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Procédure

Procédure - L’insuffisance des diligences effectuées pour s’assurer de la réalité du domicile de la personne lors de la signification d’un acte de justice à domicile

Cass. civ. 2e, 12 janv. 2023, n°21-17.842

Procédure et pratiques professionnelles

Enseignement de l'arrêt

La Cour de cassation met fin à une pratique usuelle selon laquelle les commissaires de justice (anciennement huissier de justice) se contentaient de demander confirmation au voisin de la personne destinataire de la signification d’un acte de justice. Désormais, ils devront effectuer des diligences « suffisantes » pour s’assurer de la réalité de l’adresse.

La notion de signification d’un acte de justice à domicile

La signification par commissaire de justice est la procédure visant à notifier un acte de manière officielle. Seul le commissaire de justice est compétent pour signifier un acte. 

La signification consiste, pour le commissaire de justice, à remettre un acte à la personne concernée.

Les modalités de signification sont prévues aux articles 654 et suivant du code de procédure civile.

Le principe est que la signification est faite à personne.

«  La signification doit être faite à personne.

La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet ».

La signification faite à personne consiste, pour le commissaire de justice, à remettre un acte entre les mains du destinataire en se rendant à son domicile. 

Parfois, la personne destinataire de l’acte n’est pas présente à son domicile, en tous cas, au domicile mentionné au commissaire de justice, ou refuse de prendre l’acte. Dans ce cas, le commissaire de justice ne peut pas signifier à personne. Le code de procédure civile prévoit alors le cas de la signification à domicile.

L’article 656 du code précité prévoit alors les démarches à suivre par les commissaires de justice, après avoir vérifié que le destinataire « demeure bien à l’adresse indiquée ».

« Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois. Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé.

L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions ».

Toutefois, la loi ne précise pas les diligences que les commissaires de justice doivent effectuer pour vérifier que le destinataire « demeure bien à l’adresse indiquée ».

En pratique, les commissaires de justice se contentaient souvent d’interroger le voisin du destinataire de l’acte pour s’assurer de l’adresse de ce dernier.

La Cour de cassation vient récemment de se prononcer sur l’insuffisance de cette pratique.

Apport de l’arrêt

Les faits de l’espèce

Dans le cadre d’un litige relatif à un contrat de bail, des locataires ont été condamnés par jugement à verser des loyers.

Le propriétaire a fait signifier par huissier de justice le jugement aux locataires par acte du 2 mars 2018. Il est mentionné dans l’acte de signification que l’acte est fait à personne, après avoir vérifié l’adresse avec les voisins des locataires.

Les locataires n’ont pas reçu la signification du jugement mais fait appel par déclaration d’appel du 27 mai 2020.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état, l’appel a été déclaré irrecevable comme étant tardif (l’appel n’ayant manifestement pas été réalisé dans le délai d’un mois suivant l’acte de signification) et les locataires ont été condamné à verser 2.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Les locataires se sont pourvus en cassation aux motifs que « si, lors de la signification d’un acte à domicile, personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte, et s’il résulte des vérifications de l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est réputée faite à domicile ou à résidence ; que la seule confirmation du domicile par le voisinage, sans autre précision, n’est pas de nature à établir, en l’absence d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte ».

Position de la Cour de cassation

La Cour de cassation donne gain de cause aux locataires et considère que la seule vérification auprès d’un voisin est insuffisante à caractériser les diligences requises pour s’assurer de la réalité de ce domicile.

« Vu les articles 655 et 656 du code de procédure civile :

Il résulte de ces textes que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile, l’huissier de justice devant relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances qui l’en ont empêché, ainsi que les vérifications effectuées pour s’assurer que le destinataire de l’acte demeure bien à l’adresse indiquée.

Pour rejeter l’exception de nullité de la signification du jugement du 30 novembre 2017, l’arrêt retient que l’huissier de justice s’est assuré de la réalité de l’adresse de Mme [Z] correspondant à celle du jugement signifié, en obtenant confirmation par un voisin, de sorte qu’il n’avait pas à rechercher par d’autres moyen une adresse.

En statuant ainsi, alors que la constatation de la seule vérification auprès d’un voisin est insuffisante à caractériser les diligences requises pour s’assurer de la réalité de ce domicile, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Cette position de la Cour de cassation devrait contraindre les commissaires de justice à plus de diligences lorsqu’ils présentent une signification à personne. La certitude de l’information du défendeur et le respect du sacro-saint principe du contradictoire sont à ce prix.

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