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Procédure

L’expiration de la médiation judiciaire : le point de départ du délai pour conclure

Cass. civ. 2ème, 12 janv. 2023, n°20-20.941

Procédure et pratiques professionnelles

Enseignement de l'arrêt

Précision de la Cour de cassation sur le point de départ du délai pour l’appelant de conclure à la suite d’une mesure de médiation judiciaire ordonnée par le conseiller de la mise en état.

Rappel du contexte légal

Rappel des règles procédurales

La mesure de médiation judiciaire consiste en un mode alternatif de résolution amiable d’un litige qui peut être ordonné par le juge conformément à l’alinéa 1er de l’article 131-1 du code de procédure civile.

« Le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation.

Le médiateur désigné par le juge a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

La médiation peut également être ordonnée en cours d’instance par le juge des référés.

NOTA : Conformément à l’article 6 du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, ces dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication dudit décret. Toutefois, elles sont applicables aux instances en cours. »

La médiation peut être ordonnée par le juge à tout moment de la procédure, en première instance ou en appel.

Le juge peut mettre fin, à tout moment, à la médiation sur demande d’une partie ou à l’initiative du médiateur ou d’office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis (article 131-10 du code de procédure civile).

« Le juge peut mettre fin, à tout moment, à la médiation sur demande d’une partie ou à l’initiative du médiateur.

Le juge peut également y mettre fin d’office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu’elle est devenue sans objet.

Dans tous les cas, l’affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

A cette audience, le juge, s’il met fin à la mission du médiateur, peut poursuivre l’instance. Le médiateur est informé de la décision.

Devant la Cour de cassation, l’affaire est appelée à la date d’audience fixée par le président de la formation à laquelle elle a initialement été distribuée. »

La médiation peut ainsi être ordonnée par le juge à tout moment de la procédure, en première instance ou en appel.

En principe, en procédure d’appel, l’article 908 du code de procédure civile précise que l’appelant dispose d’un délai de 3 mois pour conclure.

« A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. »

L’intimé dispose également du même délai pour conclure et, le cas échéant, former un appel incident ou provoqué, comme le prévoit l’article 909 du code de procédure civile.

« L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »

Par exception, lorsqu’une médiation est ordonnée par le juge, ces délais sont interrompus (article 910-2 du code de procédure civile).

« La décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 ou qui ordonne une médiation en application de l’article 131-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910. L’interruption produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur. »

Le point de départ du délai pour conclure au fond à retenir est donc la date de l’expiration de la médiation.

Rappel des faits de l’arrêt du 12 janvier 2023

Une veuve demande en première instance la révocation d’une donation-partage faite antérieurement à son fils. Par un jugement rendu le 21 mars 2016, le tribunal judiciaire de Bayonne le déboute de sa demande de révocation. La veuve interjette appel de ce jugement le 21 mars 2016.

Au stade de la procédure d’appel, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 13 juin 2016, ordonne une médiation et précise que la mission du médiateur prendra fin à l’expiration d’un délai initial de trois mois. Suivant une autre ordonnance, le conseiller de la mise en état prolonge la durée de la médiation jusqu’au 20 février 2017.

Le 26 décembre 2017, soit après la mission du médiateur, l’appelante dépose des conclusions aux fins de reprise d’instance après médiation.

L’intimé prend des conclusions d’incident le 20 février 2018 en arguant que les conclusions de l’appelante étaient irrecevables et sollicite par conséquent la caducité de la déclaration d’appel.

Par ordonnance rendu en octobre 2018, le conseiller de la mise en état déclare caduque la déclaration d’appel.

L’appelante forme un déféré contre l’ordonnance et soutient que l’instance n’avait pas repris dès lors que le médiateur n’avait pas remis sa note de fin de médiation au juge et que l’affaire n’a pas été fixée à une audience de mise en état. Elle fait également valoir que des pourparlers se sont poursuivis de façon informelle entre les parties et étaient donc de nature à interrompre les délais pour conclure.

Au visa des articles 908, 910-2, la cour d’appel de Pau retient la fin de la mission du médiateur, c’est-à-dire le 20 février 2017, pour décompter le délai de trois mois impartis à l’appelant pour conclure : 

« En l’espèce, après prolongation de la mission du médiateur, la mission de celui-ci a définitivement pris fin le 20 février 2017, marquant par là-même la reprise de l’instance.

C’est donc à compter de cette date du 20 février 2017 que doit être décompté le délai de trois mois impartis à l’appelant pour conclure.

A B veuve Y rajoute au texte de l’article 910-2 lorsqu’elle soutient que l’instance n’a pas repris dès lors que le médiateur n’a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l’affaire n’a pas été fixée à une audience de Mise en Etat.

Quant au fait que les pourparlers se seraient poursuivis de façon informelle entre les parties, il n’est pas de nature à interrompre les délais pour conclure.

Force est donc de constater que les conclusions de l’appelant en date du 26 décembre 2017 ont été déposées hors délai, la déclaration d’appel étant caduque depuis le 21 mai 2017. »

L’appelante forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision rendue par les juges du fond.

L’apport de l’arrêt

La Cour de cassation considère que la caducité prononcée par la cour d’appel de Pau est justifiée car l’appelante n’a pas respecté les délais pour conclure.

La Cour interprète donc strictement les dispositions des articles 908 et 910-2 du code de procédure civile : c’est à la date de la fin de la mission judiciairement fixé au médiateur que le délai pour conclure pour l’appelant démarre. Cette fin de mission ne pouvait être définie que par le juge dans son ordonnance.