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Divorce

Je divorce et mon conjoint est chef d’entreprise

Liquidation et partage de régime matrimonial

Madame Tomme et Monsieur Morbier, qui se sont rencontrés sur les bancs d’une école de commerce réputée, se sont mariés sans contrat de mariage.

Monsieur Morbier était déjà associé d’une compagnie d’assurance, lesmorbiers.com, qui n’a pas rencontré un franc succès.

Pendant le mariage, Madame Tomme a en revanche eu l’idée du siècle, en créant une start-up de livraison de fromage à domicile : la SARL CHEESE AND COLLECT. En l’absence d’économies, elle a financé le lancement de son entreprise grâce aux revenus du couple.

Son entreprise est aujourd’hui évaluée à plusieurs dizaines de millions d’euros selon la presse et son aventure ne fait que commencer puisque que des investisseurs l’ont sollicitée il y a quelques jours !

Madame Tomme ne souhaite pas partager le fruit de son travail avec son mari, très jaloux de son succès, dans le cadre de son divorce.

Que répondre à Madame Tomme sur le sort de son entreprise en cas de divorce ?

En l’absence de contrat de mariage, les époux Morbier sont mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts.

En savoir plus sur le régime de la communauté légale réduite aux acquêts

Ce régime matrimonial crée un nouveau patrimoine commun coexistant avec les patrimoines propres des époux.

Le patrimoine propre des époux est composé des biens qu’ils possédaient avant le mariage, des biens à caractère personnel, et des biens qu’ils ont reçus par succession ou donation pendant le mariage (articles 1403 à 1405 du Code civil).

Chaque époux conserve la pleine propriété de ses propres. La communauté n’a droit qu’aux fruits perçus et non consommés. Mais récompense pourra lui être due, à la dissolution de la communauté, pour les fruits que l’époux a négligé de percevoir ou a consommés frauduleusement, sans qu’aucune recherche, toutefois, soit recevable au-delà des cinq dernières années.

Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.

Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s’il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.

Restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu’ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs.

La libéralité peut stipuler que les biens qui en font l’objet appartiendront à la communauté. Les biens tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement.

Les biens abandonnés ou cédés par père, mère ou autre ascendant à l’un des époux, soit pour le remplir de ce qu’il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, restent propres, sauf récompense.

Dans notre dossier, la compagnie d’assurance de Monsieur Morbier faisait donc partie de son patrimoine propre.

Les biens communs (les « acquêts ») sont composés : 

  • des biens acquis ou créées par l’un ou les époux pendant le mariage à titre onéreux (exemples : bien immobilier, titres sociaux, etc.) ;
  • les revenus des époux issus de leurs activités professionnelles (exemples : salaires, primes, etc.) et de leurs biens propres et communs (exemples : loyer, intérêts des placements, dividendes, etc.).

La société de Madame Tomme a été créée pendant le mariage et grâce à des fonds communs, puisque les revenus du couple qu’elle a utilisé constituent des acquêts de la communauté.

La valeur des parts sociales a par conséquent intégré la communauté.

Madame Tomme jouit de la qualité d’associé. Dans le cadre d’un divorce, la Cour de cassation a jugé que les parts sociales ne peuvent être attribuées qu’au détenteur des parts, c’est-à-dire à celui qui est associé, même si la valeur est commune (Cass. Civ 1ère 4 juillet 2012, n˚ 11-13.384).

Cependant, Monsieur Morbier, qui doit être informé de l’opération, peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales créées à l’aide de fonds communs.

Si Monsieur Morbier n’a pas renoncé définitivement et expressément à la qualité d’associé au moment de la création de la société de son épouse, ce dernier pourra formuler cette demande jusqu’au jour du prononcé du divorce.

Il convient de préciser que Madame Tomme ne peut céder les parts sociales sans l’accord de Monsieur Morbier (article 1424 du Code civil), étant précisé que le produit de la vente intègrerait la communauté.

« Le mari ne peut, sans le consentement de la femme, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité. Il ne peut sans ce consentement percevoir les capitaux provenant de telles opérations.

Il ne peut non plus, sans l’accord de la femme, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. Les baux passés par le mari sur les biens communs sont, pour le surplus, soumis aux règles prévues pour les baux passés par l’usufruitier ».

La situation aurait-elle pu être différente si Madame Tomme avait créé une société anonyme (SA) ?

Contrairement aux droits sociaux non négociables, Madame Tomme n’aurait pas été obligée d’avertir son conjoint de la création de sa structure.

Elle aurait pu céder ses droits sans l’accord de Monsieur Morbier, étant précisé que le produit de la vente aurait aussi intégré la masse commune.

Qu’aurait dû faire Madame Tomme ?

Madame Tomme aurait dû anticiper et choisir un régime matrimonial plus adapté à sa situation de chef d’entreprise ou modifier son régime matrimonial, afin de ne pas être contrainte d’en partager la valeur avec son époux lors de son divorce ou de subir une intrusion de son époux au sein des associés de sa structure.

Les modalités de constitution de la société, la libération du capital social ou une transformation en cours de mariage auraient également pu modifier la donne.

Est-ce votre cas ?

Si vous n’êtes pas dans ce cas spécifique, mais que vous pensez qu’une des sociétés exploitées par votre conjoint ou vous peut poser problème en cas de séparation ou de difficulté financière de la société, n’hésitez pas à nous contacter.

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