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Droit des successions

Action en partage et réduction – même fin et prescription

Ccass. Civ 1ère, 5 fév 2025, n°22-21.349

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

L’action en réduction d’une donation se prescrit par 5 ans à compter du décès ou 2 ans à compter du jour où l’héritier a eu connaissance de l’atteinte à sa réserve. Ce délai s’interrompt à compter de la demande en justice.
Par principe l’interruption du délai de prescription ne peut s’étendre à deux actions de nature différente, sauf lorsque les deux actions poursuivent la même finalité. L’action en réduction poursuit la même finalité que la demande en partage et celle de rapport de sorte que la première peut bénéficier de la suspension de la seconde action.

Rappel du cadre légal

L’action en réduction permet aux héritiers réservataires de faire respecter leur réserve héréditaire lorsqu’une donation ou un legs porte atteinte à leurs droits réservés. Cette action vise à ramener la part reçue par le gratifié dans la limite de la quotité disponible, afin de rétablir l’équilibre successoral entre les héritiers réservataires et le bénéficiaire de la libéralité.

L’action en réduction ne peut être formée que par des héritiers réservataires et dans un délai de 5 ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

« La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. 

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». 

Faits et procédure

Un homme décède le 18 janvier 2014, et laisse pour lui succéder son épouse et ses deux enfants issus d’une première union. Le défunt laisse un testament olographe par lequel il institut son épouse légataire de la quotité disponible de sa succession en pleine propriété

Le défunt laisse également un contrat d’assurance-vie souscrit en 2002 dont la clause bénéficiaire prévoit un démembrement de propriété : son épouse est usufruitière du capital et les enfants de celle-ci sont nus-propriétaires.

Le conjoint survivant décide de renoncer à la succession en déposant une déclaration de renonciation à la succession de son époux en qualité d’héritières légale et testamentaire.

Deux ans après le décès, les héritiers réservataires assignent le conjoint survivant renonçant en ouverture des comptes, liquidation, partage et rapport de différents biens de la succession et notamment le rapport des sommes versées en exécution de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie et recel successoral. Aucune demande en réduction n’est formulée.

La Cour d’appel est saisie du litige et déclare irrecevable la demande en réduction.

La motivation de la Cour d’appel

La Cour d’appel juge irrecevable la demande en réduction portant sur la donation déguisée des biens meubles et des sommes d’argent reçues par le conjoint survivant, puisque la demande n’est intervenue pour la première fois que dans les conclusions d’appelant en date du 16 avril 2021, soit après l’expiration des délais de 2 ans et de 5 ans. Par conséquent la Cour d’appel juge irrecevable la demande en réduction formée trop tardivement.

La motivation au pourvoi

Les héritiers réservataires forment un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Dijon soutenant que la demande en justice des héritiers réservataires interrompait le délai de prescription de l’action en réduction. Certes, par principe l’interruption d’un délai de prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, mais il en est autrement lorsque les deux actions tendent à la même fin. De sorte que l’action en réduction est virtuellement comprise selon la Cour de cassation dans l’action aux fins de rapport.

Bien que le raisonnement soit proche, selon nos avocats spécialisés en droit des successions, c’est plutôt la reconstitution du patrimoine successoral paternel qui a les mêmes fins que l’action en réduction. C’est donc plus généralement, les demandes de comptes, liquidation et partage et de rapport qui ont également un effet interruptif de la prescription de l’action en réduction. Dans tous les cas, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations violant les dispositions des articles 2241 alinéa 1er et 2242 du Code civil.

Apport de la Cour de cassation

La Cour de cassation rend sa décision au visa de l’article 2241 du code civil, considérant d’abord qu’aux termes de cet article, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre. Néanmoins, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première. 

Pour déclarer l’action en réduction irrecevable car prescrite la demande en réduction de la donation de biens meubles consentie par l’époux à son épouse à l’occasion de la rédaction de leur contrat de mariage, formée par conclusions d’appel notifiées le 16 avril 2021, l’arrêt de la Cour d’appel retient que le délai de 5 ans prévu par l’article 921 aliéna 2 du Code civil expirait le 18 janvier 2019, et qu’au jour où les héritiers ont initié l’action en partage, en 2016, les héritiers réservataires avaient nécessairement connaissance de l’atteinte portée à leur réserve héréditaire puisqu’ils demandaient le rapport et la restitution de la quasi-totalité du patrimoine de leur père. 

Pourtant, la Cour d’appel a bien constaté que la demande en réduction tendait à la même fin que celles soumises aux premiers juges : la reconstitution successorale du patrimoine familial paternel que les héritiers estimaient avoir été détourné frauduleusement à leur détriment, la cour d’appel n’a pas tiré les constations et a violé les dispositions de l’article 2241 du Code civil. 

En conclusion, lorsque plusieurs actions, même distinctes, poursuivent la même finalité (ici, la reconstitution du patrimoine successoral), l’interruption de la prescription de l’une peut s’étendre à l’autre.