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Succession

Je suis expatrié et je souhaiterai organiser ma succession

Anticipations de successions

Monsieur Pomme, de nationalité française, a établi sa résidence en Chine pour des raisons professionnelles depuis plusieurs années. Ses deux enfants majeurs sont restés en France où ils poursuivent leurs études. Son patrimoine se compose de comptes bancaires et de valeurs mobilières en France ainsi qu’un appartement à Paris, des biens locatifs dans sa ville natale de Nice et un chalet à Val d’Isère. Il a également acquis un appartement à Pékin.

Ayant de sérieux problèmes de santé, il souhaite anticiper son décès, mais ne sait pas si un testament rédigé depuis la Chine serait efficace au vu de la loi qui lui serait applicable.

Que répondre à Monsieur Pomme ?

En présence d’éléments d’extranéité, il convient de déterminer la loi civile applicable à la succession, avant d’envisager le traitement fiscal de la succession.

Quelle sera la loi applicable à la succession de Monsieur Pomme ?

L’ordre judiciaire français considérera que la loi chinoise, qui est celle de la dernière résidence habituelle du défunt, est applicable. 

Pour aller plus loin : consulter les articles 21 et 22 du Règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des actes authentique en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (dit Règlement « succession »).

De son côté, la Chine connaît un principe de scission en vertu duquel les immeubles sont régis par la loi du lieu de leur situation alors que les meubles et valeurs bancaires le sont par la loi du dernier domicile du défunt, quelle que soit leur localisation géographique.  

En croisant ces règles : 

  • la dévolution de tous les meubles et valeurs bancaires situés en France et en Chine ainsi que l’appartement situé à Pékin sera soumise à la loi chinoise, 
  • tout l’immobilier situé en France sera soumis à la loi française.

Le testament de Monsieur Pomme aurait donc dû être différencié selon la nature des biens qu’il souhaite transmettre.

Monsieur Pomme n’était cependant pas à l’aise avec le contenu de la loi chinoise et nous a demandé une solution.

Afin d’éviter les incertitudes résultant de l’application de la loi chinoise, nous avons recommandé à Monsieur Pomme de faire une professio juris dans un testament dans lequel il a pu opter pour la loi française.  

Le règlement européen permet en effet de choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’Etat dont le testateur possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.  

En savoir plus sur la loi applicable au testament

Nous avons cependant prévenu Monsieur Pomme qu’en dehors de l’Europe, l’institution de la professio juris n’est pas toujours reconnue. C’est le cas en Chine.  

Par conséquent, la professio juris en faveur de la loi nationale de Monsieur Pomme s’appliquera à tous les biens mobiliers, bancaires et immobiliers situés en France. Les biens situés en Chine resteront dévolus selon la loi chinoise et c’est en anticipant cette réalité que le testament de Monsieur Pomme a été rédigé.

Une fois la loi applicable à sa succession déterminée, Monsieur Pomme a souhaité vérifier comment sera taxée sa succession.

Quelle sera la fiscalité applicable à la succession de Monsieur Pomme ?

Le traitement fiscal de la succession passe d’abord par la vérification de l’existence d’une convention fiscale internationale ou bilatérale permettant d’éviter les doubles impositions (en Chine et en France). En l’occurrence, la France et la Chine ne sont malheureusement pas liées par une convention permettant l’élimination des doubles impositions en matière de droit de mutation à titre gratuit. 

Chacun des pays appliquera donc ses propres règles de droit fiscal. 

En France, il faut se référer à l’article 750 ter du Code général des impôts.

Sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit :

1° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B ;

2° Les biens meubles et immeubles, que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, situés en France, et notamment les fonds publics français, parts d’intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et valeurs mobilières françaises, lorsque le donateur ou le défunt n’a pas son domicile fiscal en France au sens de l’article précité.

Pour l’application du premier alinéa, tout immeuble ou droit immobilier est réputé possédé indirectement lorsqu’il appartient à des personnes morales ou des organismes dont le donateur ou le défunt, seul ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et soeurs, détient plus de la moitié des actions, parts ou droits, directement ou par l’intermédiaire d’une chaîne de participations, au sens de l’article 990 D, quel que soit le nombre de personnes morales ou d’organismes interposés. La valeur des immeubles ou droits immobiliers possédés indirectement est déterminée par la proportion de la valeur de ces biens ou des actions, parts ou droits représentatifs de tels biens dans l’actif total des organismes ou personnes morales dont le donateur ou le défunt détient directement les actions, parts ou droits.

Sont considérées comme françaises les créances sur un débiteur qui est établi en France ou qui y a son domicile fiscal au sens du même article ainsi que les valeurs mobilières émises par l’Etat français, une personne morale de droit public française ou une société qui a en France son siège social statutaire ou le siège de sa direction effective, et ce quelle que soit la composition de son actif.

Sont également considérées comme françaises les actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé hors de France et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l’actif total de la société.

Pour l’application des deuxième et quatrième alinéas, les immeubles situés sur le territoire français, affectés par une personne morale, un organisme ou une société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en considération.

3° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, reçus par l’héritier, le donataire, le légataire ou le bénéficiaire d’un trust défini au même article 792-0 bis qui a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B. Toutefois, cette disposition ne s’applique que lorsque l’héritier, le donataire ou le bénéficiaire d’un trust a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.

Au terme de cet article, lorsque le défunt était domicilié hors de France mais que les héritiers ou légataires sont domiciliés en France au jour du décès où l’ont été pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années, tous les biens reçus par les héritiers ou légataires sont imposables en France. 

Par conséquent, les héritiers de Monsieur Pomme, ses deux enfants résidant en France, seront théoriquement taxés aux droits de successions français sur l’ensemble des biens de leur père, qu’ils soient situés sur le territoire français ou en Chine.

Afin d’éviter ces doubles impositions, au jour du décès de Monsieur Pomme, nous pourrons permettre à ses héritiers d’invoquer l’article 784 A du Code général des impôts afin d’imputer sur l’impôt dû en France le montant des droits acquittés hors de France sur les biens situés à l’étranger.  

« Dans les cas définis aux 1o et 3o de l’article 750 ter, le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté, le cas échéant, hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France. Cette imputation est limitée à l’impôt acquitté sur les biens meubles et immeubles situés hors de France ».

⚠️ En l’état du droit fiscal français, seuls sont pris en compte les impôts étrangers sur les biens étrangers, c’est-à-dire non situés en France. Les enfants de Monsieur Pomme n’obtiendront donc pas de crédit d’impôt dans le cas où la Chine impose les valeurs mobilières françaises ou l’appartement situé à Paris. C’est la raison pour laquelle nous avons conseillé à Monsieur Pomme d’affecter une assurance-vie et une prévoyance au paiement de cette potentielle double fiscalité au bénéfice de ses héritiers.

Est-ce votre cas ?

Si vous n’êtes pas dans ce cas spécifique, mais que vous avez un élément d’extranéité dans la gestion ou la transmission de votre patrimoine (exemple : biens détenus à l’étranger, enfants résidents hors de France, projets d’expatriation…), vous pouvez nous contacter.

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