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Droit des successions

Le frère ou la sœur pacsé du défunt ne peut bénéficier de l’exonération des droits de mutations prévue à l’article 796-0 ter du Code Général des Impôts

Cass. civ. ch. com., 28 mai 2025n n°21-16.632

Unions (mariage / pacs / concubinage), Patrimoine - Fiscalité

Enseignement de l'arrêt

En matière fiscale, la notion de célibat s’apprécie strictement et ne concerne pas uniquement le mariage du justiciable.

Le frère ou la sœur pacsé n’est pas considéré comme célibataire et ne peut bénéficier du régime d’exonération de l’article 796-0 ter du CGI.

Rappel du cadre légal

L’article 796-0 ter du Code général des impôts (CGI), introduit par la loi de finances pour 2007, prévoit une exonération des droits de mutation par décès au bénéfice des frères et sœurs du défunt.

« Est exonérée de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou sœur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition :

1° Qu’il soit, au moment de l’ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d’une infirmité le mettant dans l’impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l’existence ;

2° Qu’il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès. »

Ce dispositif exceptionnel vise à protéger certaines personnes vulnérables ou âgées qui, ayant cohabité durablement avec un frère ou une sœur, se retrouveraient en difficulté si elles étaient contraintes de vendre leur logement pour acquitter des droits de succession

En raison de sa nature dérogatoire, cette exonération est d’interprétation stricte et les juridictions françaises, ainsi que l’administration fiscale, examinent avec rigueur les conditions requises. C’est par exemple le cas de la notion de « célibataire », qui a donné lieu à plusieurs contentieux, notamment en lien avec le PACS.

Faits et procédure

Les faits

Une femme décède en 2014, laissant pour seul héritier son frère, désigné légataire universel. Dans la déclaration de succession, celui-ci revendique l’exonération des droits de mutation par décès prévue à l’article 796-0 ter du CGI, en raison de sa cohabitation avec la défunte.  

La déclaration de succession est enregistrée en l’état, sans paiement de droits. 

En mai 2016 cependant, l’administration fiscale remet en cause cette exonération. Elle formule une proposition de rectification, au motif que le légataire universel était lié par un pacte civil de solidarité depuis 2002, ce qui exclurait donc la vérification de la condition de célibat exigée par le texte précité. 

Le légataire refuse cette proposition et conteste l’analyse de l’administration fiscale. Celle-ci rejette la contestation.

La procédure

A la suite de ce rejet, le légataire universel assigne l’administration fiscale aux fins d’obtenir décharge des suppléments d’imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit.

Le légataire universel décède en cours d’instance. Sa propre légataire universelle reprend la procédure. 

Par un arrêt du 15 février 2021, la Cour d’appel de Toulouse tranche en faveur de la légataire universelle. Elle considère que le terme « célibataire » utilisé par l’article 796-0 ter du CGI doit s’entendre strictement et signifier « non marié ». Le PACS ne peut être assimilé à un mariage. La Cour juge donc que le défunt remplissait bien la condition de célibat et lui accorde l’exonération fiscale. 

L’administration fiscale se pourvoit en cassation.

Solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle que l’article 796-0 ter du CGI prévoit une exonération des droits de mutation par décès en faveur de frères et sœurs du défunt, à condition qu’ils soient, entre autres, célibataires, veufs, divorcés ou séparés de corps au jour du décès, et qu’ils aient résidé avec le défunt de manière continue pendant les cinq années précédant le décès. 

Se fondant également sur l’article 515-4 du Code civil, qui définit les obligations réciproques des partenaires liés par un PACS, la Cour considère que sa conclusion crée un lien personnel et juridique suffisant pour exclure la qualification de « célibataire » au sens du régime fiscal dérogatoire. 

La Cour adopte une interprétation téléologique et autonome de la notion de célibat en matière fiscale. Elle juge qu’une personne liée à un tiers par un PACS au jour du décès ne peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 796-0 ter, ce alors même qu’elle n’était, par définition, pas mariée.

Apport de l’arrêt

Cet arrêt apporte une clarification importante sur la portée de la notion de « célibataire » au sens de l’article 796-0 ter du Code général des impôts, texte dérogatoire instituant une exonération de droits de succession entre frères et sœurs. La solution retenue illustre la tendance de la jurisprudence à interpréter strictement les avantages fiscaux, surtout lorsqu’ils reposent sur des exceptions au droit commun.

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Publié le 17 Juin 2025