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Droit des successions

Successions internationales - Les juridictions de l’État membre de résidence de l’héritier ne sont pas compétentes pour connaître des effets juridiques des déclarations d’acceptation ou de renonciation à une succession

CJUE, 9eme, 27 mars 2025, Ławida, C57-24

Droit international privé de la famille

Enseignement de l'arrêt

L’article 13 du règlement Successions fonde la compétence des juges du lieu de résidence pour recevoir une déclaration d’acceptation ou de renonciation de la succession, d’un legs.

Cet article est d’interprétation stricte. Les juges ainsi saisis ne peuvent pas statuer sur les effets juridiques de ces actes.

Rappel du cadre légal

Le règlement européen n°650/2012, dit « Règlement successions » du 4 juillet 2012 organise les règles relatives à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions internationales et à la création d’un certificat successoral européen

Entré en vigueur le 17 août 2015, il a vocation à s’appliquer à toute succession ouverte à partir de cette date. 

Les dispositions que nous étudions ici sont celles relatives à la compétence juridictionnelle, autrement dit celles qui permettent de déterminer, dans une succession internationale, le juge compétent pour régler la succession. Il convient de préciser à ce titre que l’article 4 du règlement attribue une compétence de principe aux juridictions du lieu de la résidence habituelle du défunt. Il prévoit en effet que :

« Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »

L’article 13 du règlement, lui, prévoit une compétence alternative en matière d’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci.

Article 13 du règlement européen n°650/2012 :

« Outre la juridiction compétente pour statuer sur la succession au titre du présent règlement, les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut faire une déclaration devant une juridiction concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne concernée à l’égard des dettes de la succession, sont compétentes pour recevoir ce type de déclarations lorsque, en vertu de la loi de cet État membre, ces déclarations peuvent être faites devant une juridiction. »

Ainsi, les juridictions du lieu de résidence de l’héritier sont compétentes pour recevoir la simple déclaration – la condition étant que la loi nationale de cet État autorise la réception de ces déclarations par les juridictions. 

Cette disposition permet de faciliter les démarches de l’héritier ou du légataire vivant à l’étranger, qui n’a donc pas nécessairement besoin de se déplacer dans l’État d’ouverture de la succession. Elle offre une alternative pratique, qui ne remet pas en cause la compétence générale de l’article 4 pour autant.

Faits et procédure

Les faits

Un résident allemand décède, laissant pour lui succéder une fille mineure, domiciliée habituellement en Pologne. Il est décidé que l’enfant renoncera à la succession

En la matière, le droit polonais prévoit un délai de 6 mois. Le représentant légal de la mineure omet d’effectuer la renonciation dans les temps. Il demande alors aux juges du fond d’approuver le refus de l’enfant.

La procédure

Le tribunal d’arrondissement de Gliwice rejette la demande de l’enfant. 

A l’occasion de l’appel interjeté, la juridiction du second degré s’interroge sur l’interprétation de l’article 13 du règlement Successions. Il est question de savoir si cette disposition permet aux juges de la résidence habituelle de l’héritier, en plus de recevoir une déclaration de renonciation, d’approuver une demande visant à écarter les effets de la renonciation tardive.

Apport de la Cour

La Cour refuse d’étendre l’article 13 à des procédures plus complexes que la simple réception de la déclaration. 

La notion de réception est ici cruciale. La Cour le comprend comme une opération purement formelle. La juridiction prend acte de la déclaration faite par l’héritier, sans juger de sa validité ou de ses effets.

Par conséquent, aucune compétence n’est donnée au juge de la résidence de l’héritier pour statuer sur les conséquences juridiques d’une déclaration faite hors délai, même si cela est autorisé par la loi nationale. 

Cette solution est conforme à la position européenne sur le caractère subsidiaire du for du lieu de résidence de l’héritier. L’article 13 du règlement européen n°650/2012 n’a en réalité qu’une vocation pratique et facilitatrice. Il n’est pas question de concurrencer le chef de compétence générale du règlement, en faveur des juridictions du lieu de résidence habituelle du défunt. La volonté d’éviter le morcellement de la compétence est d’ailleurs en adéquation avec la philosophie générale du texte, qui unit compétence et loi applicable, ainsi que succession mobilière et immobilière – contrairement au droit international privé français.

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