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Le legs de la quotité disponible en présence d’héritier réservataire est qualifié par principe, et suivant une présomption simple, de legs universel.
Cependant, la Cour de cassation a pu retenir, au regard de l’interprétation de la volonté du de cujus, que ce legs devait être qualifié de legs à titre universel.
La présomption peut donc être renversé.
Rappel des notions
Legs universel
Le legs universel est défini par l’article 1003 du code civil.
L’article 1003 du code civil dispose que :
« Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès. »
Ainsi, le légataire universel est le continuateur du de cujus, et possède une vocation à la totalité des biens de ce dernier.
En l’absence d’héritier réservataire, le légataire détient la propriété privative de l’ensemble des biens laissés par le de cujus, exception faite des biens éventuellement légués à titre particulier.
En présence d’héritiers réservataires, le légataire universel dispose d’une option : il peut opter pour la réduction en valeur (article 924 du code civil), ou pour la réduction en nature (article 924-1 du code civil) :
- en cas de réduction en valeur, le légataire universel est propriétaire exclusif de l’ensemble des biens. Seule une action en réduction pour atteinte à la réserve est ouverte aux héritiers réservataires, en revanche, toute action en partage serait irrecevable.
- en cas de réduction en nature, le légataire universel n’a droit qu’à une quote-part des biens du de cujus. Il dispose donc de droits indivis, qui nécessite un partage successoral.
Legs à titre universel
Le légataire à titre universel est défini par l’article 1010 du code civil.
L’article 1010 du code civil dispose que :
« Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier.
Tout autre legs ne forme qu’une disposition à titre particulier. »
Comme indiqué ci-dessus, le legs universel donne droit à une vocation au tout. En revanche, le legs à titre universel, ne porte pas sur une vocation au tout, mais seulement à une part du tout. Il ne porte pas sur un ou plusieurs biens déterminés (auquel cas il s’agit d’un legs à titre particulier), mais sur une partie du tout (tous les immeubles, tous les meubles, ou une quote-part de ces deux catégories de biens).
Quotité disponible
Les notions de quotité disponible et de réserve héréditaire sont définies par le code civil.
A ce titre, l’article 912 du code civil dispose que :
« La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.
La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. »
Ainsi, la quotité disponible consiste donc en la part des biens dont le défunt peut disposer librement.
En présence d’héritier(s) réservataire(s), la quotité disponible est limitée à une part des droits et biens du défunt.
Qualification du legs de la quotité disponible
La jurisprudence est régulièrement confrontée à la qualification du legs de la quotité disponible. Cette qualification du legs de la quotité disponible ne fait pas l’objet de discussion en l’absence d’héritier(s) réservataire(s), mais cette question réapparait en présence d’héritier(s) réservataire(s).
Le legs de la quotité disponible en l’absence d’héritier(s) réservataire(s)
En l’absence d’héritiers réservataires, il est possible pour le de cujus de léguer la totalité de ses biens à un légataire.
Dans ce cas, ce dernier dispose d’une vocation au tout, et ainsi, la qualification de legs universel ne fait aucunement débat.
Le legs de la quotité disponible en présence d’héritier(s) réservataire(s)
Cependant, en présence d’héritier(s) réservataire(s), des difficultés d’interprétation et de qualification peuvent survenir, notamment, car il existe une incertitude quant à l’objet du legs de la quotité disponible.
Tout d’abord, une solution de principe semble avoir été dégagée de longue date par la Cour de cassation. La Première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé dès 1987 que :
« Attendu que le donataire de l’universalité des biens à venir est assimilé à un légataire universel et que la donation ou le legs de la quotité disponible est une donation ou un legs universel » (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 5 mai 1987, n°85-15.392).
Une telle solution a été rappelée plus récemment par la Première chambre civile de la Cour de cassation qui a jugé que : « M. Pierre X…, légataire de l’ensemble de la quotité disponible en vertu du testament de Victor X… du 11 avril 1993, était légataire universel » (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 28 octobre 2015, n°12-12.263).
Cependant, cette solution ne semble poser qu’une présomption simple de qualification du legs de quotité disponible en legs universel, au regard d’un arrêt récent, rendu en 2021 par la Première chambre civile de la Cour de cassation.
En l’espèce, un défunt a institué un de ses deux enfants légataires de la quotité disponible. L’enfant qui n’avait pas bénéficié du legs a formé un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir constaté que le légataire avait qualité de légataire universel.
Or la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « contrairement aux énonciations du moyen, la cour d’appel n’a pas constaté que [W] [B] avait institué sa fille, Mme [H] [B], en qualité de légataire universel, mais qu’il avait institué celle-ci légataire de la quotité disponible » (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 17 novembre 2021, n° 20-11.732). Commentant cet arrêt, la doctrine indique que si le principe semble être que le legs de la quotité disponible doit être qualifié de legs universel, il ne s’agit que « d’une présomption simple » et que « si la preuve de la volonté contraire du défunt peut être rapportée alors le legs sera qualifié de legs à titre universel ». (Droit patrimonial de la famille, interne et international – Sara Godechot-Patris – Clothilde Grare-Didier – D. 2022. 2063).
Il ne semble donc pas que la solution de principe soit changée :
- le legs de quotité disponible sera qualifié de legs à titre universel par présomption simple,
- la preuve contraire peut cependant être apportée si les juge du fond constate que la preuve d’une volonté du défunt de voir instituer le légataire de la quotité disponible légataire à titre universel et non pas légataire universel.
Relevons que le Comité de consultation du CRIDON de Paris, (qui rappelons-le n’a aucun pouvoir normatif et doit être considéré pour ce qu’il est : un avis d’expert) a récemment considéré que le legs de la quotité disponible doit être analysé en un legs à titre universel en présence d’héritiers réservataires.
Par Cléa Milet et Capucine Bohuon, le 22 avril 2025
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