fixé de date certaine de paiement de la prestation compensatoire.

Décision de la Cour de cassation

Par arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.

La Cour de cassation considère que :

« 4. Selon le second de ces textes, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues au premier, le juge en fixe les modalités de paiement dans la limite de huit années sous forme de versements périodiques. Le juge qui fait application de ce texte ne peut accorder un délai pour verser la première fraction.

5. L’arrêt condamne M. [X] à payer à Mme [F], au titre de la prestation compensatoire, une somme d’un certain montant, à régler, soit en capital, soit en moins-prenant sur la part lui revenant au moment de la liquidation du régime matrimonial.

6. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a différé le versement du capital alloué sans satisfaire aux exigences sus rappelées, a violé les textes susvisés. »

Critiques de l’arrêt

La position de la Cour de cassation s’explique par l’absence de fixation de date certaine de règlement de la prestation compensatoire par le débiteur.

Si la liquidation avait déjà eu lieu et finalisé par un acte de partage notarié, la position aurait pu être différente, le juge pouvant alors fixer une date certaine de paiement ?

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