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Droit des successions

La prescription de l’action tendant à la fixation de la mise à prix d’un immeuble dont la licitation a été ordonnée

Cass. civ. 2e, 26 janv. 2023, n°21-18.653

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

Le délai de prescription de l’action tendant à la fixation de la mise à prix d’un immeuble dont la licitation a été ordonnée est de 10 ans.

La procédure de licitation et la mise à prix

La licitation

Pour sortir d’une indivision, le bien doit être liquidé et partagé. Cette sortie de l’indivision peut avoir lieu par le biais d’une attribution à l’un des indivisaires, la vente amiable à un tiers ou la vente aux enchères, aussi appelée licitation judiciaire

La procédure de licitation judiciaire est prévue à l’article 1686 du code civil, lequel dispose :

« Si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ;

Ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s’en trouve quelques-uns qu’aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre,

La vente s’en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires. ».

La licitation concerne donc l’hypothèse dans laquelle au sein d’une indivision, en cas de mésentente entre les indivisaires notamment, un bien ne parvient pas à être divisé ou attribué entre eux. 

La mise à prix

La mise à prix est le point de départ des enchères dans le cadre de la vente forcée d’un bien. Il diffère donc du prix d’adjudication, c’est-à-dire le prix effectif de vente, qui sera retenu.

Apport de l’arrêt

Rappel des faits et de la procédure

Deux parents décèdent respectivement en 1986 et en 1996 et laissent pour leur succéder leurs trois enfants. 

Par jugement du 18 janvier 2005 le partage et la licitation des immeubles est ordonnée à la demande du liquidateur judiciaire de l’un des trois héritiers. Le jugement est confirmé par un arrêt du 15 janvier 2007 devenu irrévocable. Une première erreur semble résider ici dans l’absence de fixation de la valeur de mise à prix des immeubles par les décisions de justice. Les décisions étudiées ne révèlent pas s’il s’agit d’un oubli de l’avocat du liquidateur ou d’un débouté du juge. 

En conséquence et avec beaucoup de délai, le 23 juillet 2018, le liquidateur judiciaire assigne les cohéritiers en fixation de la mise à prix des immeubles.

L’un des héritiers invoque une fin de non-recevoir tirée du dépassement du délai d’exécution de l’arrêt du 15 janvier 2007 en application de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution. 

La Cour d’appel rejette la fin de non-recevoir et fixe la mise à prix des immeubles, considérant qu’il ne s’agit pas de procéder au recouvrement des sommes dues mais de mener la procédure de partage. 

Elle considère notamment que l’action aux fins de voir fixer la mise à prix des biens dont la licitation a été ordonnée n’est que la suite de l’action en partage engagée antérieurement et est donc imprescriptible (comme toute action en partage).

Apport de l’arrêt

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et indique que l’action en fixation de la mise à prix des immeubles est soumise à la prescription de dix ans de l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution. 

Aux termes de l’article L 111- 4 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution des décisions de justice ayant force exécutoire ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement de créances contenues dans ces décisions se prescrivent par un délai plus long.

« L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l’article 2232 du code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa ».

En application des articles L 411-3 alinéa du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, statue au fond.

« La Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

Elle peut aussi, en matière civile, statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.

En matière pénale, elle peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée.

En ces cas, elle se prononce sur la charge des dépens afférents aux instances civiles devant les juges du fond.

L’arrêt emporte exécution forcée.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».

« La Cour de cassation peut casser sans renvoyer l’affaire dans les cas et conditions prévues par l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ».

Elle déclare donc irrecevable la demande du liquidateur judiciaire en ce qu’elle a été introduite le 23 juillet 2018, soit près de 11 ans après que l’arrêt confirmatif ordonnant le partage et la licitation soit devenu irrévocable. 

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