L’avis du comité de l’abus de droit fiscal est une étape clé dans la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales. Ce comité, composé de sept membres, a pour mission d’émettre un avis consultatif sur les litiges relatifs à des rectifications fiscales fondées sur l’abus de droit.
« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité.
Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public. »
NOTA :
Conformément à l’article 202 V de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction résultant du IV dudit article, s’appliquent aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2019.
Le rôle principal du comité est d’éclairer les parties (administration et contribuable) et, le cas échéant, le juge, sur l’existence ou non d’un abus de droit.
Assurer une procédure équitable et un avis consultatif
Garantir une procédure contradictoire
Le comité permet aux deux parties de présenter leurs arguments dans un cadre contradictoire. Le contribuable peut notamment exposer les raisons pour lesquelles il estime que l’abus de droit n’est pas caractérisé.
L’administration doit donc, avant de mettre les impositions en recouvrement, informer le contribuable de la persistance du désaccord et de la possibilité qui lui est offerte par la loi de demander, dans les 30 jours suivant la réponse de l’administration, la saisine pour avis du comité de l’abus de droit fiscal.
Émettre un avis consultatif
L’avis du comité n’est pas juridiquement contraignant, mais il influence la charge de la preuve. Si l’avis est favorable à l’administration, la charge de la preuve contraire incombe au contribuable.
À l’inverse, si l’avis est défavorable à l’administration, cette dernière conserve la charge de la preuve.
Assurer la cohérence des décisions et suspendre la mise en recouvrement
Le comité assure une certaine homogénéité des décisions fiscales et joue également un rôle clé dans la suspension des procédures de recouvrement et dans l’encadrement des litiges complexes.
Assurer une certaine homogénéité des décisions
En jouant un rôle de filtre, le comité contribue à éviter des procédures inadaptées et à fixer des lignes directrices entre ce qui est considéré comme abusif et ce qui ne l’est pas. Cela permet d’instaurer une cohérence et une stabilité dans les décisions rendues par l’administration fiscale.
Suspendre la mise en recouvrement et encadrer les litiges complexes
La saisine du comité suspend la mise en recouvrement des impositions jusqu’à ce que l’avis soit rendu et notifié au contribuable.
Le comité joue également un rôle crucial dans les affaires où l’intention réelle des parties est difficile à déterminer, en examinant les faits et les arguments des deux parties.
Le comité se prononce sur la base des pièces transmises, à savoir le rapport de l’administration et les observations en réponse du contribuable.
Avis du comité d’abus de droit fiscal relatif à la requalification d’un prêt en donation déguisée.
Les faits
Mme X détenait la société luxembourgeoise A et, jusqu’à sa cession en mai 2017, la société C dont elle était Présidente.
Au cours des années 2015 et 2016, la mère de Mme X, effectue plusieurs virements d’un total de 2 millions d’euros sur le compte de la société C, alors qu’elle n’a aucun lien avec cette dernière.
En octobre 2017, la société C indique que ces fonds correspondent à un prêt contracté auprès de la mère pour faire face à des difficultés financières.
Un contrat de prêt est rédigé en novembre 2017, stipulant un prêt de 2,86 millions d’euros, sans intérêt, avec un remboursement « in fine » à 3 ans.
En 2018, une délégation de créance transfère la créance de Mme X à la société A luxembourgeoise par une inscription au crédit d’un compte courant ouvert au nom de la mère de Madame X (alors même qu’elle n’est pas plus associée de la société A).
L’administration fiscale considère que le prêt est fictif et qu’il dissimule une donation de la mère à sa fille.
La recherche des éléments caractérisant l’intention libérale
L’administration fiscale peut requalifier un prêt en donation déguisée si l’acte présente des incohérences ou des indices qui suggèrent une intention libérale. La charge de la preuve incombe à cependant à l’administration fiscale, qui doit démontrer que l’acte en question est fictif et qu’il dissimule une donation.
En l’espèce plusieurs éléments ont permis de douter de la nature réelle du prêt :
Les incohérences des termes du prêt et l’absence d’intérêt stipulé dans le prêt,
Les incohérences des faits : la signature, l’enregistrement du prêt et la délégation de créance sont intervenus durant les opérations de contrôle,
Le remboursement tardif et partiel du prêt (en 2020 et 2023),
Les transferts de fonds n’ont pas transité par la société A mais ont été directement versés à la société C,
La somme de 2 millions d’euros a été utilisée pour la trésorerie de la société C, et des décaissements ont été effectués pour Mme X.
L’administration fiscale considère que le prêt présenté par la mère à sa fille Mme X, tel qu’il a été formalisé par le contrat du 8 novembre 2017, est fictif et vise à masquer une donation déguisée.
L’avis du comité d’abus de droit fiscal
Le Comité saisi par le contribuable estime que l’administration fiscale était fondée à procéder à la requalification du prêt en donation déguisée et à appliquer les sanctions fiscales correspondantes. Les incohérences du contrat de prêt et les faits observés ont permis de démontrer l’intention libérale de mère de Madame X, rendant la procédure d’abus de droit justifiée.
En cas de requalification d’un prêt en donation déguisée, l’administration peut exiger des droits de mutation à titre gratuit et appliquer des pénalités. Dans ce cas, l’administration a estimé que la somme transférée devait être soumise à des droits de mutation, accompagnés d’une majoration de 80 % des droits dus, conformément à l’article 1729 du Code général des impôts pour abus de droit.