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Procédure

Procédure : péremption de l’instance

Cass. civ. 2e, 1 déc. 2022, n°21-15.589

Procédure

Enseignement de l'arrêt

La Cour de cassation a apporté des précisions sur le point de départ du délai de la péremption de l’instance.

Présentation de la péremption d’instance

Rappel du principe de péremption de l’instance

L’article 386 du code de procédure civile dispose que : « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. ». 

A l’échéance de ce délai, la procédure est « éteinte » et ce moyen tiré de la péremption peut être soit relevé d’office par le juge, soit soulevé avant toute défense par les parties. 

Ce délai de péremption peut être suspendu (le délai « entamé » est conservé et repart une fois la diligence suspendant l’instance réalisée) ou interrompu. 

Il s’agit d’un principe de procédure civile fort, qui impose aux parties de surveiller non seulement leurs délais de procédure mais également les périodes « d’inertie » y compris des autres parties dans l’instance, sous peine d’être sanctionnées, puisque la péremption d’instance peut être relevée d’office par le juge. 

L’article 389 du code de procédure civile prévoit en complément que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »

En résumé, pour poursuivre l’action frappée de péremption d’instance, la partie la plus diligente doit introduire une nouvelle instance, en délivrant une nouvelle assignation, à supposer que l’action n’est pas alors prescrite. 

Point de départ de la péremption d’instance

La jurisprudence relative au point de départ de la péremption d’instance est assez importante, et les tribunaux sont venus préciser au cours des années les spécificités liées à certaines matières particulières. 

Il ressort néanmoins de manière commune que l’instance est périmée dès lors qu’aucune des parties n’effectue de diligences, d’actes de nature à faire progresser l’instance. On parle d’ »acte utile« .

Ainsi, de simples conclusions copiées-collées de conclusions antérieures ne sont pas suffisantes. Pour être interruptives de péremption, les diligences ne doivent pas tendre exclusivement à interrompre le délai de péremption où à faire rétablir l’affaire.

Spécificités du contentieux de la sécurité sociale

Relevons que, dans le domaine particulier de la sécurité sociale, l’article R142-10-10 du code de la sécurité sociale dispose que « L’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »

Cette règle qui coexiste avec l’article 386 du code de procédure civile précité implique que, dans cette matière, seul l’inaccomplissement des diligences procédurales spécifiquement mises à la charge des parties par la juridiction entraînent une péremption de l’instance.

Précisions apportées par la Cour de cassation sur la qualité des diligences constituant le point de départ de la péremption de l’instance

La deuxième chambre de la Cour de cassation apporte des précisions dans son arrêt du 1er décembre 2022 n°21-15.589, sur les conditions de péremption d’une instance en matière de contentieux de la sécurité sociale.

En l’espèce, dans le cadre d’une instance devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), les parties s’étaient vues ordonner la communication d’un rapport d’autopsie, sans toutefois qu’il ne soit précisé laquelle des parties en cause devait procéder à la communication. 

L’une des parties va écrire à plusieurs reprises au TASS afin qu’il soit précisé à qui incombait la communication, en vain. Pourtant, le TASS va opposer aux plaideurs la péremption de l’instance. La Cour d’appel de Nancy va contredire les juges de première instance et considérer que l’instance ne pouvait pas être périmée puisque le Tribunal ne prévoyait dans sa décision aucun délai pour la transmission ni la partie concernée. Selon la Cour, la décision du TASS était imprécise et ne permettait pas de faire courir le délai de péremption. 

La Cour de cassation va casser l’arrêt des juges du fond en retenant que « Vu les articles 386 du code de procédure civile et R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date : 

Selon le premier de ces textes, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans. 

Il résulte du second que l’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au premier les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. 

L’arrêt constate que par jugement avant dire droit du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a sursis à statuer et ordonné la transmission au tribunal du rapport de l’autopsie de la victime réalisée le 16 avril 2012. 

Pour dire que l’instance n’est pas éteinte par la péremption, l’arrêt énonce qu’en se bornant à ordonner la transmission du rapport d’autopsie le tribunal n’a pas expressément mis à la charge des parties ou de l’une d’elles cette transmission. Il ajoute que cette imprécision a conduit la caisse à solliciter du tribunal par deux courriers des 8 et 13 juillet 2015 qu’il indique à qui il revenait de transmettre ce rapport. Il retient que le tribunal n’ayant imparti aucun délai pour cette transmission ni répondu aux demandes de la caisse, le délai de péremption n’a pu commencer à courir. 

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le jugement susvisé, dont les parties ne discutaient pas qu’il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d’autopsie de la victime ce qui impliquait qu’il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l’expiration du délai de deux ans à compter de cette notification, la cour d’appel a violé les textes susvisé s».

Il s’agit d’une décision bienvenue et pleine de bon sens puisque la Cour de cassation précise dans cet arrêt que les parties avaient pleinement connaissance de la demande de diligence formulée par le greffe dans une décision qui leur a été dûment notifiée. Les parties avaient connaissance de la demande de la juridiction qui selon la Cour est adressée à la « partie la plus diligente ». 

Nul besoin pour la Cour de cassation que la décision contienne d’autres « précisions » comme suggéré par la Cour d’appel de Nancy pour faire courir le délai de péremption. La demande de communication du rapport d’autopsie s’adressait à toutes les parties.