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Droit de la famille

Divorce – Résidence habituelle et droit de l’Union

Cass. civ. 1ère, 30 nov. 2022, FS-B, n° 21-15.988

Divorce – Séparation de corps, Droit international privé de la famille

Enseignement de l'arrêt

Des époux étrangers (belges) s’étant mariés en Belgique peuvent faire reconnaître leur résidence habituelle en France lorsque le centre habituel de leurs intérêts économiques et sociaux est en France.

Le critère de la résidence habituelle en droit de l’Union

La règle de conflit de juridictions

L’article 3 du règlement européen CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, appelé « Bruxelles II bis » énonce une règle de compétence générale de la juridiction européenne compétente en matière de divorce en son paragraphe 1 : 

« 1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

— la résidence habituelle des époux, ou

— la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

— la résidence habituelle du défendeur, ou

— en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou

— la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

— la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son « domicile» ; ».

La compétence de principe appartient donc au juge de la résidence habituelle des époux.

Cette règle est reprise dans le nouveau règlement européen (UE) 2019/1111 du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte) appelée « Bruxelles II Ter ».

Ce dernier est entré en vigueur le 22 juillet 2019 et s’appliquer aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques enregistrés et aux accords conclus depuis le 1er août 2022

Ainsi, l’article 3 paragraphe 1 du nouveau règlement reprend la notion de compétence générale et dispose que : 

« Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

i) la résidence habituelle des époux,

ii) la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore,

iii) la résidence habituelle du défendeur,

iv) en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux,

v) la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

vi) la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est ressortissant de l’État membre en question; ou

b) de la nationalité des deux époux. » 

La définition de la résidence habituelle

Malgré la refonte de Bruxelles II bis, la définition de la notion de « résidence habituelle » est encore absente des définitions exposées dans le règlement. 

Il a donc fallu que la jurisprudence prenne le relais pour définir cette notion clé.

Retenons pour commencer un arrêt du 25 novembre 2021 de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui retient que la notion de résidence habituelle des époux est autonome du droit de l’Union et qu’il faut donc rechercher une interprétation en tenant compte du contexte des dispositions mentionnant celle-ci et des objectifs de ce règlement… c’est vague !

Heureusement, la Cour de Justice de l’Union Européenne va un peu plus loin puisqu’elle indique que la notion de résidence habituelle est constituée de deux éléments : 

  • la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé, 
  • une présence suffisamment stable sur le territoire de l’État membre concerné. 

Elle précise d’ailleurs les intérêts en question sont diversifiés : professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d’ordre privé et familial (CJUE 25 nov. 2021, aff. C-289/20).

La détermination de la résidence habituelle par la Cour de cassation

Les faits de l’espèce

En l’espèce, deux personnes de nationalité belge se marient en Belgique. Quelques années plus tard, l’épouse saisit un juge français d’une requête en divorce. La compétence de ce juge est alors débattue, au regard des dispositions du règlement « Bruxelles II bis », l’action ayant été intentée avant le 1er août 2022.

La question présentée à la Cour de cassation portait sur la détermination du lieu de la résidence habituelle de ces époux. Ces derniers ayant des attaches à la fois en France et en Belgique.

Une résidence habituelle en France confirmée par la Cour de cassation

Dans cet arrêt du 30 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation fait application de la méthode consistant en l’examen d’un ensemble de circonstances de fait propres à la situation des époux belges. 

En première instance, les juges du fond avaient relevé que les époux étaient propriétaires en Belgique d’une maison occupée par l’une de leurs filles depuis 2013 et d’une villa en France où ils s’étaient installés depuis le mois de juin 2018 et y avaient transféré différents meubles en provenance de leur maison en Belgique. Ils avaient également relevé que si le couple avait conservé des intérêts administratifs et financiers en Belgique, il résidait essentiellement dans cette villa et effectuait la presque totalité de ses dépenses courantes dans la région, où il avait développé un réseau relationnel et amical. 

Les juges du fond en avaient déduit que la résidence habituelle du couple se situait en France, où il avait eu l’intention de fixer le centre habituel de ses intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable.

Après avoir relevé que les juges du fond avaient, par leur pouvoir souverain, fait cette déduction, la Cour de cassation retient que les juges du fond ont légalement justifié leur décision de déclarer la compétence du juge français. 

En conclusion, la Cour de cassation confirme la solution selon laquelle la résidence habituelle d’époux se trouve dans le pays où ils avaient eu l’intention de fixer le centre habituel de leurs intérêts économiques et sociaux et ce en y menant une vie sociale suffisamment stable.

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