Jurisprudences
SCI et sociétés commerciales - Ordonnance portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés
JO, 13 mars 2025, Ord. n° 2025-229
Patrimoine - Fiscalité
Enseignement de l'arrêt
L’ordonnance du 12 mars 2025 remanie les motifs de nullité de la société, des apports et des décisions sociales. Elle écarte leur automaticité du prononcé au profit d’un contrôle d’opportunité par le juge.
Présentation et objectifs de la réforme
L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025, publiée au Journal officiel le 13 mars 2025, introduit une réforme significative du régime des nullités en droit des sociétés.
Cette ordonnance, entrée en vigueur le 1er octobre 2025, vise à simplifier, clarifier et sécuriser le régime des nullités dans les sociétés.
Elle répond à un constat partagé par les praticiens, qui soulignaient la complexité, les incertitudes et les risques liés au dispositif précédent.
Les grands axes de la réforme
Une refonte des fondements juridiques
L’ordonnance réorganise en profondeur le cadre juridique des nullités en droit des sociétés en instaurant les articles 1844-10 et suivants du Code civil comme référence unique pour les sociétés civiles, au premier rang desquels les SCI ou les sociétés commerciales.
Cette réforme simplifie le dispositif en réaffirmant le Code civil comme droit commun des nullités sociétaires et en abrogeant les dispositions générales du Code de commerce.
Article 1844-10 tel que modifié par Ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025
« La nullité de la société ne peut résulter que de l’incapacité de tous les fondateurs ou de la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés.
Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du droit des sociétés dont la violation n’est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.
La nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.Sauf si la loi en dispose autrement, la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité. »
Une limitation des causes de nullité
La nullité des sociétés
La nullité d’une société ne peut désormais être prononcée que pour deux motifs :
- l’incapacité de l’ensemble des fondateurs,
- la violation des règles imposant un nombre minimal de deux associés.
Toutefois, l’article 1844-5 n’est pas abrogé par la réforme. Les associés auront donc toujours un délai d’un an pour régulariser la situation.
Article 1844-5 alinéa 1 :
« La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. »
Cette règle s’applique aussi bien aux SCI qu’aux autres formes sociales, assurant ainsi une harmonisation du régime des nullités.
La nullité des apports
La nullité des apports et des décisions sociales est encadrée pour éviter des annulations abusives.
Un nouvel article 1844-10-1 du Code civil est créé, traitant spécifiquement du régime de nullité des apports. La nullité de l’apport est désormais distincte de celle de la société et entraîne l’annulation des parts sociales ou actions émises en contrepartie.
Pour les SCI, cela implique que la nullité des apports entraîne l’annulation des parts sociales, mais non de la société elle-même. En cas de nullité de tous les apports, la société devra en revanche être dissoute.
Article 1844-10-1 tel que modifié par l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025
« La nullité de l’apport ne peut résulter que des causes mentionnées au troisième alinéa de l’article 1844-10. La nullité de l’apport entraîne l’annulation des parts sociales ou des actions émises en contrepartie, et, dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9, la restitution, par la société, des engagements exécutés par l’apporteur .La nullité de tous les apports, qu’ils soient souscrits au cours de la constitution ou postérieurement à celle-ci, entraîne la dissolution de la société. Il est alors procédé à sa liquidation conformément aux dispositions des statuts et du chapitre VII du titre III du livre II du code de commerce, sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l’article 1844-5. »
Pour les SCI, cela implique que la nullité des apports entraîne l’annulation des parts sociales, mais non de la société elle-même. En cas de nullité de tous les apports, la société devra en revanche être dissoute.
La nullité des décisions sociales
En ce qui concerne les décisions sociales, la notion « d’actes et de délibérations » est remplacée par la terminologie de « décisions sociales » pour exclure les conventions passées avec les tiers et les avis internes.
La nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 du Code civil ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.
Le juge doit appliquer un triple test avant de prononcer la nullité d’une décision sociale :
- Contrôle du grief : le demandeur doit établir que l’irrégularité a lésé ses intérêts,
- Contrôle de l’influence de l’irrégularité sur le sens la décision,
- Contrôle de proportionnalité : l’annulation ne doit pas créer un déséquilibre excessif.
Article 1844-12-1 tel que modifié par l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025
« La nullité des décisions sociales ne peut être prononcée que si :
1° Le demandeur justifie d’un grief résultant d’une atteinte à l’intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée ;
2° L’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision ;3° Les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée. »
Pour éviter les « nullités en cascade », la nullité d’un organe social n’entraîne plus automatiquement celle des décisions prises. Les articles 1844-15-1 et 1844-15-2 du Code civil encadrent cette faculté en permettant au juge de cantonner les effets de la nullité dans le temps afin de prévenir des conséquences manifestement excessives.
Article 1844-15-1 tel que modifié par l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025
« Sauf disposition législative contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci. »
Article 1844-15-2
« Lorsque la rétroactivité de la nullité d’une décision sociale est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l’intérêt social, les effets de cette nullité peuvent être différés. »
Les nouvelles règles sur les décisions sociales et les nullités en cascade s’appliqueront pleinement aux SCI. Ainsi, une décision sociale en violation d’une règle impérative pourra être annulée, mais les effets de cette nullité pourront être différés si cela risque de nuire à l’intérêt social.
La nullité pour violation des statuts
La réforme clarifie la question de la nullité pour violation des statuts à la suite d’évolutions jurisprudentielles récentes. Un principe général d’exclusion est désormais établi : la violation des statuts ne constitue plus, sauf disposition légale contraire, une cause de nullité. Cette règle s’applique également aux SCI.
Réduction du délai de prescription
Le délai de prescription de l’action en nullité est réduit de trois à deux ans à compter de la naissance du motif de nullité.