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Droit des successions

Droit de partage et clause de préciput

Cass. civ. 1ere, 21 mai 2025, n°25-19-750, avis

Liquidation et partage de successions

Enseignement de l'arrêt

Le prélèvement au titre d’une clause de préciput n’étant pas un partage, il ne donne pas lieu au règlement droit de partage.

Rappel du cadre légal

La clause de préciput

Prévue par les articles 1515 à 1519 du Code civil, la clause de préciput est une convention intégrée au sein d’un contrat de mariage et offrant à un conjoint survivant la faculté de prélever avant le partage du régime matrimonial sans aucune contrepartie, une certaine somme ou certains biens en nature faisant partie de la communauté ou une certaine quantité d’une catégorie de biens déterminée. 

La clause de préciput n’est pas considérée comme une donation (article 1516 du Code civil). Les époux sont considérés comme des associés dans le cadre de leur convention de mariage.

« Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens ».

« Le préciput n’est point regardé comme une donation, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais comme une convention de mariage et entre associés ».

« Lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas lieu à la délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie, sous réserve de l’article 265. Il peut exiger une caution de son conjoint en garantie de ses droits ».

«Les créanciers de la communauté ont toujours le droit de faire vendre les effets compris dans le préciput, sauf le recours de l’époux sur le reste de la communauté. »

Le préciput autorise un prélèvement d’un bien commun sans indemnité ni contrepartie financière. Il porte donc atteinte à l’égalité du partage et procure un réel avantage ou enrichissement à l’époux bénéficiaire.

Cette clause protège le conjoint survivant, lui permet d’être certain de conserver un bien déterminé à l’issue de la liquidation du régime matrimonial et permet d’éviter les désavantages d’une indivision sur certains biens (parts sociales, actions, fonds de commerce, etc…).

Le droit de partage

Le droit de partage est un impôt prélevé par l’Administration fiscale lors d’une situation de partage de biens (immobiliers et mobiliers), que le partage ait lieu dans le cadre d’une succession, d’un divorce ou d’une séparation entre des concubins ou des partenaires. Les biens concernés sont ceux acquis ensemble par des époux, partenaires, etc. ou ceux intégrant l’actif d’une succession et partagés entre les héritiers. 

L’imposition est appliquée sur la valeur nette du patrimoine partagé – c’est-à-dire après déduction du passif – entre les époux, partenaires, héritiers, etc. 

Le taux de ce droit de partage s’élève à 1,1 % lorsqu’il s’agit de liquider un régime matrimonial ou une indivision entre partenaires à l’occasion de leur séparation et à 2,5% lorsqu’il s’agit de partager des biens appartenant à des concubins, une succession.

En savoir plus sur les partages purs et simples dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques – Impôts.

Faits et procédure

Au cours de son mariage, un couple modifie son régime matrimonial et insère une clause de préciput au profit du conjoint survivant

L’époux décède en 2016 en laissant pour lui succéder son épouse et leurs trois enfants. 

En application de la clause de préciput, l’épouse prélève le domicile conjugal, la résidence secondaire et les meubles meublants des deux biens immobiliers. 

Par la suite, l’Administration fiscale, se fondant sur l’article 746 Code Général des Impôts, adresse une proposition de rectification à l’épouse, considérant que les biens prélevés par ses soins au titre du préciput doivent être soumis au droit de partage.

« Les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 %. »

Le conjoint survivant saisit le Tribunal judiciaire de Niort. Ses demandes sont favorablement accueillies et l’Administration fiscale saisit donc la Cour d’appel de Poitiers qui, par arrêt du 4 juillet 2023, confirme la décision des juges du fond, en considérant que l’application d’une clause de préciput ne constitue pas une véritable opération de partage ouvrant droit à taxation supplémentaire. 

L’Administration fiscale forme un pourvoi en cassation. 
Par décision du 16 octobre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a transmis à la première chambre civile une demande d’avis portant sur la question suivante « Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l’article 1515 du code civil constitue-t-il une opération de partage ? »

Apport de la Cour de cassation

Aux termes de son avis du 21 mai 2025, la Cour de cassation rappelle que l’opération de partage, qui donne donc lieu à l’imposition au droit de partage, se définit comme celle qui « à l’issue du processus permettant de mettre fin à une indivision, contribue directement à la division de la masse indivise, préalablement liquidée et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs ». 

Elle poursuit en listant les différences entre le prélèvement effectué en application d’une clause de préciput et les opérations de partage. Ainsi : 

  • le premier s’effectue dans la limite de l’actif net de la communauté, qui est donc préalablement liquidée, et avant tout partage,
  • le prélèvement s’effectuant sans contrepartie, les biens qui en sont l’objet ne s’imputent pas sur la part du conjoint survivant
  • son exercice relève d’une faculté unilatérale et discrétionnaire du conjoint survivant, contrairement aux opérations de partage qui s’effectue dans un cadre amiable ou judiciaire.

La Cour de cassation en déduit que le prélèvement effectué au titre d’une clause de préciput ne constitue pas une opération de partage. 

Consécutivement, un tel prélèvement ne peut pas donner lieu au versement d’un droit de partage. 

Les avocats spécialisés en droit des régimes matrimoniaux et des successions du cabinet Canopy conseillent ainsi aux époux qui souhaitent s’avantager au prédécès de l’un d’eux d’insérer une clause de préciput dans leur contrat de mariage, surtout en présence d’enfants non communs puisque les biens prélevés ne sont alors pas déduits de ses droits successoraux.

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