Aller au contenu

Procédure

Procédure - Le point de départ glissant du délai de prescription de l’action en responsabilité

Cass. ch. mixte, 19 juill. 2014, n°20-23.527 n°22-18.729

Patrimoine - Fiscalité

Enseignement de l'arrêt

Le point de départ d’une action en responsabilité pour un dommage court à compter du jour ou le dommage se manifeste.
Le point de départ d’une action récursoire de l’auteur d’un dommage, contre son coauteur, court à compter du jour ou sa responsabilité est engagée à titre principal.

Rappel du contexte juridique

L’article 2224 du code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Cet article le pose le principe du délai de prescription de droit commun de 5 ans et son point de départ qui est dit « glissant ». 

En effet le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire connait ou aurait du connaître le fait à l’origine de l’action qu’il souhaite exercer.

La Cour de cassation a apporté des précisions sur ce point de départ « glissant » à travers deux arrêts du 19 juillet 2024.

Apport de la cour de cassation sur la date du point de départ glissant en présence d’une procédure

Le point de départ de la contestation d’un acte notarié après un redressement fiscal

Dans la première affaire il est question d’une donation avant cession de parts sociales. 

L’administration ouvre un contentieux relatif à l’impôt sur la plus-value par un avis de mise en recouvrement du 30 septembre 2002. Les parties à la donation, contribuables, contestent cet avis.

10 ans plus tard, le 22 février et le 21 mai 2012, le Conseil d’État donne raison à l’administration fiscale en rejetant le pourvoi formé par les contribuables.

Le 14 novembre 2013, les ayants droits des parties à l’acte de donation assignent le notaire en responsabilité et indemnisation.

Étaient-ils cependant encore dans le délai pour agir en responsabilité ?

La Cour d’appel estime que l’action est prescrite fixant son point de départ à la date de l’avis de mise en recouvrement (30 septembre 2002).

La Cour de cassation censure la Cour d’appel, estimant que le point de départ de l’action en responsabilité est le jour où le dommage se manifeste. 

Or, elle estime qu’il ne se manifeste qu’au jour où la décision confirmant la condamnation fiscale passe en force de chose jugée ou devient irrévocable (c’est-à-dire qu’elle n’est plus susceptible de recours). 

Le point de départ est donc le jour du prononcé de la décision ayant condamnée le contribuable soit, le 21 mai 2012. Ainsi en assignant le notaire en responsabilité le 14 novembre 2013 les ayants droits des parties à l’acte de donation ne sont pas prescrit.

La perte de chance de cumuler droits légaux et testamentaires

Dans la seconde affaire, un notaire est condamné par arrêt du 21 septembre 2016 (devenu irrévocable) à indemniser un conjoint survivant, pour perte de chance de cumuler ses droits légaux et testamentaires.

Il convient de noter qu’un acte sous seing privé posant les bases du partage avait été établi en 2008. Il était la source du dommage reproché au notaire.

Le notaire est assigné en responsabilité par le conjoint survivant le 12 avril 2010 et est condamné le 21 septembre 2016.

Le notaire et ses assureurs engagent ensuite une action récursoire le 21 décembre 2017 contre l’avocat du conjoint survivant, intervenu en sa qualité de conseil lors de l’acte sous seing privé établissant les bases du partage.

Se posait la question de savoir si l’action récursoire intentée par le notaire était prescrite.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel estimant que l’action est prescrite. Elle explique que le point de départ est constitué par la date de l’assignation en responsabilité délivrée au notaire. 

La Cour de cassation précise donc -contrairement à la décision précédente- qu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’issue de la procédure pour permettre au notaire de connaître les faits lui permettant d’agir contre le coauteur du dommage qu’il a causé.

Un point de départ qui dépend de la nature de l’action

Il convient ainsi de distinguer les actions principales et récursoires.

Dans la première affaire il est question d’une action en responsabilité principale et dans la seconde d’une action récursoire.

En présence d’une action récursoire, l’auteur de l’action est présumé (selon un principe de présomption simple) avoir connaissance des faits qui lui permettent d’agir contre son coauteur, dès l’assignation délivrée a son encontre et mettant en jeux sa responsabilité.

Ainsi une personne qui estime ne pas être seule à devoir répondre de dommages allégués à son encontre, doit agir immédiatement contre ses coauteurs potentiels, sans attendre une éventuelle condamnation.