Elle emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours.
Elle est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. Cette notification précise le défaut de diligence sanctionné. »
Jurisprudences
Cass. civ. 2eme, 3 juill. 2025, n°22-15342
Procédure et pratiques professionnelles
Enseignement de l'arrêt
Aucun texte ne donne le pouvoir au conseiller de la mise en état en appel de contraindre les parties, sous peine de radiation, à limiter le nombre de pages de leurs conclusions, ce qui serait de nature à entraver l’exercice du droit d’appel.
La radiation de l’affaire du rôle est une mesure d’administration judiciaire qui consiste à retirer temporairement une affaire du rang des affaires en cours devant une juridiction (articles 381 et 383 du Code de la procédure civile).
« La radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties.
Elle emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours.
Elle est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. Cette notification précise le défaut de diligence sanctionné. »
« La radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire.
A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
Cette mesure vise principalement à sanctionner le défaut de diligence des parties au cours de l’instance, c’est-à-dire leur inaction ou leur négligence dans l’accomplissement des actes de procédure requis.
La radiation est prononcée par le juge, soit d’office, soit à la demande d’une partie, mais toujours après avoir adressé un dernier avis aux parties ou à leur mandataire afin de leur permettre de remédier à la situation et d’éviter la radiation.
Après une radiation, l’affaire peut être réinscrite au rôle sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation.
L’article 954 du Code de procédure civile détermine le contenu obligatoire des conclusions devant la cour d’appel, notamment :
L’article 961 du Code de procédure civile impose, à peine d’irrecevabilité, que les conclusions comportent certaines indications définies à l’alinéa 2 de l’article 960.
L’énumération des pouvoirs du conseiller de la mise en état figure dans l’article 913-5 du code de procédure civile.
« Le conseiller de la mise en état est, à compter de sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour :
1° Prononcer la caducité de la déclaration d’appel ;
2° Déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel. Les moyens tendant à l’irrecevabilité de l’appel doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été ;
3° Déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
4° Déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l’article 930-1 ;
5° Statuer sur les exceptions de procédure relatives à la procédure d’appel, les demandes formées en application de l’article 47, la recevabilité des interventions en appel et les incidents mettant fin à l’instance d’appel ;
6° Allouer une provision pour le procès ;
7° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le conseiller de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
8° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
9° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. Le conseiller de la mise en état contrôle l’exécution des mesures d’instruction qu’il ordonne, ainsi que de celles ordonnées par la cour, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 155. Dès l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée, l’instance poursuit son cours à la diligence du conseiller de la mise en état ;
10° Dans les cas où l’exécution provisoire n’est pas de droit, suspendre l’exécution des jugements improprement qualifiés en dernier ressort et exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en matière d’exécution provisoire.
Dans les cas prévus au présent article et au quatrième alinéa de l’article 911, le conseiller de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions adressées à la cour. »
La liste des pouvoirs du conseiller de la mise en état est limitative et d’interprétation stricte. Toute question non expressément prévue relève de la Cour d’appel elle-même.
Il peut notamment, prononcer la caducité de la déclaration d’appel, déclarer l’appel irrecevable, statuer sur les exceptions de procédure relatives à la procédure d’appel, etc.
Outre ses pouvoirs juridictionnels, le conseiller de la mise en état garantit le bon déroulement de la procédure : déroulement loyal de la mise en état, ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces, adresser des injonctions aux avocats et ordonner le retrait du rôle, etc. (article 913 du code de procédure civile).
Dans l’affaire étudiée par la Cour de cassation, les appelants relèvent appel d’un jugement d’un tribunal de grande instance dans un litige les opposant à la société UCB Pharma SA, la société Zurich Insurance public Ltd Company et la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine.
Le 3 juillet 2020, un conseiller de la mise en état enjoint à l’avocat des appelants de synthétiser ses prétentions ainsi que les moyens qui les fondent en de nouvelles écritures ne devant pas excéder 35 pages, sans modification de la police, du caractère et de la mise en page, dans un délai de trois mois en précisant qu’à défaut, l’affaire pourra être radiée.
Par une ordonnance du 10 septembre 2020, la radiation de l’affaire est prononcée à défaut d’avoir satisfait à cette injonction.
Les appelants font grief au conseiller de la mise en état d’excéder ses pouvoirs et de porter atteinte à leur droit d’accès au juge d’appel.
Ils forment un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation tranche la question de la recevabilité du pourvoi avant d’aborder le bien-fondé du moyen.
La radiation est la mesure de l’administration judiciaire. L’article 537 du code de procédure civile indique que ces mesures ne sont sujettes à aucun recours.
La société UCB Pharma SA et la société Zurich Insurance public Ltd Company soulèvent l’irrecevabilité du moyen.
En 2020, la Cour de cassation a déjà indiqué que la décision de radiation du rôle de l’affaire, lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel, affecte l’exercice du droit d’appel et peut faire l’objet d’un recours en cas d’excès de pouvoir (Cour de Cassation, 2e chambre civile, 9 janv. 2020, no 18-19301).
La solution sera la même en l’espèce. La Cour de cassation admet la recevabilité du pourvoi en indiquant que la décision de radiation peut faire l’objet d’un recours en cas d’excès de pouvoir lorsqu’elle entrave l’exercice du droit d’appel.
Les demandeurs au pourvoi soutiennent que le conseiller de la mise en état ne tient pas d’autres pouvoirs à l’égard des conclusions des parties que celui d’enjoindre à leurs avocats de les mettre en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du code de procédure civile.
La Cour de cassation fait d’abord un rappel des textes légaux :
La Cour de cassation en déduit que ces textes ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne lui donnent le pouvoir de contraindre les parties, sous peine de radiation, à limiter le nombre de pages de leurs conclusions, ce qui serait de nature à entraver l’exercice du droit d’appel.
Le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, implique que l’accès à un tribunal ne soit pas entravé par des obstacles procéduraux disproportionnés, c’est-à-dire par un formalisme excessif qui priverait le justiciable de la possibilité de faire valoir ses droits devant un juge.
Le deuxième argument porte sur l’atteinte à la substance du droit d’accès à un tribunal par l’exigence d’un formalisme excessif,
La Cour Européenne des droits de l’homme a condamné à plusieurs reprises la France pour avoir appliqué un formalisme excessif (arrêt Justine c. France (n° 78664/17)) invitant la Cour de cassation à faire preuve de souplesse chaque fois que la finalité de la règle n’est pas compromise.
La décision de la Cour de cassation s’inscrit dans cette logique de sanction d’un formalisme excessif injustifié portant atteinte au droit d’accès au juge d’appel, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En l’espèce, il a été imposé aux parties de réduire de moitié leurs écritures et indiqué que l’affaire serait rétablie sur justification de l’accomplissement des diligences alors qu’aucun texte ne permet de limiter le nombre de pages des écritures ni confie le pouvoir au conseiller de la mise en état de donner une telle injonction.
La décision est saluée, car la Cour de cassation réprime l’exercice de pouvoirs arbitraires qui ne trouvent pas leur fondement dans les textes légaux.
Toutefois, cette décision doit interroger les avocats sur le message que les magistrats souhaitent transmettre. Rédiger des écritures et les lire sont deux exercices très différents. Lorsqu’ils rédigent leurs écritures, les parties doivent aussi réaliser que des conclusions particulièrement volumineuses deviennent difficiles à appréhender pour le magistrat et perdent ainsi en efficacité.
jurisprudences et lois commentées
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