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Droit de la famille

Divorce - Clause prévoyant le règlement d’une prestation compensatoire lors de la vente d’un immeuble dans un certain délai

Cass. civ. 3eme, 13 fev. 2025, n°23-18749

Divorce – Séparation de corps

Enseignement de l'arrêt

La clause prévoyant la conversion d’un droit d’usage et d’habitation en capital si la vente d’un bien immeuble intervient dans un certain délai peut être interprétée comme remplie au jour de la promesse unilatérale de vente signée par l’ex-époux (débiteur) et l’ex-épouse (créancière).

Rappels juridiques

La prestation compensatoire est un mécanisme visant à combler la disparité que crée la rupture du mariage dans les conditions de vie des époux.

Elle est évaluée en fonction de plusieurs critères contenus dans la loi dont la liste n’est pas exhaustive :

  • la durée du mariage
  • l’âge et l’état de santé des époux, 
  • le patrimoine des époux, 
  • les droits à la retraite, 
  • les conséquences résultant des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, etc.

Conformément aux termes de l’article 274 du Code civil, la prestation compensatoire peut prendre diverses sommes :

  • un capital versé en une seule fois ou en plusieurs règlements,
  • une rente viagère (dans des cas spécifiques),
  • l’attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit (l’accord de l’époux débiteur étant exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation).

Article 274 du Code civil

« Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation. »

L’article 276 du Code civil prévoit également la possibilité d’une rente viagère « à titre exceptionnel ».

Article 276 du Code civil

« A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271.

Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l’imposent, par l’attribution d’une fraction en capital parmi les formes prévues à l’article 274. »

Quelle que soit sa forme, la prestation compensatoire doit être déterminée mais elle peut aussi être simplement déterminable, permettant aux avocats spécialisés en divorce d’imaginer des formes très adaptées aux situations des époux.

Faits de l’espèce

Un jugement du 15 février 2012 homologue la convention de divorce de Monsieur [Z] et Madame [W], se référant à une convention d’indivision du 24 mai 2011.

La convention de divorce prévoit une prestation compensatoire au profit de l’épouse sous la forme, notamment, d’un droit d’usage et d’habitation sur un immeuble maintenu en indivision, convertissable, selon la convention d’indivision, en capital de 66 000 € en cas de vente de l’immeuble indivis dans le délai de cinq ans suivant le divorce.

Le 16 décembre 2016, les ex-époux concluent une promesse unilatérale de vente portant sur cet immeuble.La vente est définitivement réitérée le 10 mars 2017.

Le notaire verse à l’ex-épouse – outre la part du prix correspondant à ses droits indivis – la somme de 66 000 € correspondant à la prestation prévue par la convention de divorce.

L’ex-époux assigne son ancienne conjointe en restitution de cette somme.

Après le rejet de sa demande en appel, Monsieur [Z] se pourvoit en cassation. Il considère que la vente n’est pas intervenue dans le délai de cinq ans, la promesse de vente ne valant pas vente.

Position de la Cour de cassation

La Cour de cassation considère que :

  • la Cour d’appel n’a pas énoncé que la vente avait été définitivement conclue dès le 16 décembre 2016, ni que la promesse valait vente à cette date (la Cour d’appel s’est davantage intéressée à l’engagement ferme et définitif des époux) ;
  • la Cour d’appel a souverainement interprété les termes de la promesse unilatérale de vente et de la convention et a retenu que la promesse valait engagement ferme et irrévocable des ex-époux de vendre l’immeuble indivis ; 
  • cet engagement étant intervenu dans les cinq ans de l’homologation de la convention de divorce, les conditions de la conversion du droit d’usage et d’habitation de Madame [W] étaient réunies. 

Dans le cadre d’une convention de divorce (ou autre contrat) et si des effets sont attachés à la vente d’un bien immobilier dans un certain délai, il est conseillé de préciser expressément si le terme de « vente » fait référence à un compromis de vente et/ou promesse de vente ou de la réitération de la vente définitive.

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Publié le 05 Fév 2025

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