Jurisprudences
Point de départ de la prescription de la créance d’assistance d’un héritier
Cass. civ. 1ere, 30 avril 2025, n°23-15.838
Liquidation et partage de successions
Enseignement de l'arrêt
L’aide et l’assistance doit excéder les exigences de la piété filiale, les prestations fournies doivent avoir appauvries l’assistant l’aide ou doit avoir permis au parent assisté de s’enrichir.
Le délai de prescription pour demande de paiement se prescrit par 5 ans, à compter du jour de l’aide et non au jour du décès.
Rappel du cadre légal
La créance d’assistance peut être revendiquée contre la succession par un héritier qui a assisté le défunt ayant perdu son autonomie en raison de l’âge ou de la maladie.
Toutefois, la jurisprudence exige que l’aide apportée par le descendant (ou tout héritier) ait dépassé les exigences de la piété filiale : « une telle créance ne peut exister que si le descendant démontre que son aide est allée « au-delà des exigences de la piété filiale » (Cour de Cassation, 1ere Chambre civile, 12-7-1994 n° 92-18.639 : Bull. civ. I n° 250, D. 1995 p. 623…).
La piété filiale, qui trouve son fondement légal à l’article 371 du Code civil « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère ». Cet article impose à l’enfant, à tout âge, honneur et respect envers ses parents, mais seul un dévouement hors norme ouvre droit à une créance contre la succession : seul un dévouement hors norme ouvre une créance contre la succession.
Cette créance est soumise au délai de prescription de droit commun prévu par l’article 2224 du Code civil.
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
A compter de quelle date le délai de prescription pour demander le paiement d’une créance d’assistance, commence-t-il à courir ?
Faits et procédure
Des époux décèdent respectivement en 1989 et en 2014. Ils laissent pour leur succéder 7 enfants, ainsi que quatre petits enfants venant en représentation de leur mère, prédécédée.
Des difficultés interviennent au stade des opérations de partage de la liquidation. Certains héritiers assignent les autres en comptes, liquidation et partage. Une demande de condamnation aux fins de paiement par l’indivision successorale d’une indemnité de 35.000 € au titre d’une créance d’assistance et des soins apportés par un héritier à la mère.
La Cour d’appel est saisie du litige et rend son arrêt le 3 novembre 2022, laquelle fait droit à la demande de créance d’assistance.
Un pourvoi en cassation est formé.
Motivation au pourvoi
Les demandeurs au pourvoi motivent leur demande par la prescription de la créance. Ils invoquent que la créance d’aide et d’assistance apportée à un parent est immédiatement exigible et que consécutivement, le délai de prescription commence à courir au jour où l’aide et l’assistance ont été apportées.
Pour écarter cette fin de non-recevoir constituée par la prescription, la Cour d’appel retient que l’indemnisation au titre de l’aide et de l’assistance apportée à la mère défunte est née à l’encontre de la succession de la mère, soit au jour du décès, le 23 avril 2014.
Apport de la Cour de cassation
La Cour de cassation prononce son arrêt au visa de l’article 2224 du Code civil et des principes qui régissent l’enrichissement sans cause.
Dans un premier temps, la cour de Cassation réaffirme les conditions permettant de faire droit au paiement d’une créance d’assistance :
- l’aide et l’assistance doit excéder les exigences de la piété filiale ;
- les prestations fournies doivent avoir appauvries l’assistant
- l’aide doit avoir permis au parent assisté de s’enrichir (en économisant par exemple une assistance médicale ou à domicile).
Elle affirme surtout que cette créance est immédiatement exigible au jour de l’aide apportée et se prescrit ainsi à compter de la date à compter de laquelle celui qui la revendique a connu les faits lui permettant d’exercer son action.
La différence s’explique par une conception de la créance d’assistance avec la Cour d’appel :
- pour cette dernière, la créance d’assistance est une indemnisation de l’appauvrissement résultant de l’exécution d’une obligation naturelle excédant les exigences de la piété filiale et ayant procuré un profit au parent qui en a bénéficié. Cet appauvrissement serait unique et définitivement caractérisé au décès du parent,
- pour la Cour de cassation, la créance d’assistance est une rémunération d’une obligation à exécution successive, revendicable immédiatement et tous les mois.
En statuant ainsi la Cour d’appel viole les dispositions et les principes précités.
La Cour de cassation annule l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’elle condamne l’indivision successorale au paiement d’une créance d’assistance considérant que la demande est prescrite.
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