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Droit des successions

Succession - Inertie de l'héritier sommé d'opter

Cass. civ. 1ere, 5 fev. 2025, RG n°22-22.618, F-B-R (rejet)

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

À l’expiration d’un délai de quatre mois après le décès, l’héritier peut être sommé d’exercer son option successorale. S’il ne le fait pas dans les deux mois de la sommation, il est réputé acceptant pur et simple. Il se trouve alors privé de la possibilité de renoncer ou d’accepter à concurrence de l’actif net.

Contexte

Option successorale

L’option successorale confère à chaque héritier la faculté de choisir librement le parti qu’il souhaite adopter dans la succession à laquelle il est appelé.

Les héritiers ont le choix entre trois possibilités : 

  • renoncer à la succession,
  • accepter à concurrence de l’actif net. Ils ne seront tenus des dettes du défunt qu’à hauteur de l’actif successoral. Ce régime a remplacé l’acceptation sous bénéfice d’inventaire,
  • accepter purement et simplement la succession. Cette dernière option peut s’exprimer de manière expresse ou tacite, et les héritiers sont alors tenus à la totalité du passif y compris sur leur propre patrimoine,

« L’héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer. Il peut également accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’il a une vocation universelle ou à titre universel.

Est nulle l’option conditionnelle ou à terme. »

Les délais

Trois délais concernent l’option successorale.

Délai de renonciation tacite : ce délai de prescription de dix ans court à compter de l’ouverture de la succession. À son issue, l’héritier demeuré silencieux est réputé renonçant.

« La faculté d’option se prescrit par dix ans à compter de l’ouverture de la succession.

L’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.

La prescription ne court contre l’héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu’à compter de l’ouverture de la succession de ce dernier.

La prescription ne court contre l’héritier subséquent d’un héritier dont l’acceptation est annulée qu’à compter de la décision définitive constatant cette nullité.

La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d’ignorer la naissance de son droit, notamment l’ouverture de la succession. »

Délai avant sommation : ce délai de quatre mois s’écoule à compter du décès pour préserver l’héritier de toute contrainte. À son terme les héritiers peuvent être sommés de prendre parti par un créancier successoral, tout autre héritier ou l’État.

« L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.

A l’expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’État. »

 

Délai après sommation : un délai de deux mois à compter de la réception de la sommation de prendre parti, au terme duquel l’héritier doit avoir opté ou sollicité un délai supplémentaire au juge. À défaut, il est réputé acceptant pur et simple.

« Dans les deux mois qui suivent la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu’il n’a pas été en mesure de clôturer l’inventaire commencé ou lorsqu’il justifie d’autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi.

À défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple. »

C’est de ce dernier délai dont il est question dans l’arrêt ici commenté par nos avocats spécialisés en droit de successions : Cass. 1ere civ., 5 févr. 2025, no 22-22.618

Arrêt

Faits et procédure

Par actes des 17, 18, 19 juillet 2019, un syndicat de copropriétaires, invoquant une créance de charges de copropriété dues par le défunt, somme ses trois enfants d’opter. 

Les enfants ne prennent pas partie et à l’expiration du délai de deux mois suivant la sommation, le syndicat des copropriétaires les assignent en paiement de la dette du défunt en leur qualité d’héritiers réputés acceptants.

La Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 7 juillet 2022 fait droit à cette demande et condamne solidairement les enfants, en qualité d’héritiers de leur père, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 91 545,25 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 30 juin 2021.

Pourvoi et réponse de la Cour de cassation

Les enfants se pourvoient en cassation en arguant que l’écoulement du délai de deux mois n’a pas pour effet de priver l’héritier de son option. 

Ils considèrent qu’à défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois à compter de la sommation d’opter, l’héritier est réputé acceptant, mais qu’il n’est cependant pas privé de la faculté de renoncer efficacement à la succession tant qu’une décision judiciaire le déclarant acceptant pur et simple n’est pas encore passée en force de chose jugée. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi au visa des article 771 et 772 du code civil. Elle édicte qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, l’héritier peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti et qu’à l’expiration de ce délai, s’il n’a pas pris parti et n’a pas sollicité de délai supplémentaire auprès du juge, il est réputé acceptant pur et simple de la succession. Il ne peut alors plus y renoncer, ni l’accepter à concurrence de l’actif net.

L’impossibilité d’opter à laquelle il se heurte ne résulte pas de l’expiration du délai. Elle est la conséquence directe du statut d’héritier acceptant pur et simple. Comme il a déjà – fictivement – exercé l’option en faveur de l’acceptation, il ne peut plus renoncer. 

Il ne s’agit donc pas de présumer que l’héritier a accepté purement et simplement la succession mais bien de considérer qu’il l’a fait.

Contrairement à ce qui était soutenu par les demandeurs au pourvoi, l’acquisition du statut d’héritier réputé acceptant opère de plein droit. Il n’est donc pas nécessaire qu’un jugement le constate pour que l’impossibilité de renoncer qui en découle devienne impossible.

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Publié le 14 Sep 2022