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Divorce

L’achat d’un bien immobilier avant ou en cours de procédure de divorce

Divorce – Séparation de corps

Malgré la procédure de divorce, des époux peuvent acheter seuls ou ensemble un bien immobilier sous la condition de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter que le bien entre en communauté ou ne pèse sur l’évaluation de la prestation compensatoire.

Un époux peut souhaiter acquérir un nouveau bien immobilier au cours du divorce ; par exemple pour lui permettre de quitter le domicile conjugal et de se reloger. 

Un tel achat peut toutefois poser des difficultés liées à la liquidation du régime matrimonial des époux. 

Pour mieux comprendre la situation, il faut distinguer deux hypothèses.

Hypothèse 1 : acquisition d’un bien immobilier par un époux seul

Principe

Si l’époux en instance de divorce est marié sous le régime de la séparation de biens, l’achat ne pose pas de difficulté. Le bien lui est personnel et il n’en sera pas tenu compte lors de la liquidation du régime matrimonial (sauf éventuelles créances entre époux ou à l’encontre de l’indivision). 

En revanche, s’il est marié sous un régime de communauté, notamment le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, le notaire sollicitera systématiquement l’intervention des deux époux lors de la signature de l’acte de vente. Le bien immobilier entrera automatiquement en communauté en application de l’article 1402 du code civil selon lequel « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi ».

« Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. »

Les deux époux seront donc propriétaires du bien ; ils auront chacun droit à la moitié de sa valeur dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial

Aménagements

Deux possibilités expressément prévues par la loi existent pour échapper à cette « mise en communauté forcée » :

  • le remploi, 
  • la date des effets du divorce, 
  • la création d’une SCI.

Le remploi

Prévu par les articles 1434 et suivants du code civil, le remploi est un mécanisme permettant à un époux de déclarer utiliser ses fonds propres lors d’une acquisition afin d’en conserver le bénéfice au moment de la liquidation du régime matrimonial.

L’article 1434 du code civil prévoit en particulier : « L’emploi ou le remploi est censé fait à l’égard d’un époux toutes les fois que, lors d’une acquisition, il a déclaré qu’elle était faite de deniers propres ou provenus de l’aliénation d’un propre, et pour lui tenir lieu d’emploi ou de remploi. A défaut de cette déclaration dans l’acte, l’emploi ou le remploi n’a lieu que par l’accord des époux, et il ne produit ses effets que dans leurs rapports réciproques. »

Le mécanisme du remploi peut d’ailleurs être optimisé grâce au recours à une SCI, créant un effet de levier permettant d’acquérir un bien immobilier propre, sans réels fonds propres préalables et sans accord de l’autre époux.

La date des effets du divorce

La date des effets du divorce entre les époux est celle à laquelle le régime matrimonial des époux cesse de fonctionner, même s’ils ne sont pas divorcés. Cette date n’est pas opposable aux tiers et n’a d’incidence que sur les rapports financiers des époux entre eux.

Pour bien l’appréhender, il faut distinguer la date des effets du divorce : 

  • de la date du divorce, correspondant (i) dans une procédure judiciaire au jour où la décision judiciaire est devenue définitive et (ii) dans un processus de divorce par consentement mutuel  à la date à laquelle la convention de divorce par consentement mutuel est enregistré au rang des minutes du Notaire choisi, 
  • de la date d’opposabilité du divorce aux tiers qui correspond au jour de la transcription du divorce en marge des actes d’état civil des époux.

Si le bien est acquis postérieurement à la date des effets du divorce (en cas de divorce par consentement mutuel, attention donc à ce que l’accord soit bien régularisé et, par conséquent, la date des effets du divorce entérinée), il est qualifié de bien personnel de l’époux acquéreur et il n’y a donc pas de difficulté.

L’achat par anticipation de la date des effets du divorce doit être utilisé avec précaution car sa fixation intervient -par définition- postérieurement à l’achat puisqu’elle est contenue dans la décision judiciaire prononçant le divorce ou la convention de divorce enregistrée. Nombre de Notaires se montreront légitimement réticents à une telle opération et il faudra parfois contourner cette difficulté en passant par la création d’une SCI.

La création d’une SCI

La création d’une SCI pour acquérir un bien seul pendant le divorce présente de nombreux avantages. Elle est peu coûteuse et souple. Elle permet dans n’importe quelles circonstances de garantir à l’acquéreur de conserver seul la propriété du bien acheté pendant la procédure de divorce. 

Le principe consiste à conjuguer le mécanisme des biens personnels remployés par souscription à un capital social faible et le financement de la trésorerie de la SCI par apport en compte courant.

Hypothèse 2 : acquisition d’un bien immobilier par les deux futurs ex-époux

La seconde hypothèse, qui pose potentiellement plus de difficultés, est celle d’époux souhaitant acheter ensemble un bien immobilier pendant leur divorce.

La situation peut être la suivante : des époux divorcent par consentement mutuel et constatent que celui qui ne reste pas dans le domicile conjugal ne pourra pas se reloger uniquement grâce à ses droits dans la liquidation du régime matrimonial. Il ne pourra pas non plus contracter de prêts pour acquérir un bien en raison de ses faibles revenus.  Les époux décident donc d’acheter ensemble un bien grâce à un prêt immobilier qu’ils contractent tous les deux, puis d’attribuer ce bien à l’époux qui y résidera.

Dans ce cas, que les époux soient mariés sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ou qu’ils aient opté pour le régime de la séparation de biens, la difficulté est identique : au moment de la vente des parts d’un époux (opération de partage et d’attribution) les époux risquent de voir l’administration fiscale refuser d’appliquer le mécanisme préférentiel du droit de partage, dont le taux s’élève à 1,10% depuis le 1er janvier 2022 et de subir ainsi le taux de 2,5%.

En effet, en raison de la succession des trois étapes, à savoir la date des effets du divorce, puis l’achat du bien immobilier puis le divorce, il existe un risque important que l’administration fiscale considère qu’au moment du rachat des parts de l’un des propriétaires de l’immeuble par l’autre, les propriétaires ne puissent plus être qualifiés de personnes mariées ou pacsées. Or le taux préférentiel décrit ci-dessus leur est réservé.

Il est donc important d’être conseillé par un avocat spécialisé en divorce ET en liquidation de régimes matrimoniaux ou par tout professionnel aguerri à ces règles pour éviter de concrétiser un projet qui, in fine, aura un coût important pour les époux, coût qu’il aurait été possible d’éviter. 

Par Anne-Laure Sardaby