Aller au contenu

Procédure

Procédure de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés

Cass. civ. 3e, 28 mai 2025, n° 23-20.769

Patrimoine - Fiscalité

Enseignement de l'arrêt

Seul le Président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond est compétent pour désigner un mandataire ad hoc en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978.
Le juge des référés ne peut se substituer au juge du fond, même en cas d’urgence alléguée, lorsque le texte prévoit une procédure accélérée au fond.

Rappel du cadre légal

L’arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2025 traite de la question de la convocation des assemblées par un mandataire judiciaire, en cas d’inertie du gérant. 

En effet, l’article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, modifié par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 prévoit que tout associé non-gérant d’une société civile peut demander au gérant, par lettre recommandée, la convocation d’une assemblée sur une question précise.

En cas de refus ou de silence du gérant pendant un mois, l’associé peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, pour faire désigner un mandataire chargé de provoquer la délibération (article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, modifié par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019).

Article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, modifié par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 : 

Un associé non-gérant peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée.

Si le gérant fait droit à la demande, il procède, conformément aux statuts, à la convocation de l’assemblée des associés ou à leur consultation par écrit. Sauf si la question posée porte sur le retard du gérant à remplir l’une de ses obligations, la demande est considérée comme satisfaite lorsque le gérant accepte que la question soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine assemblée ou consultation par écrit.

Si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé demandeur peut, à l’expiration du délai d’un mois à dater de sa demande, solliciter du président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

Ce texte a remplacé l’ancienne procédure en la forme des référés. Cependant, la portée exclusive ou supplétive de cette procédure accélérée au fond restait ambiguë. La Cour de cassation éclaircit désormais cette question.

Faits et procédure

Une société civile immobilière est constituée entre trois associés : deux personnes morales et une personne physique, cette dernière exerçant également les fonctions de gérante.

Par courrier recommandé, le liquidateur judiciaire d’une des sociétés, sollicite de la gérante la convocation d’une assemblée générale des associés pour débattre d’un ordre du jour spécifique. La gérante refuse de procéder à cette convocation.

Le liquidateur judiciaire assigne donc la SCI en référé devant le Président du tribunal judiciaire, afin d’obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de convoquer ladite assemblée.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, le juge des référés a fait droit à cette demande. 

La SCI interjette appel, soulevant notamment une exception d’incompétence, contestant le recours à la procédure de référé. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêt du 15 juin 2023, rejette cette exception et confirme la désignation du mandataire ad hoc, en se fondant sur l’urgence et la suppression de la procédure en la forme des référés.

La SCI se pourvoit en cassation.

Solution de la Cour de cassation

Réponse de la Cour

Par un arrêt de cassation sans renvoi, la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

La Cour de cassation décide que l’article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019, attribue une compétence exclusive au Président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour connaître d’une demande de désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés, lorsqu’un gérant refuse de convoquer une assemblée.

En conséquence, la Cour juge que la juridiction des référés était incompétente pour connaître d’une telle demande et déclare irrecevable l’action initiée par le liquidateur judiciaire.

Apport de l’arrêt

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale d’associés ne peut être demandée en référé, même en cas d’urgence alléguée, mais doit impérativement relever de la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire.

Ainsi, la procédure accélérée au fond, succédant à la procédure « en la forme des référés », est exclusive lorsque le texte la prévoit. Le juge des référés ne peut se substituer au juge du fond, même en cas d’urgence alléguée, lorsque le texte prévoit une procédure accélérée au fond.